mardi 31 août 2010

UN PISTOLET POUR RINGO & LE RETOUR DE RINGO de Ducio Tessari (1965) par Rockin-jl

Pour l’amateur de westerns italiens , le genre ne se résume pas aux archi connus et multi diffusés films de Sergio Léone. On peut même dire qu’ils constituent l’arbre qui cachent la forêt, vu qu’il fut tourné en Europe, principalement à Cinecitta et Almeria, plus de 600 westerns depuis 1964 , l’age d’or se situant entre 1964 et 1973. Dans cette production pléthorique le meilleur côtoie l’indigent, la série Z, le chef d’œuvre, le tout formant un genre à part entière, souvent d’ailleurs décrié, par ceux qui n’ont pas prit la peine de s’y pencher sérieusement.
Si les Léone sont effectivement sur le dessus du panier, il ne faut pas négliger pour autant les deux autres Sergio , Corbucci (Django ; Le grand silence..) et Sollima ( Le dernier face à face ; Colorado..) , mais j’aurai l’occasion d’y revenir dans ces pages.
Les deux " Ringo " dont il est question ici ont valeur historique, en effet, ils marquent les premières apparitions dans le western d’un des acteurs emblématiques du genre et surtout sa première star italienne, j'ai nommé Giulianno Gemma . Il est amusant de noter que sur ces deux films de 1965, Gemma se faisait appeler Montgomery Wood, pour passer pour un acteur américain, le western étant encore jusque là associé à Hollywood . Grande année 1965 pour Gemma d'ailleurs puisque outre ces 2 Ringo il jouera aussi de la gâchette dans "Adios Gringo " et "Le Dollar Troué".

" Un pistolet pour Ringo " est un des premiers westerns italiens , signé Duccio Tessari (1926-1994), qui a participé en tant que scénariste au premier western de Léone " Pour une poignée de dollars " (1964), ainsi qu'à des péplums ( "Le colosse de Rhodes", de Léone toujours, "Les derniers jours de Pompei","Carthage en flammes"..) et a déjà collaboré avec Gemma sur " Les titans " , son premier film en tant que réalisateur où il engagea Gemma pour ses qualités de gymnaste et de cascadeur accompli . Auparavant Gemma avait tenu des petits rôles dans des grosses productions comme "Ben Hur "ou "Le Guépard" et plus surprenant dans "Angélique Marquise des Anges".
Gemma et Tessari tourneront régulièrement ensemble jusqu'en 1985.
Dans ce film inspiré de " La Maison des otages " (film américain de 1955 avec H. Bogart), le western rencontre la commedia dell arte et n'est qu'un support pour l'humour des situations, la violence passe ici au second plan et en est désamorcée.

Un bandit mexicain et sa bande, suite à un hold up, prennent en otage une riche famille dans leur hacienda . Ringo, pistolero en prison, est libéré et envoyé par le shérif pour les délivrer contre une part du butin dérobé. Gemma, qui était surnommé Angel Face " (visage d'ange), incarne un héros décontracté et bondissant, vif d'esprit et souriant, aux antipodes du froid homme sans nom de chez Léone incarné par Clint Eastwood. Ce personnage de Ringo donnera lieu à de multiples imitations plus ou moins réussies, de Sabata à Trinita, en passant par Django ou Sartana. Ce film impose Gemma comme une des vedettes du western italien avec Thomas Milian, Franco Nero, Gian Maria Volonté et les ricains, Lee Van Cleef et Clint Eastwood .

Tessari disait " surtout je ne veux pas me prendre au sérieux quand je tourne un western ", et de fait dès le premier plan le ton est donné : deux cow-boys se croisent dans la rue, s'arrêtent face a face, se regardent en chien de faïence ...avant de se souhaiter un joyeux Noël..



Fernando Sancho , une vraie "gueule " et un vrai méchant...

Dans le rôle du bandit, on retrouve Fernando Sancho (acteur espagnol 1916-1990), LE méchant truculent bandit mexicain , que l'on retrouvera dans ce rôle dans une bonne part des westerns tournés à en Italie . Tessari -Gemma-Sancho, ces trois copains s'entendaient comme larrons en foire et cette complicité rejaillit sur les films qu'ils ont tourné ensemble.

Ce film divertissant est loin d'être parfait, pas toujours très bien filmé, et une bonne partie se passe en huis clos dans l'hacienda, donc il manque parfois un peu d’action mais un film à replacer dans ce contexte des premiers westerns européens, avec de bons acteurs -Gemma bien sur, mais également des seconds rôles intéressants, sans oublier la BO signée du maître Ennio Morricone.


Le succès de ce film appellera une suite , la même année, " Le retour de Ringo ", qui est en fait une fausse suite, car rien dans le scénario ne le rattache au premier, si ce n’est le même réalisateur, la musique de Morriconne et la distribution, Gemma et Sancho en tête mais aussi Georges Martin, Nieves Navarro ou Lorella de Luca.
Exit le ton ironique du premier, ce second opus revisite le drame antique, le mythe d’Ulysse plus précisément, transposé dans l’Ouest américain. Comme Ulysse , Ringo rentre chez lui, de retour de la guerre de Sécession . Il apprend qu’en son absence des bandit mexicain, les frères Fuentes, ( F. Sancho et Georges Martin ) ont prit le contrôle du village, squattant même la demeure familiale, et que Paco Fuentes projette même d’épouser sa fiancée. Leur bande fait régner la terreur par des méthodes carrément sadiques, de vrais méchants de chez méchants. Déguisé en péon, Ringo trouve refuge chez son ami, un fleuriste loufoque, Myosotis, et va durant la première partie du film sombrer dans la déprime et noyer son impuissance dans le whisky.


La belle Lorella de Luca, épouse de Ducio Tessari, baptisée au générique Hally Hammond

Quand les bandits organisent les fausses funérailles de Ringo pour que Paco puisse épouser Hélène, la fiancée de celui-ci, jouée par la craquante Lorella de Luca, c'en est trop pour notre héros qui va reprendre les armes et la suite , vous l’imaginez , se terminera dans un bain de sang..

Le faux enterrement de Ringo.


Ce film a de cotés noirs, mélo et flirte même avec le fantastique comme pas mal de westerns italiens (" Tires encore si tu peux" ou " Et le vent apporta la violence") .
Les acteurs principaux sont excellents , appuyés par une galerie de second rôles hauts en couleurs (le shérif alcoolique, le fleuriste, la voyante..) , et celui-ci est beaucoup mieux filmé et mis en scène que le premier .

Avec Giulianno Gemma , ça va fumer....

Sans atteindre le niveau des Léone , ce très honnête western se classe dans le Top 20 des westerns italiens , alors que le premier est plus à réserver aux aficionados du genre, (tous les autres films avec "Ringo" dans le titre sont de pâles copies à éviter en revanche)



Un pistolet pour Ringo

Le retour de Ringo

2 commentaires:

  1. Les photos en illustration sont d'une très grande précision, magnifique, chapeau ! Et respectent le format scope des films, re-bravo !

    L'américanisation des noms italiens était figure courante, notamment pour vendre les films à l'export. La langue de tournage n'était pas un souci, puisque les films italiens (et c'est vrai aussi pour Fellini, Risi et les autres) étaient systématiquement tournés en "yaourt" puis post synchronisés en studio, selon le pays de distribution. Il n'y a pour ainsi dire pas de VO dans le cinéma italien de cette époque. D'ailleurs, pas mal de westerns italiens (et je parle sous le contrôle de Rockin') utilisaient des acteurs italiens, mais aussi français, espagnols, allemands, américains (pour ceux de Leone). Ce même Leone qui a commencé à tourner sous le pseudo de Bob Robertson...

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  2. Shuffle master1/9/10 18:29

    Des jacquettes de DVD qui rappellent les couvertures Fleuve Noir de la même époque. On ne m'enlèvera pas de l'idée que les titres sont particulièrement mal choisis, à moins que ce soit du second degré, ce dont on peut douter.

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