samedi 14 août 2010

SUGAR BLUE - "Threshold" (2010) par Rockin-jl


Un virtuose méconnu de l'harmonica

Comme souvent avec ces bluesmen, la vie de Sugar Blue est un roman, dont la première page s’écrit en 1949 , à New York, Harlem plus précisément. Il baigne très vite dans la musique , sa mère étant chanteuse danseuse au mythique Appolo Theatre. Il grandit avec les disques de ses idoles , des maîtres de l’harmonica ,Sonny Boy Williamson, Little Walter , Big Walter Horton mais aussi les jazzmen Lester Young et Dexter Gordon ou encore Stewie Wonder et Bob Dylan. Harmoniciste surdoué , il se fait remarquer et enregistera en tant qu’accompagnateur au milieu des 70’s avec Johnny Shines, Louisiana Red , Brownie Mc Ghee ou Victoria Spivey.
En 1977, il part tenter l’aventure et chercher la reconnaissance à Paris, sur les conseils du pianiste Memphis Slim, habitué de notre capitale . On le retrouvera bientôt partout, soufflant dans son harmonica, dans le métro , sur les trottoirs, puis bientôt sur toutes les scènes où il "squatte" les concerts des stars de passage , jouant ainsi aussi bien avec Luther Allison que les Stones ! Il gravera 2 albums en France en 1979 et 80 , " crossroads " et " from Chicago to Paris" , 2 albums qui selon Gerard Herzhaft dans sa bible "l’Encyclopedie du blues " contiennent "certains des moments d’harmonica les plus novateurs depuis Little Walter" mais malheureusement gâchés par des compos faiblardes , un chant pas toujours à la hauteur et une tendance à être un peu bavard avec son harmo. (A noter pour les curieux que l’on peut trouver ces 2 LP réédités sur un cd sous les titres "From Paris to Chicago" ou "Another man done gone")









La bande à Jagger fera beaucoup pour sa notoriété en l’invitant sur leurs albums Some girls et Emotional rescue , le point d’orgue étant son solo sur le méga tube "Miss you" en 1978.
Sugar retourne ensuite à Chicago en 1982 où il tournera pendant 2 ans dans l’orchestre du Boss Willie Dixon avant de former son propre groupe et d’enregistrer 6 nouveaux albums dont 2 pour le label Alligator ("Blue blazes" et "In your eyes" 1994-95) ; "Threshold " est son huitième album.
Musicien de studio réputé on peut le retrouver sur une multitude d’albums entre autres , outre les Stones pré-cités , de Willie Dixon, Son Seals, Bob Dylan , Lonnie Broks, Stan Getz et il partagera des scènes aussi bien avec Prince que Ray Charles ou Frank Zappa en véritable caméléon musical qu’il est .
Alors venons en à ce nouvel album qui me laisse un peu dubitatif, et auquel je ferai les mêmes remarques que faisait Herzaft il y a 30 ans , à savoir, trés brillant jeu d’harmo, mais compos qui partent un peu dans tous les sens, transcendant les genres , disons du blues contemporain, avec des passages funky, pop , jazzy , plus quelques sonorités word ou Hip hop ; bref , tout cela crée un petit manque d'unité qui pourrait parfois rebuter les "puristes".
Le titre d’ouverture " Living your love" est sans doute le meilleur , un blues enlevé avec de super solos de Sugar et un bon travail de guitare ; ensuite vient "Average guy" à la pulsation un peu latin rock ; "Noel news" , blues moderne et excellent titre hommage à la population de la Nouvelle Orleans ; je serai plus sévère pour le titre 4 "Stop the war " , compo funky et un peu prétentieuse avec des bruitages de guerre, même si elle contient aussi de bons solos . "Ramblin" est un solo instrumental et nostalgique pas vraiment indispensable non plus ; passons au titre 6 " Cotton Tree ", bel et sincère hommage au grand James Cotton ; puis à la reprise de "Messin with the Kid" , le fameux standard de Junior Wells, traité avec un beat funky endiablé et un super solo d’harmo au milieu. On zappera "Tonight", presque pop , pour passer a une autre reprise, " Trouble " de Leiber / Stoller qui évoque instantanément les riches heures du Chicago blues et " hoochie coochie man " en particulier . "Don’t call me" incite à jouer de la télécommande, compo lente vaguement jazzy sans grand intérêt ; avant de terminer l’album par "Nightmare" qui n’est pas un cauchemar mais pas inoubliable non plus…..(suivi en bonus d’une longue interview)
Au final un bluesman attachant et un bon album , même si inégal , aux climats variés, aux riches lignes d’harmo ; mais un sentiment d’inachevé aussi, comme si notre ami "Sucre bleu" n’avait pas encore exprimé tout son immense potentiel ..






"Hoochie coochie man"- Festival de Berne 1995

3 commentaires:

  1. Voilà un gars que je ne connais qu'au travers de ses multiples collaborations, où ses interventions sont toujours excellentes.
    Sur la vidéo, c'est bien Lurrie Bell à la guitare, non ?

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  2. Le titre "Hoochie Coochie man" est souvent attribué à Muddy Waters (comme au début de cette vidéo), c'est en réalité une composition de Willie Dixon, lorsqu'il commençait à bosser chez Chess Record. Il a insisté pour la refiler à son pote Muddy, qui a d'abord refusé, la jugeant trop complexe. Dixon lui a montré un arrangement simple, et Muddy Waters l'a finalement adoptée, et fait sienne pour l'éternité !

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  3. C'est vrai, c'est vrai. Willie Dixon est le compositeur, mais l'interprète, le 1er, c'est Muddy, avec sa patte (Chess 1954).
    Par contre, le coup de la simplification, je ne connaissais pas.

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