samedi 27 novembre 2010

LE FANFARON, un film de Dino Risi (1962) par Freddiejazz.






Classique de la comédie italienne , le Fanfaron (Il Sorpasso) fut redécouvert et réévalué dans les années 80, alors qu'il fut plutôt boudé par la critique et le public lors de sa sortie en salles (1962), ce film de Dino Risi a vraiment tout pour plaire. Il ravira aussi bien l'amateur que le plus exigeant des cinéphiles. Basé sur un scénario d'Ettore Scola et de Dino Risi, Le Fanfaron est peut-être bien le premier road-movie de l'histoire du cinéma. Une bande son remarquable, des acteurs qui prennent leur pied, et un voyage en Italie comme on en a rarement vu. Le sentiment aussi que nous tenons là un chef-d'œuvre de la comédie italienne avec un aspect documentaire non négligeable puisque cette histoire à la fois rocambolesque et tragique témoigne de cette Italie du début des années 60, alors en plein boom économique.

Le réalisateur Dino Risi.

Mais c'est aussi une satire à l'encontre de la société toute entière (l'enrichissement des classes moyennes, les plaisirs hédonistes, la découverte du capitalisme...). La critique à cet égard est bien féroce mais justifiée, et l'on comprendra que cette comédie est finalement une fable douce-amère. Alors, bien sûr, dès le début de ce long-métrage, Dino Risi utilise toutes les ressources de la comédie, et l'on ne manquera pas de rire aux éclats, tant sont jubilatoires les dialogues et les frasques des personnages. Mais Risi en profite pour explorer l'évolution des mentalités de son époque. Et plus le film avance et plus l'on perçoit le désir du cinéaste de montrer un certain désenchantement... Non pas que c'était mieux avant, mais sa foi en l'homme est sans appel... En effet, "Il Sorpasso" est un miroir parfaitement lucide de cette époque, des hommes mais aussi des femmes (l'automobile, véritable objet de culte, la frime, le fric, la disparition de la modestie et de la courtoisie, et la vulgarité qui commence à s'afficher sans vergogne ni pudeur, etc...).


Jean Louis Trintignant et Vittorio Gassman


Le film met en scène un personnage célibataire, Bruno Cortona, la quarantaine bien entamée (Vittorio Gassman, impressionnant), beau gosse, plein de fougue et de panache, déconneur, ne songeant qu'à une chose: profiter de tout, "vite et maintenant" (la scène du restaurent, ou celle au cours de laquelle on le voit danser et dialoguer avec la femme de son patron, ne manquent pas de piquant, mais c'est surtout dans sa façon de conduire son coupé sport que l'on cerne le personnage..). Et quand c'est jour férié en Italie (un 15 août), qu'il fait beau et que tout Rome est fermé, et même déserté (impossible d'acheter des clopes en pareille journée..), il est un peu désespéré le Bruno. Alors, forcément, il cherche à voir ses amis, mais en vain... Et c'est à toute vitesse, dans les rues de la capitale, qu'il lance sa Lancia. On l'aura compris, Il Sorpasso est aussi un film sur les frustrations de la solitude. Très vite, il interpelle un jeune étudiant en droit, perché à sa fenêtre (Jean-Louis Trintignant au jeu sobre et tout en retenue). Démarre alors pour ces deux hommes qui ne se connaissent pas une aventure folle de deux jours.. Elle sera forcément inoubliable, pour l'un comme pour l'autre... L'intérêt du film réside aussi, on l'aura compris, dans l'opposition entre les deux protagonistes (Bruno/Gassman opportuniste, sans gêne, et carrément extraverti, Roberto/Trintignant, timide, malléable, introverti...). La voix off de Roberto traduit d'ailleurs ses pensées les plus profondes en contradiction avec ses actes... Si l'un dit tout haut ce qu'il pense, l'autre, au contraire, est plus réservé, du moins au début... Mais au contact du premier, le second va découvrir une autre façon de vivre, et ouvrir peu à peu les yeux sur le monde qui l'entoure...

Catherine Spaak et Vittorio Gassman

La liberté des acteurs, et donc, leur sens de l'improvisation, sont ici remarquables. Gassman et Trintigant dépassent tous deux la représentation simpliste et caricaturale des comédies dites "classiques". Le premier (dont on apprend, dans les bonus, que ce film est de loin son préféré) associe son portrait et ses joutes verbales à des moments mémorables de rire libérateur, il vit si bien son personnage que jamais dans une comédie, en tout cas de mémoire de cinéphile, un être ne m'était apparus aussi authentique... Dans Le Fanfaron, le spectateur ne sera pas au bout de ses surprises. Improvisation, donc, comme ce thème de jazz endiablé qui ouvre le film. Aussi, Gassman ne s'en cache pas: il s'attribue quelques trouvailles pour les dialogues. Le rythme s'en trouve d'autant plus vertigineux que rien ne l'arrête. Ce type n'a peur de rien. Alors bien sûr, des scénaristes comme Ettore Scola ont tenu un rôle non négligeable, mais j'ai eu le net sentiment que ce sont les acteurs qui portaient vraiment ce film. Comédie jubilatoire, donc, film désenchanté, plans-séquence de toute beauté, regard sur l'évolution des mœurs italienne des années 60, fable douce-amère, Il Sorpasso est tout cela à la fois. Et voir Gassman disséquer les mécanismes de pensée de tel et tel personnage, ça ne manque pas de saveur... Dans l'évolution des mentalités, l'on sent pointer, durant tout le film, une critique acerbe (contre les préjugés -sur les paysans, notamment, qui réclameraient toujours plus d'argent-, contre l'impolitesse et la disparition de la courtoisie...). C'est une description incisive que celle proposé par Dino Risi, son effort pour donner un portrait synthétique des travers, des malaises et des aberrations de la société italienne font mouche. C'est du très grand art. Et Vittorio Gassman en parfait hâbleur, n'en est pas moins vif et lucide. Enfin, une réflexion vient se greffer sur le bonheur éphémère, celui de toute une jeunesse... Voici donc un film complet qui témoigne d'une éclatante vitalité et n'a pas pris une ride plus de cinquante après sa réalisation: un pur divertissement doublé d'une réflexion sociale acérée.

Un pur chef-d'œuvre de la comédie italienne. A ne manquer sous aucun prétexte.

Dans les suppléments de cette édition dvd : trois interviews fort intéressantes de Dino Risi, Vittorio Gassman, et d'Annette Strayberg. Langues : français et italien (avec sous-titres français).









LE FANFARON (1962)
Titre original : Il Sorpasso (Le dépassement)
Réalisation : Dino Risi
Scénario : Dino Risi, Ettore Scola et Ruggero Maccari
Musique : Riz Ortolani
Montage : Maurizio Lucidi
Avec : Vittorio Gassman, Jean-Louis Trintignant, Catherine Spaak, Claudio Gora, Luciana Angiolillo, Linda Sini, Luigi Zerbinati…
N&B – 105 minutes

3 commentaires:

  1. Gassman, un acteur fétiche de Risi! Quand le cinéma italien fourmillait de talents dans les années 60/70, au niveau au moins égal qu'Hollywood avec Cinecita.
    Gassman est prodigieux dans Parfum de Femmes (l'original).
    Nice to read you, Mr R. ...

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  2. Sinon, un grand merci pour l'accueil, ça fait chaud au coeur. FFJ ou R.

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  3. Freddie Jazz28/11/10 19:55

    Hi Pete! Merci de ton passage, ça fait plaisir. Oui, Parfum de Femmes, j'ai eu la chance de le voir en salles, alors que celui-ci, pas encore. Gassman est excellent... Ne l'ai jamais vu dans un mauvais rôle. Et même s'il a campé quelques rôles mineurs (cf. Oublier Palerme de Francesco Risi), il se montre toujours généreux. freddiefreejazz

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