dimanche 10 octobre 2010

OIL CITY CONFIDENTIAL (2010) de Julian Temple, par Luc B.




Article dédié à notre ami Ramone The S.

Ce film est distribué en salle au compte gouttes… C’est que les Minimoys (de l’autre Luc B.) tout mini qu’ils soient, prennent beaucoup de place…

Gamins, ils voyaient l’estuaire de la Tamise comme le delta du Mississippi. Cinq mômes, nés à Canvey, cité ouvrière dépendante de l’industrie pétrochimique. Cinq mômes pétris de cette musique sauvage et viscérale, venue d’Amérique : le blues. Après avoir vu Howlin’ Wolf en concert lors des tournées européennes du Chicago Blues Festival, le jeune Lee John Collison monte un groupe de Jug avec des potes du coin. Le Jug, est cette musique blues, campagnarde, jouée en acoustique, avec dés à coudre sur des planches à lessiver, et des jarres dans lesquelles on souffle, en guise de contrebasse. Ils ont 14 ans, jouent après l’école dans les pubs, et se font de l’argent de poche. Vers 1969-70, le vent tourne, et ils se mettent à l’électricité, laissant le cinquième membre, Chris, qui ne voit pas où le rhythm’n’blues peut mener…
Grand fan de Johnny Kidd, John Wilkinson s’achète une guitare Fender Télécaster, et le groupe commence à reprendre des standards. Ils se baptiseront DR FEELGOOD. Un problème cependant… Tous les quatre se prénomment John ! Lee John Collinson devient donc Lee Brilleaux, chanteur et harmoniciste (vu sur une pub), John Wilkinson devient Wilco, le batteur John Martin devient The Big Figure, et le bassiste John B. Sparks reste comme il est ! Et le groupe enchaîne les concerts locaux, restant trois mois dans le même club. La rumeur court, enfle… Il y aurait quelques part en Angleterre, un groupe de rock’n’roll, de rhythm’n’blues, absolument génial, un truc inédit, des purs et durs, alors que les tendances du moment sont au progressif, ou au glam rock (des chansons pour gonzesses, selon Wilco !). Ces types bossent la journée et jouent le soir. Lee Brilleaux travaille dans un cabinet d’avocat, en costume, qu'il portait sur scène faute de pouvoir se changer, et qui devint un look officiel, lui en blanc, Wilco en noir.

Le succès est fulgurant, la presse s’empare du phénomène alors qu’ils n’ont enregistré aucun titre, et composé aucune chanson. Ce à quoi Wilco s’attèle, sur les conseils de leur nouveau manager. Des chansons qui racontent le quotidien à Canvey, la jetée du port, la raffinerie Shell fumante à l’horizon, les sorties, les cuites, les filles, les espoirs… Des textes sans fioriture, ancrés dans le réalisme, interprétés avec fougue par Lee Brilleaux, sur des riffs survoltés de guitare.
1975 : premier disque, avec DOWN BY THE JETTY. Enregistré à l’ancienne, en mono, en direct, en une prise ! Et les tournées se poursuivent, en France, Scandinavie, en Amérique (avec les Ramones en première partie). Sur leur créneau, les DR FEELGOOD sont incontestablement les meilleurs. Wilco est la vedette du groupe, avec sa transe personnelle, ses déplacements anarchiques de pantins désarticulé, le regard perdu dans le vide (un truc appris lorsqu'il était prof, pour laisser penser qu'ils surveillaient ses élèves, alors qu'il n'en était rien !). 300 concerts par an. Fatigue, querelles, et des hectolitres de bibine. Wilco se plaint de ne plus avoir le temps de composer, d’autant que les autres s’y refusent. Depuis le départ, Wilco semble faire bande à part, préférant s’isoler dans sa bulle de LSD, alors que les trois autres carburent à la bière et au speed. Pour l’album SNEAKIN’ SUSPICION (1977) grosse dissension au sein du groupe, quand Wilco compose une chanson à propos des deux femmes qu’il aime, son épouse, et sa maîtresse, sur Londres. Les chansons personnelles ne font pas parties du cahier des charges. Lee se refuse à la chanter. Wilco quitte le groupe. Les autres poursuivront avec John (encore !) Mayo, qui apporte au groupe le tube « Milk and Alcohol ». Lee Brilleaux est malade, la chimio le fatigue, il meurt en 1994, à 42 ans. Tous les ans, à cette date anniversaire, les anciens remontent sur scène, dans le pub de Canvey où l'histoire avait commencé.
Le logo des DR FEELGOOD, dessiné par Wilco.

Le film de Julien Temple est passionnant. Il retrace la vie du groupe, propose de nombreux extraits de télé, de concert. La caméra se ballade là où ces gamins traînaient. La fameuse jetée, où les photos de leur premier disque ont été prises (avec Brilleaux qui pionce sur la photo !) La réalisation est aux antipodes des hagiographies habituelles. Ici, le montage est nerveux, les images superbement composées, les interviews se font partout à Canvey, Wilco tient sa Télécaster en bandoulière, ne peut s’empêcher de gratter tout en parlant. C'est lui qu'on enttend le plus, et sans langue de bois. Big Figure est souvent interrogé chez son coiffeur ! Lee Brilleaux témoignent aussi, et on l’entend souvent en voix off. Temple entrecroise les déclarations, les points de vue des uns et des autres. Et à la manière de la série DREAM ON, il intercale des extraits de feuilleton, de film, pour illustrer les propos. Si Wilco dit « on cassait la baraque », Julian Temple montre une bagarre dans un saloon dévasté ! Un mode de narration original, qui colle parfaitement à la personnalité de doux-dingue de Wilco (qui était aussi peintre). Il y a même la maman de Brilleaux, petite bonne femme toute ridée, adorable. On regrettera simplement que presque rien ne soit dit des séances studios, documents manquants ou choix rédactionnel ? De même que les FEELGOOD ont aussi joué et enregistré avec des claviers, des cuivres, sans que l’on en parle ici.


Ce film est à la fois une brillante création, et un hymne au rock’n’roll, un portrait drôle, décalé, d’un groupe vénéré par Richard Hell, Joe Strummer, Johnny Rotten, qui virent dans ce rhythm’n’blues incandescent matière à créer le punk anglais. Julien Temple est cinéaste, documentariste, qui a énormément traité du monde du punk, et du rock, réalisant des films sur les Sex Pistols, Joe Strummer, Bowie. Parmi ses titres les plus célèbres « La grande escroquerie du rock’n’roll » ou « Absolute beginners ».



"She does it right" enregistrée à la télé anglaise, en 1975.

OIL CITY CONFIDENTIAL, de Julian Temple.
1h45, couleur, 1:85

6 commentaires:

  1. Je n'en soupçonnais même pas l'existence... et aucune chance que cela passe près de chez moi. Alors vivement l'édition DVD.

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  2. Evidemment, évidemment.... là.... ! Inutile de te dire que je suis ému, çà va tous vous faire "marrer", mais je te le dis quand même ! Et c'est sincère ! la petite dédicace en haut.... !!!!!!!!!!!!! merci Luc, et pas la peine non plus de préciser, mais précisons le quand même (comme disait Talleyrand), que ta chronique est superbe, j'ai pourtant une bonne doc sur le Doc, (émanant de Blues Mag, notamment), mais tu as encore réussi à trouver des anecdotes croustillantes et intéressantes, qui apportent "somthing more". Thank's a lot. Ramone

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  3. Ramone,
    Si on peut joindre l'utile à l'agréable... Pas de sortie DVD pour le moment, mais le jour venu, je pense que ce film te comblera. à+

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  4. voila je suis age de 55 ans je n ais vu qune seule fois docteur feelgood a lille dans les annees 77 ou 78 en suite a chaque sortie dans les boites rock punk du coin moi et mes pottes reclamions a perdre le souffle docteur et comme une vraie therapie avec la chere de poule nous avions cette impresion d etre invinsible alcool baguarre vitesse sex drogue notre pain cotidien pour que le lundi je puisse reprendre le travail dure qui etait le mien chaques jours qui passent je reecoute ce groupe il me donne l impression d avoir 20 ans

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  5. docteur feelgood sans wilko et surtout lee brilleaux c est le coeur et l ame du groupe qui ont disparues lee brilleaux pour moi venait d une autre planette une sacree pointure dommage que sont hygienne de vie n etait pas a la hauteur de son talent car je pense qu il nous aurait encorre fait decollez wilko prent surtout soin de toi du reste un des dernier feelgood

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  6. moi et mon epouse dans notre garage nous bricolons une vielle bagnole afin de revenir dans le passe annees 70/80 en plein concert du docteur feelgood car notre epoque est vraiment desolente plus de liberte plus dimagination reve avenir je pleins cette jeunesses a la casse toi pauvre con la cible de chaqun le fric docteur feelgood reviend vite donne nous un remede

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