vendredi 12 novembre 2010

LA PRINCESSE DE MONTPENSIER (2010) de Bertrand Tavernier, par Luc B.




Le metteur en scène, et son actrice principale.



On sait Bertrand Tavernier grand admirateur et connaisseur du cinéma américain. Son dernier film a beau être 100% français (contrairement au très beau DANS LA BRUME ELECTRIQUE, tourné en Louisiane avec des acteurs américains), on y sent les préceptes d’un Raoul Walsh ou d’un Richard Thorpes : rythme + action + panache. Préceptes qu’un Ridley Scott eut été avisé de suivre pour son ROBIN DES BOIS, mais c’est une autre histoire…

L’Histoire justement, avec un grand H. Que de lacune… Quand commence le film, on se dit que, décidément, les leçons d’histoire sont bien loin… Catherine de Médicis, Charles IX, les Guise, les Huguenots, les alliances politiques… Hein, quoi, kézako ? Heureusement, rapidement, l’intrigue romanesque prend le pas sur les circonstances politico-religieuses de l’époque, et c’est tant mieux (pour moi !).

Marie, marquise de Mézières (Mélanie Thierry), est amoureuse depuis son adolescence d’Henri de Guise (Gaspard Ulliel). Hélas, pour des raisons stratégiques, son père la donne à épouser au Prince de Montpensier (Grégoire Leprince-Ringuet). Guise, ami aussi avec le prince, prend très mal la chose, et garde sa flamme intacte pour sa belle… Montpensier croise en chemin son ancien tuteur, François de Chabannes (Lambert Wilson), et lui confie l’éducation de sa jeune épouse. Chabannes en tombera amoureux. Et quelques temps plus tard, le fils de la reine, Henri de France, Duc d’Anjou, rencontrera le jeune couple, et tombera lui aussi sous le charme de la nouvelle princesse de Montpensier.

Une jeune femme, quatre prétendants, telle est l’équation de ce film, sur fond de guerre religieuse. L’affiche du film résume tout.

De gauche à droite : Gaspard Ulliel (de Guise), Raphaël Personnaz (Duc d'Anjou), Mélanie Thierry (Marie de Montprnsier), et Grégoire Leprince-Ringuet (Prince de Montpensier), dans la cour du château de Blois.


Le premier plan du film est la réplique du premier plan de DANS LA BRUME ELECTRIQUE. Travelling au ras du sol, un cadavre, la caméra s’élève, on découvre un champ de bataille, des blessés, des morts, et François de Chabannes, qui défend la foi catholique, prompt à dézinguer du protestant. Las, il embrochera une femme enceinte, et prendra conscience de l’horreur de son geste. Ancien protestant, passé chez les catholiques, il désire aujourd’hui rester neutre. Il est lettré, philosophe, et son personnage illustre à merveille le tournant de la Renaissance. L’amour qu’il porte à la princesse reste platonique. Il est celui qui la comprend le mieux, celui qui en l’éduquant, cherchera à la faire grandir, à s’affirmer. Henri de Guise, lui, est bouillonnant, fougueux, toujours prêt à ferrailler, et renoncera à des alliances politiques, à un mariage juteux, pour rester fidèle à son amour de jeunesse. Henri Duc d’Anjou serait plutôt libertin, se joue des sentiments, tant qu’ils n’empiètent pas sur la politique et l’avenir du royaume. Montpensier, lui, cherche à plaire, à se faire un nom, à se défaire de l’emprise de Guise sur sa femme, brûlant réellement d’amour, mais incapable de l’exprimer, un peu jaloux de tout le monde. Un personnage moins emblématique.


Lambert Wilson, et Mélanie Thierry.



LA PRINCESSE DE MONTPENSIER est donc avant tout le portrait d’une femme de la Renaissance, tiraillée par ses sentiments. Sentiments qui sont le moteur de l’action. Le film est vif, rapide, l’intrigue s’enrichit à chaque fois qu’apparait un nouveau prétendant. Au cœur du film, Marie, que Mélanie Thierry interprète avec talent. Elle sait que son mariage est politique, mais fera avec, et tentera de ne pas trahir son mari. A une de ses amies, dégoûtée d’épouser un homme plus âgé, elle dira : « tu t’y feras, car c’est notre métier ». Mais Marie ne se voit pas rester potiche. Elle demande à Chabannes de l’éduquer, sur les plantes, les astres, la poésie. Elle ne monte pas en amazone, et fait fi de sa pudeur en apparaissant nue devant Chabannes, mutine ou provocante (ah les beaux seins ! c’est Rockin qui m’a dit : soit précis dans tes chroniques). Tavernier tient là un beau personnage, une belle matière.


Tavernier réussit de grandes scènes, comme la nuit de noce devant témoin, des scènes de bataille tout à fait convaincantes (compte tenu des moyens financiers du film), où le conflit qui oppose Guise et Montpensier affleure toujours, au-dessus des contingences militaires. Tavernier filme des repas, des noces, des massacres, des chevauchées, des duels (les comédiens se battent vraiment, dans des plans non saucissonnés au montage), la fin du film frise même le vaudeville, avec passages dérobés, rendez-vous clandestins, visiteurs mystérieux, quiproquo (on se croirait chez Alexandre Dumas !). Mais le vaudeville ne fait pas rire, la tension devient éprouvante, d’autant que la Saint Barthélémy se trame à l’horizon.


Marie de Mézière, qui deviendra Princesse de Montpensier. Elle monte comme un homme... Il manquerait plus qu'elle pense !


Si Mélanie Thierry est formidable, jouant à merveilles toutes les facettes de son personnage, les trois autres aussi : Ulliel, Wilson, et surtout Raphaël Personnaz (le Duc d’Anjou) que je ne connaissais pas. Dans un second rôle, Michel Vuillermoz est comme d’habitude fabuleux (la scène de l’essayage !). Hélas, le casting me semble un peu gâché par l’acteur Grégoire Leprince-Ringuet, sans relief, voix de fausset, qui à mon sens a du mal à imposer son personnage, plus fade que les trois autres. Les costumes jouent un grand rôle, dans leur coupe, leur couleurs, pour caractériser les personnages : Anjou en pourpre, en rose, avec pendentif, les yeux maquillés, Chabannes dans un gris strict). Les dialogues sont très beaux, écrits comme on parlait le français à cette époque (mais tout à fait compréhensible) ce qui donne une patine à la fois réaliste et littéraire à l’ensemble du film, que vient renforcer la mise en scène ultra classique, quasi académique, qui privilégie le rythme d’ensemble, le mouvement, aux scènes de bravoures.


Michel Vuillermoz, prodigieux acteur de théâtre, immense "second rôle" au cinéma, quelque soit le genre abordé.



En Bref, j’ai aimé ! Long, mais jamais ennuyeux. Et même mieux : plus on avance dans le film, plus il est intéressant. De toute façon, j’adore Tavernier, auteur engagé, indépendant, exigeant mais populaire, réalisateur de L’HORLOGER DE ST PAUL, QUE LA FETE COMMENCE, COUP DE TORCHON, LE JUGE ET L’ASSASSIN, L627, LA FILLE DE D’ARTAGNAN, LA VIE ET RIEN D’AUTRE… Le genre de metteur en scène dont on se demande : mais a-t-il fait au moins un mauvais film celui-là ? Autant de métrages qui abordent des genres différents, des époques différentes, des styles de réalisations différentes. Ils ne sont pas nombreux, en France, de pouvoir se coltiner des films en costume (Tavernier y revient souvent) sans reconstitution ronflante, ou défilé de mode pour nomination aux César.











LA PRINCESSE DE MONTPENSIER (France, 2010)
Scénario : Jean Cosmos, François-Olivier Rousseau, Bertrand Tavernier d'après Madame de La Fayette
Dialogues : Jean Cosmos
Photographie : Bruno de Keyzer
Couleur – 2h20 – scope 1:2.35

3 commentaires:

  1. Shuffle master12/11/10 22:00

    Bon, allons à l'essentiel. Le mariage "juteux" me paraît être dispensable. D'autre part, serait-il idoine de crier:" Mme de La fayette, nous voilà!", lorsqu'on entre dans la salle de projection?

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  2. Hurler à "La Fayette" pour épater la gallerie ? Cela me semble même indispensable !

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  3. Entièrement d'accord avec ce bilet, Luc. Très, très classique ET très, très beau : costumes et paysages somptueux. Le seul petit bémol de mon côté n'est pas tant la voix de fausset du prince que celle de petite fille de Mélanie Thierry...mais c'est vraiment histoire de dire qqchose !! Jalousie de femme sans doute !

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