vendredi 24 décembre 2010

AGATHA CHRISTIE « Le Noël d’Hercule Poirot » (1938), par Elodie




Agatha Christie (1890-1976).

Elle commence à écrire en 1920, et publie son dernier roman en 1975 "Hercule Poirot quitte la scène".


Si vous voulez vous plonger dans la description d’un vrai noël anglais, avec crackers, neige, sapin au coin de la cheminée et Christmas pudding, vous risquez d’être déçu : pour cela il vaut mieux lire « Christmas pudding », une nouvelle publiée en 1962. Dans « Le Noël d’Hercule Poirot » il n’y a ni dinde ni gâteau de noël, juste des feux de cheminée, au grand dam du détective frileux qui préfère le chauffage central.
Pourquoi choisir la période de Noël pour ce roman alors ? Pour y trouver le prétexte d’une réunion familiale traditionnelle. Rien à voir avec le repas que vous voulez à tout prix éviter ces jours-ci, entre les blagues éculées de votre beau-frère, l’excitation des neveux, et les remarques plus ou moins perfides de l’un ou l’autre membre de la (belle) famille. Quand Agatha Christie prévoit un noël en famille, elle n’y va pas par le dos de la cuillère. Autour du vieillard odieux, un brin escroc et foncièrement manipulateur qui finira assassiné dans un bain de sang le soir du 24 décembre, elle rassemble tous ses fils: Alfred, l’aîné, dévoué et aimant (on se demande bien pourquoi !), George, le député avare et imbu de sa personne, Harry, le fils prodigue célibataire qui fait son grand retour, et David, l’hypersensible, qui n’a jamais pardonné à son père son attitude envers sa mère. S’y ajoute leurs épouses, et même une touche exotique avec une charmante jeune fille espagnole, petite-fille jusqu’alors inconnue de la victime, et un étranger à la famille, fils de l’ancien associé du vieillard, venu tout droit d’Afrique du Sud.


Abney Hall, le manoir où Agatha Christie passait généralement Noël.


On a donc bien les ingrédients préférés de la « Reine du crime » : un mort haut en couleurs, une famille remplie de mauvais sentiments et de secrets, un manoir anglais avec majordome, nombreux serviteurs et five o’clock tea, et un meurtre commis dans un cercle fermé. A cela s’ajoute la touche personnelle de l’auteur : une écriture très théâtrale, qui fait la part belle aux dialogue, et qui s’attache à mettre parfaitement en scène les protagonistes de l’histoire, et bien évidemment un meurtre ingénieux, habilement démonté par l’agaçant Hercule Poirot – qui contrairement au lecteur ne tombe pas dans les pièges tendus par l’assassin (il doit avoir des indices que nous pauvres lecteurs n’avons, pas, ce n’est pas possible !).


Seule particularité de ce crime, le meurtre est singulièrement sanglant (trop sanglant ? se demande à juste titre Hercule Poirot), ce qui est finalement un peu incongru dans un roman « de noël ». Mais Agatha Christie a dédié cette histoire à son beau frère James Watts qui lui réclamait « un de ces bons vieux meurtres bien saignants », et chez qui aussi elle avait l’habitude de passer noël.



L’adaptation télé avec David Suchet dans le rôle de Poirot. Outre les séries télé, ce sont 20 romans d'Agatha Christie qui ont été adaptés au cinéma.



Pour le reste, c’est un vrai, un pur Agatha Christie avec une victime et un dénouement particulièrement intéressants, et, en prime, un mystère de chambre close très bien ficelé. On a bien un côté vieillot que l’on retrouve dans l’écriture, le traitement de l’intrigue, les personnages et la classique idylle romantique qui se noue au cours de l’histoire. Mais c’est aussi ce qui fait son charme : l’assurance de retrouver une ambiance légèrement surannée, mais délicieuse, comme une pâtisserie anglaise, ou comme un noël en famille.




LE NOËL D’HERCULE POIROT (1938), Editions du Masque (et autres éditions de poche), 245 pages

1 commentaire:

  1. très intéressant cet article, tu donne envie de lire (ou relire) ce roman ^^
    Merci

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