vendredi 18 février 2011

ANGELE ET TONY de Alix Delaporte (2011) par Luc b.






Alix Delaporte prépare un travelling
ANGELE ET TONY est le premier long métrage de la réalisatrice Alix Delaporte. L’action se déroule à Port en Bessin en Normandie, où une jeune femme, Angèle, débarque un jour comme venue de nulle part, pour y trouver un homme. Par petites annonces, elle a jeté son dévolu sur Tony, un marin pêcheur, qui partage la maison de sa mère. Le premier contact est maladroit, lui réservé et bourru, elle écorchée et impatiente. Car ce que ne dit pas Angèle, c’est qu’elle sort de prison, et cherche à retrouver la garde de son fils actuellement élevé chez ses grands-parents. Et devant madame le juge, annoncer qu’elle se marie, qu’elle a un foyer, appuierait grandement sa démarche…


Voilà ce qu’on appelle communément un joli petit film. Oui, petit, et sans que cela ne soit péjoratif. Petit par le budget visiblement, et par l’intention du film, qui ne cherche pas à brasser des grands thèmes universels, mais à s’attacher au quotidien, et à suivre au plus près ses personnages. C’est un film qui met en scène deux personnages plutôt solitaires, aux sentiments contrariés. Lui Tony, la quarantaine, préfère vivre avec sa mère depuis que son père a disparu en mer. Cela ne facilite pas les rencontres, comme son métier, marin –pêcheur. Et puis il doit encore jeter un œil à son jeune frère, Ryan, qui six mois après l’accident cherche encore à remonter la dépouille du père. Elle, Angèle, cherche à dissimuler un passé dont elle n’est pas fière (on en saura pas tellement plus, et peu importe). Elle voit un conseiller de réinsertion, abandonne son emploi à l’usine (en piquant un vélo au passage) et la cohabitation avec la mère de Tony n’est pas toujours simple. Elle se méfie, joue avec la vérité. Elle me rappelle Adèle, dans ADELE H. de Truffaut, en moins hystérique ! Angèle aussi dit ce qui l’arrange. Qu’elle se marie, qu’elle se marie pas, selon l’interlocuteur, selon que cela la servira ou non. Ces deux êtres que tout devrait séparer (Laurel et Hardi comme le dit Ryan) vont unir leur solitude, et bâtir une histoire.



Clothilde Hesme et Grégory Gadebois
Et elle essaie, Angèle, même si elle s’y prend mal, elle essaie. Au bout de la route il y a la garde de son fils. Une scène récurrente définit bien ce personnage. On la voit à vélo, monter des côtes contre le vent, triturant le changement de vitesses. Elle se fait klaxonner, chambrer, mais elle persiste, elle pédale. C’est un personnage écorché, elle porte un perfecto, les cheveux coupés courts, baise le premier venu contre tout et n’importe quoi (la première scène) et ne tient pas en place. Une scène au tribunal, où elle attend une entrevue avec la juge. Son fils est là, il a la bougeotte, arpente la salle, tourne en rond. Angèle le rassoit presque de force. Quand le fiston passe en premier devant la juge, qu’Angèle doit l’attendre, c’est elle qui se met à tourner en rond dans sa cage. Et puis elle n’y tient plus, traverse le tribunal, entre dans le bureau de la juge, et lui dit simplement : « arrêtez là, je sais ce qu’il veut, il veut rester avec ses grands-parents ». Et elle repart. Il lui faudra accepter la confiance des autres (la mère de Tony, les préparatifs de la fête, le travail à la criée…) pour reprendre confiance en elle.


ANGELE ET TONY n’est pas un film misérabiliste, lugubre, ni larmoyant. Si ce type d’histoire rappelle le cinéma des frères Dardenne, le ton y est moins tragique, les situations moins excessives. Il y a de l’espoir, de la lumière, un peu grise et nuageuse, sur la côte normande, mais de la lumière. Pour son premier film, Alix Delaporte touche juste. Point de fulgurance de mise en scène, elle écrit et filme à l’économie. Elle saisit parfaitement son cadre, la région, la campagne, la mer, ces marins-pêcheurs, sans non plus en faire un film militant, bien que les difficultés économiques soient abordées, et sans nous en mettre plein la vue en reconstitution (ce n'est pas un documentaire déguisé sur la pêche). Elle ne nous fait pas un film psychologique avec background lourdingue des personnages. Ce ne sont pas des stéréotypes. Ils vivent, existent, sans se plaindre de leur condition. Cette même démarche guide la mise en scène. Tout est dit en quelques plans. Alix Delaporte sait arrêter un plan, ou une scène, lorsque l’idée est passée. Le meilleur exemple en est la scène finale, qui filmée par d’autres aurait duré trois plombes, avec ralenti et violons. Ici, il lui suffit de réunir ses trois personnages sur une plage battue par le vent (allons voir si se faire pincer par un crabe fait mal), de capter l’image qu’il faut, et s’arrêter dessus. Une image, une seule, et pas de long discours.



L'acteur belge Patrick Descamps
L’autre qualité de ce film teint à ses interprètes. Angèle est jouée par Clotilde Hesme, venue du théâtre, et habituée des films d’auteur (la bande à Garrel…). Elle est formidable, sombre et lumineuse à la fois. Face à elle, un nouveau venu, de la Comédie Française : Grégory Gadebois. Il doit avoir les oreilles qui sifflent celui-là : le nouveau Gabin ! Le nouveau Depardieu ! Robuste, rondouillard, et qui exprime tellement de sentiments dans le regard, faux rustre au cœur tendre, à la voix douce. Il me rappelle l’acteur anglais Peter Mullan, vu chez Ken Loach. De la même trempe. Il y a aussi Evelyne Didi, la mère de Tony, et Patrick Descamps (le grand père du gamin) que j’aime beaucoup, on l’a croisé souvent chez Lucas Belvaux, ou Xavier Giannoli. Et puis dans un tout petit rôle, (la grand-mère) c’est Corine Marienneau. Elle était musicienne, bassiste d’un groupe de rock : Téléphone !


ANGELE ET TONY est une réussite, un film fragile, précis, sensible, produit et distribué avec peu de moyen, mais que le bouche à oreilles peut aider à rester à l’affiche.









ANGELE ET TONY
Scénario et réalisation : Alix Delaporte
Dir. photo : Claire Mathon
Musique : Matthieu Maestracci
Avec : Clotilde Hesme, Grégory Gadebois, Evelyne Didi, Patrick Descamps

Couleurs  -  format 1:85  -  1h25

4 commentaires:

  1. Shuffle master18/2/11 08:46

    Celui-là, on sent bien qu'il t'a plu. A mon avis, le titre est bien mal choisi.

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  2. Corine? qui joue une grand mère? je suis donc si vieux? merci de m'avoir déprimé pour la journée...elle a deja fait des roles ou c'est sa premiere au ciné?

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  3. Renseignements pris, la Corine, elle va sur ses 60 balais... Née en 1952, eh ouais ! On la croise deux ou trois fois, mais elle n'a pas de scène véritablement dans le film. Pas vu qu'elle ait déjà tourné...

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  4. corinne je sais pas ce qu'elle leur a pas fait au 3 autres, mais y s'en veulent plus

    christian s

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