mardi 19 avril 2011

BLINDMAN, Le Justicier Aveugle de F. Baldi (1971 - Edition Wild Side 2011) par Rockin "Django"-jl


C’est un beau cadeau aux cinéphiles amateurs de westerns, de cinéma bis et autres curiosités qu’a fait là l’éditeur Wild Side en éditant enfin cette version française de Blindman, le justicier aveugle, un des westerns les plus sulfureux jamais tournés en Italie.
1971, le western italien a déjà abordé son déclin, Trinita (1970) est passé par là et les tartes à la crème ont remplacé les colts fumants, Blindman va être une des dernières grosses productions du genre. Ce film marque la rencontre du réalisateur Fernandino Baldi(1917-2007) auquel on doit notamment Texas Adios avec Franco Nero et Le dernier des salauds et du comédien –scénariste- producteur américain Tony Anthony (Roger Anthony Petitto) qui va trouver là le rôle de sa carrière. Anthony fasciné par le cinéma japonais s’inspire pour le personnage de Blindman de Zatoïchi le masseur aveugle, personnage incontournable du 7ème art nippon (d’ailleurs Anthony finira par envoyer carrément son personnage de pistolero ..au Japon dans  "Le Cavalier et le Samourai" ( L. Vanzi 1968)).


Blindman et son cheval

Un Tony Anthony dont on demande bien tout au long de Blindman ce qu’il fumait à l’époque pour concevoir un film aussi dingue….Par quel bout prendre ce film pour essayer de vous en donner une idée, pas facile…Un pistolero aveugle joué par Anthony lui-même est payé pour convoyer un troupeau de 50… femmes destinées à épouser des hommes seuls dans une ville minière du Texas et se les fait voler par la bande de Domingo (Loyd Batista), un bandit mexicain, flanqué de son frère Candy joué par Ringo Starr. Il y a aussi dans l’affaire un général mexicain, la sœur de Domingo en véritable salope tortionnaire (Magda Konopka) , une ville fantome, un cimetière comme dans « Django » et bien sur 50 femmes souvent en petite tenue voire en tenue d’Eve.


 Une bonne douche pour se rafraichir les idées.. au premier plan Maria Konopka (habillée); et seconde paire de fesses à sa droite , Liza Blackwell


 Pour la petite histoire on trouve parmi celles-ci la fameuse Liza Blackwell dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler pour, à ma connaissance, sa seule apparition à l’écran. A noter que cette histoire de femmes déplacées par convoi pour peupler l'Ouest et se marier avec de parfaits inconnus afin  de créer des communautés a une réalité historique (voir "Le convoi des femmes" de W. Wellman (1951) avec Robert Taylor).
Je n’essaie pas de raconter plus le film, sachez juste qu’on ne s’y ennuie pas car le rythme et les rebondissements sont incessants . Ce qui fait l’intérêt de cet ovni, c’est le mélange des genres, western , érotique, gothique, voire fantastique, on n’est pas loin du giallo (cinéma d'horreur italien)  par moment .
Déjà le personnage de Blindman, justicier qui ne lâche jamais le morceau, aveugle, tireur infaillible et expert en dynamite est des plus improbable, comme son cheval, véritable cheval d’aveugle qui me fait penser au Jolly Jumper de Lucky Luke .( Au début Blindman poursuit les bandits sur une piste, s’arrête pour demander sa route à un paysan –où est la montagne ? – comment voulez vous que je vous l’indique – montrez la route à mon cheval .) Il faut le voir au début avec sa Winchester à baïonnette qui lui tint lieu de canne blanche se pointer au milieu de l’armée de soudards de Domingo et demander avec aplomb « je veux mes 50 femmes ». ….


Succession aussi de scènes très violente , massacre des soldats par les bandits digne du Peckinpah dans La Horde Sauvage, séances de tortures, violences envers les femmes très crues, comme cette scène surréaliste où les femmes sont poursuivies par les bandits dans le désert , violées ou tirées à vue comme des lapins, dans une sauvagerie rarement vue a cinéma (heureusement d’ailleurs..) . Le duel final entre Blindman et Domingo vaut aussi le détour, avec le général mexicain ( le truculent Ralf Baldassare) qui brûle avec son cigare les yeux de Domingo pour que les combattants soient sur un pied d’égalité, aveugles tous les deux..
Irrationnel aussi cette hacienda qui ressemble plus à un château médiéval et que Domingo fait repeindre en noir pour les funérailles de son frère , descendu par Blindman (idée qui a peut être inspiré Eastwood dans l’Homme des hautes plaines quand il fait repeindre le village en rouge) ; sans oublier les rites et danses tribales de cette cérémonie, du grand n’importe quoi , délirant et baroque… accompagné de la musique de Stelvio Cipriani bien barré elle aussi (hurlements, sitars)
Mais c’est tellement énorme que ça passe ; provocation, cynisme, nul doute qu’un tel film serait interdit de nos jours et ne trouverait même pas producteur, Disney peut-être…
Tous les excès du cinéma de genre italien sont là, réunis en un seul film, navet absolu pour les uns, films culte pour les autres (dont  Jean François Giré, le spécialiste du western italien, auteur de la "bible" "Il était une fois le western européen"). Un film à ne pas regarder en famille mais un trésor pour amateur de cinéma bis, incorrect et hors normes.

Ringo et Pilar (Agneta Eckmyr)
Un mot sur Richard Starkey alias Ringo Starr en amoureux éconduit qui veut dresser la femme qu’il convoite à coups de poings, mais qui reste plutôt sobre dans son jeu . Il sera le Beatles qui se sera le plus investi dans le cinéma, tournant -outre les films des Beatles ( Hard day’s Night, Help, Magical Mistery Tour)- dans 6 films , Candy en 1968, The Magic Christian en 1969 avec Peter Sellers, Blindman et 200 Motels de Frank Zappa en 1971, That’ll Be The Day en 1973 et L’homme des cavernes en 1981, sur le tournage de ce dernier il rencontre d’ailleurs sa future femme, ex James Bond girl, Barbara Bach. A noter qu’il s’appelle dans Blindman Candy, clin d ‘œil à son premier film ?



Le packaging de la Wild Side propose en bonus sur un second DVD le premier Zatoïchi réalisé en 1962 par Kenji Misumi , dont est clairement inspiré Blindman , d’après le romancier Kan Shimozawa. Ce premier volet sera suivi de 24 autres jusqu’en 1973 avant un dernier en 1989 , il donnera aussi lieu à une série télé , 100 épisodes de 1976 à 1979 , toujours avec le meme acteur interprétant Zatoichi , le charismatique Shintaro Katsu (1931-1997). Takeshi Kitano tournera un remake en 2003. Cette saga se passe à l’époque 1830-1844 et propose une belle reconstitution historique, c’est au milieu de la misère des paysans sur fond de guerre des gangs que le justicier aveugle met son sabre au service de la veuve et l’orphelin . Mise en scène impeccable, beauté et poésie des images, profondeur des personnages, combats brefs mais fulgurants, porté par le charisme de Katsu, ces films offrent de grands moments de cinéma, bien au delà du cadre du "Chambara" (film de sabre) . Un cinéma japonais qui aura d’ailleurs souvent servi de modèle au western italien, paradoxalement plus que le western américain. Dans les postures et dans le ton général on s’aperçoit que Tony Anthony a dû beaucoup regarder Zatoichi et s'en inspirer ,sans toutefois l'égaler, mais l’hommage est évident et louable.


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