dimanche 8 mai 2011

ROBERT JOHNSON, les 100 ANS ! L'INTERVIEW EXCLUSIVE !! par Rockin-jl

Je me rappelle encore ce soir là, c’était à la fin d’une conférence de rédaction du Deblocnot’… Vincent venait de nous exposer son futur article sur je ne sais plus quels metallurgistes chevelus et tatoués, Bruno sur l’unique Bootleg d’octobre 1969 d’un obscur groupe de heavy blues thaïlandais qu'il avait trouvé auprés d’un revendeur ouzbek dans le souk du Caire, Luc préparait son 278eme article sur Deep Purple, Philou continuait la discographie de Bob Dylan, il attaquait la période 12 mars 74- 17 mars 1974, Elodie n’avait pas décoincé un mot, assise dans le fauteuil du fond et plongée dans un polar plein de psychopathes, de temps en temps elle levait un œil, jetait un air inquiet par la fenêtre ou derrière elle, puis rassurée, se replongeait dans sa lecture, Foxy, elle, était partie dans un trip avec un nouvel acteur bellâtre, elle en avait fini avec Paul Newman et Joaquim Phoenix apparemment…  Claude Toon et Christian Selmogue s'étaient fait excuser, ils participaient à Gdansk  à un séminaire sur l'influence du compositeur polonais  Gorecki sur la musique de Magma, ils étaient d'ailleurs les 2 seuls inscrits; quant à Freddiejazz il était à son pelerinage annuel sur la tombe de Miles Davis...
Mon tour vint :
et toi Rockin', que prépares tu ?
- ben...une interview de Robert Johnson pour son centenaire


Elodie laissa tomber son livre, Bruno ecrasa sa canette de biere dans sa main, Philou manqua de s’étouffer en avalant d’un coup sa saucisse apéro et un silence pesant s’installa, que Luc brisa le premier :


- euh... Robert Johnson, tu ne parles pas DU Robert Johnson, celui du Crossroads, tout ça ?
- Si si , celui-là même, pourquoi ?
- Non, pour rien…….. et bien euh bonne chance


Il était tard, la réunion était finie, je recuperai mes dossiers et quittait la salle sentant tous les yeux braqués sur moi, j’entendis Philou chuchoter à Vincent "ce pauvre Rockin est épuisé, faut dire qu’on a des cadences infernales ici...", puis Luc glisser à Foxy, "surveilles le stp, je crois qu’il a besoin d’une infirmière".


De retour chez moi, je fis mes bagages et direction la Louisiane, le billet était cher, mais avec ma carte American Express illimitée au nom du Deblocnot, je pouvais me le permettre, les retours qu’offriraient mon scoop rembourseraient largement les frais.

New Orleans


A New Orleans j’avais rendez avec un type a la réputation sulfureuse que j’avais connu par petites annonces (il faisait les désenvoûtements, retours d’affection, gains au jeu, et contacts avec l’au-dela, du sérieux quoi) celui-ci bien établi dans la communauté créole m’avait promis de me mettre en contact avec un certain Docteur John, grand prêtre vaudou qui me mettrait en contact avec Robert Johnson.


et aprés le passage de Katrina..

 Les ruelles étaient sombres, poisseuses, encore marquées par le passage de l’ouragan Katrina, certaines cours étaient restées telles quelles et offraient un spectacle surréaliste comme des barques perchées sur une voiture renversée, le tout servant de poulailler à une faune multicolore et bruyante. Le Dr John me reçut, dans le patio d’une antique demeure coloniale, trônant sur un grand fauteuil en osier, genre Emmanuelle, mais en moins sexy, un bâton de cérémonie à la main, avec la même coiffe emplumée que sur ses pochettes de disques, 2 jeunes femmes aussi sexy que fort peu vêtues l’éventaient avec de larges feuilles .


 Dr John


-Hi Rockin JL, entre donc
Je m’inclinais :
euh... vous parlez français ?
-Non, mon ami, mais tout est sous titré ici, ma magie est puissante, qu’est ce qui t’amène ?
-Voila Tout Puissant, je voudrais rencontrer Robert Johnson et j’ai pensé que ...


- Ecoute Rockin jl, relève toi mon brave, j’ai lu ta chronique élogieuse de mon dernier disque dans le Deblocnot’, (NDLR: à lire ici ) je suis ton obligé, je vais te faire conduire dans les méandres du bayou, là tu trouveras le passage vers le territoire sacré et ton souhait se réalisera.
 Le Docteur se leva et hurla d’une voix de stentor : "qu’on apporte du punch et du gumbo !"


Ana lee et Peggy Sue


Puis il se mit à psalmodier des incantations, Ana Lee et Peggy Sue,les 2 beautés dénudées vinrent danser lascivement autour de moi, enflammant mes sens, la soirée fut chaude et arrosée, je finis par m’endormir vautré sur les coussins et les petits seins fermes d’Ana Lee...


Je me réveillais avec un affreux mal de crâne, j’étais dans une voiture, ou plutôt une tas de ferraille d’un autre âge qui brinquebalait de droite à gauche à chaque nid de poules, il faisait encore nuit ; le chauffeur était un créole entre 2 âges .
-ah tu es réveillé ? on arrive bientôt
 - mais où ?
-Ça je ne peux pas te le dire, le Docteur m’a dit de te conduire au Crossroads, d’ailleurs on y est.


Effectivement nous étions arrivés à un carrefour, la voiture stoppa, mon chauffeur me fit signe de descendre et démarra aussitôt m’abandonnant dans cette cambrousse, je dois dire que je n’étais pas vraiment rassuré.

le crossroad

J’avisais un vieux banc de bois et m’y assis pour reprendre mes esprits, je fermais les yeux un instant et quand je les rouvris je sentis une présence, mes yeux s’habituaient à l’obscurité et bientôt je distinguais une silhouette qui se déplaçait souplement et vint s’asseoir à mes cotés.


Les nuages s’étaient éclipsés et au clair de lune je pus dévisager l’arrivant, un jeune homme noir, vigoureux et plutôt beau gosse, tiré a 4 épingles dans un costume à rayures, cravaté, un chapeau élégamment posé de travers sur la tête, les traits fins, l’air malicieux.

Robert Johnson

- Vous êtes, non vous n'etes pas… c'est impossible !
- Hi Rockin-jl, I'am Robert Johnson (*) et il me tendit la main, je la lui serrais et remarquais ses longs doigts fins.


(*) pour la commodité des lecteurs non anglophones le reste de l’entretien sera en VF


- Robert je suis très honoré de te rencontrer, je voudrai te poser quelques questions, si ça ne t’ennuie pas

- Je sais, le Dr John m’a parlé de toi, je t’écoute.


Clarksdale et ses plantations de coton


- Commençons par le commencement, peux-tu nous parler de ta jeunesse Robert ?


- Oh la ! tu sais Rockin’, c’est loin tout ça, je suis né dans le delta du Mississippi prés de Clarksdale en Mai 1911, le 8, ça fait  100 ans tout pile, ça ne nous rajeunit pas... Ce dont je me rappelle c’est qu’on ne rigolait pas tous les jours, c’était plutôt compliqué, déjà je suis un enfant illégitime, ma maman ayant flirté hors mariage avec mon père, Noah Johnson ; faut dire que son mari avait du s’enfuir de la maison pour se réfugier à Memphis, il avait eu des histoires avec des notables du coin, alors j’ai été élevé par Maman, mes sœurs, puis par mon beau père, tu sais on était une famille recomposée avant l’heure ; imagine j’avais 11 frères et sœurs, sans compter les enfants de mon beau père qui s’était remarié..


- Effectivement ça a l’air compliqué… Venons en à la musique si tu veux bien, comment ça se passait à cette époque les tournées ?


Photos de Mississippi
juke joint du delta (photo TripAdvisor)

- Les tournées ? Tu sais, à cette époque y’avait pas de tour manager, en fait de tournées, on arrivait dans un bled on se mettait à jouer sur la place du village, ou devant un bar, parfois on trouvait un engagement pour un bal ou dans un juke joint, c’était une putain de vie rock’n’roll ! J’ai joué à Detroit, Chicago et même a New York, oui Monsieur ! C’était le bon temps, j’ai croisé et joué avec Sonny Boy Williamson, Johnny Shines, Walter Horton, Son House, Robert Nighthawk et des petits jeunes dont tu as du entendre parler Muddy Waters et Howling Wolf… Et tu sais quoi, on était payé aux pourboires donc fallait jouer ce que les gens voulaient, j’étais un vrai juke box, j’entendais une fois une chanson à la radio, et j’étais capable de la reproduire. Ah ah Sonny Boy, ça le sidérait !
Ma valise était toujours prête, des fois j’entendais un train et courais pour l’attraper, sans payer bien sûr, on voyageait comme les hobos, dans les wagons de marchandises ou avec les bestiaux, et parfois on faisait du stop... ou de la marche à pied…


- Parle nous un peu de tes séances d’enregistrement Robert.


- Ah, les enregistrements, ça c’était au Texas, j’en ai fait 2 à San Antonio puis à Dallas, c’était vers 1936-37. C’était assez rocambolesque, déjà on crevait de chaud, on avait du bricoler des ventilos de fortune qu’on posait à coté de pains de glace, ensuite figures-toi qu’on enregistrait le Dimanche car il y avait moins de voiture qui roulaient ce jour là, donc moins de bruits extérieurs, incroyable non ?! J’ai enregistré 29 titres, les disques se sont pas mal vendus pour l’époque et plus tard sont devenus des collectors.


- De nombreuses légendes circulent sur toi, pour les lecteurs du Deblocnot’, peux tu nous dire la vérité sur cette fameuse histoire de Crossraods, t’as vendu ton âme au diable en échange de ton talent à la guitare?


- Hé, tu vas pas me dire que tu crois à ces salades ? (il se marre franchement) ; tu sais cette histoire du Crossraods, c’est Son House qui l’a fait courir, parce qu’il est resté 2 ans sans me voir et qu’entre temps j’ai fait des progrès stupéfiants. En fait c’est Tommy Johnson, celui qu’a écrit "Canned Heat Blues", qui a le premier raconté cette histoire qu’il aurait fait pacte avec le diable pour faire son intéressant, en ce temps là les gens croyaient tous en la magie vaudou, et après à chaque fois qu’un nouveau gus doué à la guitare se pointait, on ressortait cette histoire. La vérité c’est que j’ai bossé comme un malade, je me suis usé les doigts à force de jouer et finalement je dois dire que je suis arrivé à me débrouiller, un vrai autodidacte quoi.

- Ah d’accord je comprends mieux. Dis-moi, tu passes pour un fameux coureur de jupons ; guitariste de blues ça marchait bien pour emballer les gonzesses ?


- Ah ah ah Rockin’, t’es con ! (reprenant son sérieux) tu sais j’ai été marié 2 fois, ma première femme est morte en couche à 16 ans, la malheureuse, la seconde je suis resté un moment avec, c’était une sacrée cuisinière et bien roulée avec ça…
Bon c’est sûr que quand j’étais sur la route j’avais une femme dans chaque ville, ou presque, déjà ça m’assurait le gîte et le couvert (rires), pourtant j’étais assez timide...


- Toi timide ? j’ai du mal à le croire !


- J’étais pas vraiment bavard, mais quand une femme me plaisait j’y allais franco, genre je la regardais droit dans les yeux et je lui balançais : je peux dormir chez toi, je peux dormir avec toi, ça marchait à tous les coups, ou presque, je te le dis Rockin, c’est infaillible, essaie tu verras.


-Euh, ben... merci pour le tuyau Robert, j’essaierai(en moi-même je pensais, tiens je testerai ça sur Foxy Lady et Elodie...), revenons en à la guitare, tu tires des sons hallucinants à la slide, quel est ton secret ?


- Je vais te le dire, mes bottleneck, fabrication maison, tiens je t’en donne un. (Il sortit de sa poche un petit tube de métal tout cabossé ; je pris la relique et la mît dans ma poche.)


- Et "Sweet Home Chicago" c’est de toi ou pas ?


- Je vais t’avouer un truc mais ça reste entre nous, juré ?


- T’inquiète, à part 3 pékins personne ne lit le Deblocnot’


- Ben en fait, j’ai rien inventé. Father of the Delta blues et tout ça, c’est des conneries des maisons de disques, je me suis inspiré des Son House, Tommy et Lonnie Johnson, Charley Patton comme ensuite Muddy et le Wolf se sont inspirés de moi. Entre nous "Sweet Home Chicago" je l’ai pompé sur Kokomo Arnold, et déjà ce n’était même pas de lui, alors... Les droits d’auteur ça n’existait pas, les textes se répandaient de façon orale, chacun les modifiait à sa sauce et s’en attribuait la paternité…


Tiens, en parlant de Sweet Home Chicago figures toi que je suis tombé l’autre jour sur une super émission de blues de ce nom (blues.radio666.com), marrant, non?


Peter Green , the Robert Johnson songbook

 - Tous les rockeurs blancs, ou presque, ont repris tes titres, Eric Clapton et Peter Green t’ont consacré des albums entiers, ça te fait quoi ?


- Ah oui, on peut dire qu’ils ont puisé dans mes titres ; ça me fait plaisir que prés d’un siècle après des blancs becs me jouent encore ; c’est drôle de penser à ça alors que de mon vivant les nègres étaient considérés par les blancs comme des chiens, t’aurais vu comment ça se passait dans les plantations du Sud... Quand je pense à ceux qui se plaignent de nos jours, ah s’ils avaient connu la cueillette du coton à Robinsville...
J’aime bien le disque sur moi qu’à fait Peter Green, quel feeling celui là. Quant à  l’autre, Clafton...




Eric Clapton, Me and Mr Johnson

- Clapton !


- Pardon, Clapton. Ben je trouve qu’il a un peu pris le chou depuis qu’il s’est fait surnommé God, il est trop sérieux ; ma zic c’est pas des tables sacrées tu sais, faut les vivre, avec ses tripes. Mais faut dire qu’il a fait une sacrée version de Crossroads avec Cream, comme les Rolling Stones avec Love in vain, ce sont ces petits anglais qui ont fait de moi une gloire mondiale, avant je n’étais connu que dans les bas fonds du Mississippi, alors je les remercie.


- Tu suis l’actualité du blues, il y a des jeunes que tu aimes ?


- Oui bien sur, le blues est toujours là, tant qu’il y aura de la misère sur cette terre et des hommes pour la chanter, le blues vivra ; j’aime bien Marquise Knox, Homemade Jamz blues band, Malcom/Burnside, Eric Bibb et plein d'autres...

- Et la scène blues en France, tu connais ?


- Bien sur ! Y’a les Mountain Men, Bo Weavil, Miguel M, Jean Jacques Milteau, les Witch Doctors, Malted Milk, Big Dez, et Sophie Kay, quelle voix elle ! Fred Chapellier aussi qui touche bien sa bille à la gratte, sinon il y a une petite française que j’adore, je crois que je suis amoureux… Nina Attal, tu la connais ? Tu crois que tu pourrais lui parler ? s’il te plait..

Nina Attal (photo Sandrine Boulois, son site)
- Euh... ben, je vais voir ce que je peux faire… Robert, quel regard portes-tu sur les nouvelles technologies, Myspace, Facebook ? Tu as une page Facebook ?


- Ouais mon pote, j’ai même plus de 80.000 fans sur ma page (NDLR : authentique ! facebook/robertjohnson ), ça t’en bouche un coin ! Je crois que les nouvelles technologies permettent de diffuser la musique, que beaucoup de jeunes artistes utilisent Myspace ou Facebook pour se faire connaître, c’est plus simple qu’à mon époque.


- Excuses moi de te rappeler des mauvais souvenirs, mais peux tu nous parler de ta mort, de nombreuses versions circulent, magie, poignardé, envoûté ?


-Empoisonné ! Et à cause d’une fille ! Quelle allumeuse celle là, je m’en rappelle comme si c’était hier, le 16 août 1938 à Three Forks pas loin de Greenwood, Blackwell qu’elle s’appelait, Rosanna Blackwell. Je jouais pour un bal et cette fille m’a tourné autour toute la soirée. Son mari n’a pas apprécié et m’a servi du Whisky empoisonné, j’ai joué jusqu’à en crever, mes boyaux brûlaient comme les feux de l’enfer ; tu sais que de ce jour j’ai arrêté la bibine ?


Un bruit se fit entendre dans la nuit, je reconnus les grincements de la vieille Buick qui m’avait déposé.


Robert se leva , "je crois que c’est l’heure  "vieux frère" (en français dans le texte), je lui serrai la main, le remerciai et il s’enfonça prestement dans les ténèbres. Je montai machinalement dans la voiture, ne réalisant pas encore très bien ce qui venait de se produire, nous roulâmes plusieurs heures, en silence. Epuisé, je finis par m’assoupir.


Je me réveillai dans mon lit, en sueur, quel rêve incroyable, cherchant un mouchoir je portai la main sous ma table de chevet, mes doigts rencontrèrent un petit objet rond, j’allumai la lumière et vis alors un petit tube de métal tout cabossé……….

5 commentaires:

  1. Claude Toon8/5/11 19:18

    Avec Christian on a dégoté une borne WIFI. Super ta chronique en voyage astral, et puis ça nous occupe… La conférence a été annulée et remplacée par une causerie sur la béatification de Jean-Paul II. Du coup il y a avait 10 000 pékins et on n’a pas pu rentrer. Bof de toute façon, moi je voulais Gorecki…
    Dis donc Christian… les billets. - Oui quoi ? - C’est des Allers simples !!! – Ah, et… t’as des ronds. - Ben non, c’est Rockin qu’est parti avec l’American Express…

    RépondreSupprimer
  2. Shuffle master8/5/11 21:51

    De belles trouvailles, notamment la réplique:" ma magie est puissante, tout est sous-titré ici".

    RépondreSupprimer
  3. todd rundgren , le génial todd rundgren, vient de sortir un album de reprises de robert johnson. je ne sais pas encore ce que ça donne

    christian s

    RépondreSupprimer
  4. Lorsque Clapton l'a écouté pour la 1ère fois, chez des potes, il a de suite apprécié. Il demanda à l'assistance qui était le second guitariste...

    RépondreSupprimer
  5. Big Bad Pete6/2/12 09:16

    Oh que ça c'est du bon !!!

    RépondreSupprimer