mercredi 8 juin 2011

WHISKEY MYERS "Firewater" (2011) - Bruno


La Confirmation (
et ce n'est pas du frelaté)


     Disons-le de suite et clairement: le second opus de Whiskey Myers est moins bon que son prédécesseur. C'est que d'entrée la barre a été placée très haut. Toutefois, Firewater n'en demeure pas moins de très bonne facture ; suffisamment pour écrire que Whiskey Myers confirme et se place dorénavant sur le podium des prétendants au titre des meilleures formations de Southern-Rock.


     Whiskey Myers
reste dans la même veine que « Road of Life », son premier disque, sans pour autant se répéter. C'est-à-dire que tout en gardant une nette affiliation avec l'Allman Brothers Band et, donc, le Lynyrd Skynyrd originel (soit celui des 70's avec Van Zant et Collins), certains titres de « Firewater » ont une orientation Country-Rock (version Southern) et « roots » plus franche, qui les rapproche ainsi de Outlaws et de Shooter Jennings, quand d'autres sont franchement plus « rentre-dedans », voire foncièrement Hard-Rock.
   La production est plus brute. Certains soli, duels et chorus de guitares offrent même un son plus sale avec parfois une saturation située entre une Fuzz cabossée et une Overdrive dont l'aiguille du « vu-mètre » du spectre sonore ferait des incartades inopinées dans le rouge.

       Cody Cannon s'affirme en tant que chanteur au détriment de Tate qui, au niveau du chant, semble ici rester en retrait. Cannon a gagné en maîtrise, et compense son apparent manque de puissance par une habilité à voguer sur les rythmes. Malgré tout, sur « Song for You », où il chante seulement accompagné de sa guitare acoustique, il n'arrive pas à convaincre complètement (et la chanson s’essouffle).


     Il y a de fortes chances pour que cette coloration country sous-jacente ait été appuyée par leur producteur, Leroy Powell. Ce dernier s'est fait un nom en accompagnant à la guitare (Gibson SG) Hank Williams Jr, Billy Joe Shaver et Dicky Betts mais surtout Shooter Jennings (fils unique de Waylon). Issu donc de la scène Country et Country-Rock, Powell opéra progressivement en quatre albums solos une évolution qui mua sa Country en un Rock 70's.


     Ainsi, le dernier et très bon album en date de Powell, « Atlantis » sorti en 2010, hésite entre un Heavy-rock du début des 70's franc et direct, teinté de Blues du Delta et de Chicago, et un Country-folk plus classique. (Entre Mountain et Charlie Daniels ?).
   Powell, apparemment très impliqué, participe également en qualité de musicien à l'album, en y jouant de la guitare, de l'orgue (en nappes placées en arrière plan, juste pour étoffer discrètement le son sur deux titres) et des cuillères ; il fait aussi office de choriste. Mais surtout, il interprète deci-delà quelques traits de pedal-Steel plaintive, qui étayent alors la facette Country.

     En fait, l'impression de Country omniprésente est surtout insufflée par la présence de la pedal-Steel de Powell, voire quelques introductions acoustiques où la guitare électro-acoustique de Cody Cannon domine.    Certes, « Ballad of a Southern Man » est une pure... ballade de Country Rock, mais déjà « Calm before the Storm » bien que commençant comme telle, se pare progressivement d'une tension « électrique marécageuse » (du Country-Swanp-Southern-Rock). Quant à « Broken Window Serenade », superbe ballade acoustique avec harmonica mélancolique, elle ne fait que renouer avec le genre déjà abordé sur l'opus précédent avec « Gone Away » et « Russell's Song » ; le plaisir de retrouver l'excellence. « Virginia » aurait pu faire de même s'il n'y avait eu cette pedal-steel fantomatique, à mon sens, envahissante ici.



« Bar, Guitar and a Honky Tonk Crowd » et « Guitar Picker » s'offrent sur l'autel d'un Southern-Rock Heavy tel qu'il est pratiqué par Blackberry Smoke et Tishamingo. Dans la continuité de leurs compositions aux tempos enlevés avec toutefois cette fois-ci des guitares plus grasses.

On force même le trait sur deux compositions. « Different Mold » lorgne vers le Boogie-rock Texan et clôture sur un mouvement où le côté heavy est exacerbé, tant et si bien que l'on songe irrévocablement aux Queens Of The Stone Age (!). Et un passable « Strange Dreams » qui s'inscrit dans un Hard-blues que n'auraient pas renié leurs confrères lourdauds d'Hogjaw.


   Les deux compositions offertes par Leroy Powell, « Turn it Up » et « How Far », sont de l'or en barre. Parmi les meilleures de l'album. Deux titres alliant la morgue d'un Lynyrd à l'entrain d'un Blackfoot (en moins lourd) avec un côté glam 70's (celui des Bolan, Slade et Ziggy). C'est festif et jouissif à la fois. Surtout « How Far » basé sur un rythme principal monolithique, binaire et tribal, soutenu ponctuellement par des claquements de mains rythmés, et entrecoupé de refrains qui réconcilient la chanson avec un Southern-rock.

Quant au sympathique et enjoué "Anna Marie", disons qu'il aurait fait le bonheur d'un John Mellecamp à l'époque des "Uh-Huh" et "Scarecrow".

   « Firewater » est finalement plus direct que son prédécesseur ; notamment par le travail des guitares qui joutent bien moins entre elles et qui, tout en recherchant à atteindre l'essentiel, sont parfois plus offensives. Des formats en majorité plus courts qu'auparavant également. Whiskey Myers n'essaye pas de réitérer une recette éprouvée et approuvée, non, ces gars là sont sincères. Ils jouent tout simplement une musique dans laquelle ils sont immergés, et cela s'entend. D'ailleurs il suffit de visionner quelques rares vidéos pour voir qu'il n'y a pas de poseurs chez eux.
Un album qui semble meilleur au fil des écoutes. Whiskey Myers a réussi avec brio à passer le cap redouté du second album. En espérant qu'il ne faille pas attendre à nouveau trois ans pour le prochain.
  1. Bar, Guitar and a Honky Tonk Crowd 3:17
  2. Guitar Picker 3:28
  3. Ballad of a Southern Man 3:40
  4. Calm before the Storm 5:39
  5. Broken Window Serenade 5:46
  6. Different Mold 5:21
  7. Turn it Up 3:24
  8. Virginia 4:20
  9. Anna Marie 3:37
  10. How Far 3:07
  11. Strange Dreams 6:12
  12. Song For You 7:59
(Total 55:55)

"Road of Life", 1er album et précédent disque paru en 2008 : http://ledeblocnot.blogspot.fr/2011/06/whiskey-myers-road-of-life-2008-bruno.html





🎼🎶♬

15 commentaires:

  1. Shuffle master8/6/11 13:25

    Je l'ai commandé: on verra bien.

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  2. Y'a de Black Crowes dans l'air aussi... En tout cas, c'est vachement bien.

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  3. Effectivement Luc ; notamment celui des derniers, "Warpaint", "Before the Frost.." et surtout "Until the Freeze". Mais ce n'est pas flagrant.

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  4. J'aime beaucoup "Broken Window Serenade" et "Ballad of a Southern Man". "Broken Window Serenade" à un petit côté mélancolique, un peu nostalgique.

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  5. Shuffle master16/6/11 13:39

    Reçu et écouté. Un peu déçu comme avec le premier. A mon avis (parfaitement autorisé, puisqu'il n'est pas inutile de rappeler que je suis le spécialiste incontesté et autoproclamé du .....bla blabla...), ce n'est pas du southern rock (ce n'est pas parce qu'on mentionnne Curtis Lowe dans le premier morceau qu'il faut aller chercher la filiation Lynyrd Skynyrd),ça se rapproche bien plus de l'americana. Je n'aime pas le son, trop plat sur la majorité des morceaux. Certaines compositions sont également bien plates, geignardes (le commentaire précédent dit mélancolique ou nostalgique), et se ressemblent beaucoup; on n'a pas l'impresssion d'avoir changé de morceau. Et le CD est trop long; ça ne tient pas la distance. On accroche au début et on se lasse assez vite. Il n'y a pas d'entrain dans ce disque comme il y en a généralement dans tous les disques de rock sudiste et pas trace de country. Encore raté pour la relève. J'ai dit.

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  6. Plus proche de l'Americana et pas de trace de Country ? Euh.. ? N'est-ce pas contradictoire ? J'étais pourtant persuadé que cet "Americana" était une sorte de "range-fourre-tout" ; un truc inventé pour ces groupes américains difficiles à cataloguer mais qui gardent un lien évident avec leurs racines. A savoir le folk, le rock, le blues, le R'n'B, et, la Country. Surtout la Country. Donc, si Americana, donc, au moins, traces de Country. Ce qui ne signifie pas pour autant de la pure Country traditionnelle, sinon ce n'est plus de l'Americana.

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  7. Maintenant le Southern-Rock n'est pas obligatoirement un genre figé. Whiskey Myers n'est pas un clone de Lynyrd, même si, à mon sens (mais je peux me tromper) l'affiliation est bien présente (certes pas sur tous les titres). Ce n'est pas totalement un continuateur car W.M. aborde peu ou prou d'autres genres, avec toujours, en toile de fonds, en guise de fondation, un certain Southern-Rock.
    - Quant à la longueur du disque, rien d'extraordinaire avec 55 minutes, toutefois si l'on avait omis les deux dernières chansons, Firewater n'en aurait été que meilleur. De plus, il s'agit des plus longues.

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  8. Ce qui est bien avec Shuffle, c'est qu'il n' pas la langue de bois. Y'a pas intérêt à lui raconter des cracks, et vaut mieux connaître son sujet, ou faire profil bas. Au moins, cela donne un avis contradictoire, comme quoi ce qui plait aux uns ne plaira pas forcément aux autres. Les goûts et les couleurs.
    Pourtant, sincèrement, ce Whiskey Myers, j'aurai cru qu'il était dans les petits papiers du Shuffle Master. Pire, deux lignes sur Warren Haynes (où j'attendai avec impatience une volée de bois vert) et en voilà une tartine sur W.M.
    Suffle l'imprévisible.

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  9. Shuffle master19/6/11 08:57

    Bon effectivement, ça dépend ce qu'on entend par country. Comme pour le rock, c'est assez (trop?) large. Ces groupes dits "du Sud" revendiquent fortement leur identité (drapeau confédéré, Volunteer Jam, Jack Daniel's...etc) et le country qu'ils instillent (distillent?)dans leur musique est celui de leur région géographique, le country originel (Appalaches), plus tard appelé bluegrass (voir le bouquin d'Herzhaft et Brémond)et non celui du Texas et de Californie: en gros, rythmes alertes, virtuosité, banjo...C'est ce qu'on trouve en très marqué, chez Charlie Daniels, Dickey Betts, les Outlaws, Grinderswich, Stillwater,Pure Prairie League, ARA...et en moins marqué chez Lynyrd, Molly Hatchett (les deux premiers), 38 special (les deux premiers)...Nulle trace de tout ça chez Wishey Myers (toi qui joue de la guitare, tu auras remarqué la différence dans les rythmiques, plombées chez ces nouveaux groupes et souples/élastiques chez les groupes du Sud des années 70), et c'est ce qui m'a fait écrire que j'étais déçu (d'ailleurs de plus en plus au fil des écoutes) par ce disque qui m'évoque parfois Green on red ou le Crazy Horse. De la discussion jaillit la lumière. J'ai grand plaisir à débattre avec vous de ces sujets d'une importance cruciale.

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  10. Ho ! Ho ! Ho ! Rien de crucial, ce n'est pas un site de philosophie, ni de théologie, encore moins de politique. Sacré Shuffle.

    Effectivement Shuffle, les rythmiques et les guitares ont été plombées, au détriment de "compositions plus rurales" et de pièces plus travaillées. Ici ou ailleurs. Certains "anciens" en sont d'une certaine manière les instigateurs. On peut rajouter que les bons clavièristes se font rares. Personnellement le plombé (pas trop quand même), j'aime bien, bien que je regrette la radicalisation.
    Pour info, Blackberry Smoke a fait un disque (un Ep) foncièrement orienté country, New Honky-Tonk Bootleg. Peut-être que cela répondra plus à tes attentes.

    Pure Prairie League m'est totalement étranger. C'est quel genre ? Pourrais-tu me conseiller quelque chose d'eux ?

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  11. Shuffle master20/6/11 22:10

    Blackberry Smoke, j'avais vu ça, effectivement. J'ai aussi noté Jaded Sun , chroniqué par Rockin. Pure Prairie League, c'est du country rock très bien fait, mélodique (belles parties vocales), avec des guitares qui tricotent dans tous les coins. C'est tout sauf plombé. Comparaison? Les Doobie en plus country, peut-être, période Stampede/What were once vices...Two lane highway est bien, mais hors de prix. Tu as le Greatest hits, bien fait. Je suis pas un fanatique des compilations mais là, il n'y a pas grand choix. De toute façon , après Just Fly, un peu raté, le groupe s'est essoufflé. Un des membres, Larry Goshorn, guitariste, a joué dans un groupe de hard (dont le nom m'échappe) mentionné par Protat dans son bouquin. Ca te dit peut-être quelque chose.
    Je plaisantais à moitié: entre la filiation southern rock de Whiskey Myers et les primaires socialistes, ou encore les débats à l'Assemblée sur l'adoption permise ou non aux couples homosexuels, le choix est vite fait. En tout cas je recommande fortement, mais comme tu n'aimes pas Atlanta Rhythm Section....que je classe parmi les très grands...

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  12. Ca y est ! Pure Prairie League, j'm'en souviens. J'ai écouté sur le net, il y a quelque mois, intrigué par leurs pochettes avec le vieux cow-boy. Cela me paraît plus franchement Country-Rock que Southern. Pas ce que j'écouterai naturellement, mais de belles parties de guitares.
    Quant à Larry Goshorn, j'ai cherché mais je n'ai pas trouvé de groupe de Hard. Par contre, il a joué dans The Sacred Mushroom, qui n'a sorti qu'un seul disque en 69. Un très bon disque de Blues-Rock, entre Cream, Livin' Blues, Savoy-Brown, avec un petit quelque chose qui évoque la scène de San-Francisco sans pour autant sonner psyché.
    The Sacred Mushroom est mentionné par Protat, mais n'a rien de Hard ; Heavy-blues à la limite.

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  13. Shuffle master24/6/11 08:48

    Exact (comme d'habitude...), c'est bien Sacred Mushroom.

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  14. Je confirme Bruno, le "Honky Tonk Bootleg" de Blackberry Smoke est une vraie pépite! contrairement à leur premier effort "Bad Luck aint'" très très moyen.
    Quant'a Wiskey Myers après maintes écoutes je préfère définitivement le premier!

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  15. Hélas, "Honky Tonk Bootleg" ne semble plus être distribué.

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