mercredi 20 juillet 2011

JAMUL - "Jamul" - (1970) par Bruno



     Il est bon parfois de parler, d'écrire une bafouille, sur ces groupes qui ont disparu après avoir réussi à enregistrer et à sortir le fameux "Premier Disque". Ce but ultime, cet Eldorado, cette Terre Promise, cette consécration, hélas atteint au prix de pénibles et douloureux efforts, donne souvent le coup de grâce à des musiciens pleins de rêves et d'espoirs mais éreintés par des années de galère, de mauvaise nutrition et de nuits écourtées.
     Certains ont  le lot de consolation en voyant le fruit d'années d'efforts et de privations devenir collector, voire culte (hélas généralement des années plus tard) ; d'autres  finissent carrément aux oubliettes. Évidemment pas de commune mesure avec un "Led Zep IV", un « Made in Japan », un « Straight Shooter », un « Rocks », un "Jailbreak", un « News of the World » ou autres « Billion Dollar Babies », voire un « ---------------- » (écrire ici votre disque préféré, cela évitera les disputes), néanmoins cela n'enlève rien à la qualité de ces petits bijoux, certes souvent mal dégrossis ; pas des diamants certes, pas nécessairement des joyaux, mais de petits bijoux (fantaisie) dont il serait regrettable d'ignorer l' existence (surtout lorsque tant de daubes gluantes et nauséabondes hantent les ondes).
Jamul fait partie du lot de ces loosers magnifiques.

     JAMUL (1), tel Janus, présente deux visages distincts. Le premier œuvrant dans un Blues gras, lourd, ébouriffé et remuant à la fois, le second dans un pseudo-folk-pop de moyenne envergure. Lorsque certaines formations, et non des moindres, arrivaient majestueusement à passer de l'un à l'autre, pour le plus grand plaisir de nos esgourdes, d'autres n'étant vraiment bons que dans un genre se sont malheureusement cassés les dents en persévérant à jouer sur les deux tableaux.
Ce fut le cas pour Jamul. Alors qu'il excellait dans un Heavy-blues, il est assez ennuyeux dès lors qu'il laisse retomber la pression. A un point tel que l'on a l'impression qu'il ne s'agit plus du même groupe. Le chanteur d'ailleurs est méconnaissable d'un style à l'autre.
Pourtant, malgré ce gros défaut, cet unique album n'en demeure pas moins intéressant. Ce sont donc ses titres enlevés et électriques qui méritent l'attention.


     Ainsi, pour cet unique album, on retiendra les titres velus, décoiffants et brut de décoffrage. Électriques mais rustiques. Soit :
- « Tobacco Road » qui s'érige comme une des meilleures versions de ce classique tant de fois repris. Ici transfiguré, notamment par un chant déclamatoire au timbre mi-éraillé, mi-enfumé, il se pare de chorus d'harmonica sur-électrifié qui prend son envol avec un solo qui, par le son, la tonalité et la tenue des notes, évoque le jeu de Robert Plant sur « When the Levee Breaks ». Un Heavy-blues faisant office de prémices de Heavy-Rock et de Hard-Blues en gestation. Dire que cette composition de John D. Loudermilk (alias Johnny Dee dans les 50's) était à l'origine bien plus acoustique que tout ce que l'on pourra entendre par la suite (pour les curieux, les historiens de la musique, écouter l'original sur : http://www.youtube.com/watch?v=pP3gRrFMoVk&feature=fvst ).
- « Long Tall Sally » que le maître lui-même (Little Richard) aurait reconnu à l'époque comme l'une des meilleures qu'il lui ait été donné d'écouter. Pourtant elle a peu de rapport avec l'original. Rien que cet harmonica sautillant omniprésent et cette batterie au rythme vaudou. Une version où l'électricité est palpable.
- « Sunrise Over Jamul » où le chanteur se fait bien moins mordant pour interpréter un bon Blues-poppy rugueux, chargé de traits d'harmonica frénétiques évoquant à la fois James Cotton, John Popper et Magic Dickentre Steppenwolf et Blues Traveller.
- « All you Have Left me », secouant avec son tempo et sa guitare proto-punk, (pré-Stooges ?), et un chanteur qui vocifère.
- « I Can't Complain », blues-rock plaintif, entre Steppenwolf (encore) (2), Pacific Gas et Frijid Pink.
- « Ramblin' Man », un harmonica à la Muddy Waters sur un front rythmique, basse-batterie-guitare, évoquant « Hush » façon Pourpre-Profond en live. Avec, encore une fois, un bon solo d'harmonica en mode saturax.
- « Valley Thunder » du Garage-hard-blues débridé.

   On fait l'impasse sur la reprise de « Jumpin' Jack Flash » au rythme un poil trop ralenti, donnant l'impression d'avoir affaire à un pachyderme au réveil difficile. Le solo rafraîchit tout cela, mais il n'est hélas pas suffisant. En revanche, on peut récupérer « Movin' to the Country », un « Cohen-Country-blues » intéressant enrichi de cet harmonica gouailleur légèrement saturé, malgré un refrain passable.

     L'exemple type de l'album bancal dans son ensemble, que l'on écoute toujours néanmoins avec plaisir, pour les titres susnommés. A classer auprès des Betty, Stepson, Buster Brown, Ancient Grease, Stack Waddy, CharlieThe Boyzz, Simon Stokes & The Nighthawks.

John Fergus, basse et chant
Ron Amstrong, batterie
Steve Williams, Chant et Harmonica
Bob Desnoyer, guitare


(1) Jamul est une petite commune de Californie, située près de San-Diego. A l'origine le groupe s'appelait Jamul City Marching & Funk Band, plus tard raccourci en Jamul City Band, pour finir finalement en Jamul (sous l'insistance du personnel du label Lizard Records - label géré par Gabriel Mekler, producteur exclusif de Steppenwolf jusqu'au Live de 1970, du "I Got Dem Ol'Kozmic Blues Again Mama !" de Janis Joplin, et des 2 premiers disques de Three Dog Night).

(2) Coïncidence ? En plus d'avoir Gabriel Mekler, alors patron de Lizard Records, leur producteur est Richard Podolor, le même que celui de "7" et "For Only Ladies" du groupe de John Kay)




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