samedi 30 juillet 2011

WALLY LAMB - Le Chant de Dolorès (1999) par Elodie


Ce n’est pas toujours facile de parler des livres qu’on a aimé. Parfois, on craint d’en dire trop, de dévoiler l’histoire, surtout si l’originalité en fait toute la richesse. D’autre fois, on se dit que justement le sujet lui-même ne sera pas suffisamment attrayant, soit parce qu’il peut sembler banal soit parce que le thème principal n’est pas forcément séduisant. 

L'auteur
Si j’avais découvert ce livre sur les rayons de ma librairie, je ne l’aurais probablement jamais acheté. Mais c’est une discussion avec des amis qui en parlaient de façon élogieuse, sans quasiment rien me dire sujet qui m’a donné envie de le lire. J’ai donc cherché en librairie, sur le Net, et là, frustration extrême, rien ! Le livre n’était plus disponible (ce n’est plus le cas aujourd’hui). Rien de tel que la frustration pour renforcer l’envie !
J’ai donc fini par le dénicher d’occasion, et c’est seulement à ce moment-là que j’ai lu la quatrième de couverture. Tous les ingrédients d’un vrai mélo semblaient réunis : une enfance triste, un viol, une adolescence entre solitude et mal-être, la boulimie, l’obésité, etc. Le tout se déroulant entre les années 50 et 80, en pleine période de prospérité et d’apogée du rêve américain. Ames sensibles, sortez vos mouchoirs c’est le message qui me sautait au visage face à ce résumé. Et qui m’a quelque peu refroidie ! 

Mais je ne m’étais pas entêtée pour laisser finalement moisir ce roman sur mes étagères. J’ai donc fini par le lire, pour découvrir une histoire bouleversante, mais bien loin de ce que laisse entrevoir un bref résumé.

Je ne peux pourtant pas dire que la quatrième de couverture ne reprenne pas fidèlement l’histoire de Dolorès. Oui Dolorès vit la dépression de sa mère, l’abandon de son père, elle subit un viol, se réfugie dans la nourriture, devient une adolescente obèse, revêche et solitaire, et une étudiante moquée et isolée, avant de reprendre pied, de mincir et de reprendre goût à la vie. Mais ce bref résumé est à 1000 lieues de donner l’esprit de ce roman. Parce que au-delà de son histoire, de ses drames, Dolorès est humaine, tout simplement. Le personnage sonne tellement juste, qu’on croirait parfois lire une autobiographie. C’est d’ailleurs cela qui rend le personnage de Dolorès inoubliable, cette vérité qui nous force presque malgré nous à vibrer à l’unisson. 

Les débuts de Dolorès sont tristes, et on souffre avec elle. Son adolescence est pleine de rage et de mal être, et le malaise est contagieux. Elle sombre peu à peu vers les limites de la folie et la lecture se fait oppressante. Jusqu’au jour où tout bascule lorsque Dolorès, la baleine comme elle se qualifie elle-même, se raccroche à la vie en écoutant le chant des baleines, ces animaux énormes, eux aussi, mais capables de tant de grâce. Et peu à peu, on sent l’espoir, d’abord ténu, puis au fur et à mesure de la lecture et du chemin de Dolorès, un espoir plus sûr, plus fort, qui nous emporte également. 




Le roman n’est pas de ceux qui apportent détente et plaisir. Si le style est facile à lire, la souffrance qui ressort pendant la première moitié est palpable et pesante. J’ai même parfois hésité à vouloir poursuivre. Mais l’écriture sobre et juste de Wally Lamb nous emporte presque malgré nous. Et Dolorès qui a toutes les caractéristiques de l’anti-héroïne  ni belle, ni gentille, ni même sympathique, nous touche au plus profond. Si j’ai eu besoin de faire des pauses en lisant la première partie du roman, j’ai dévoré la suite tellement j’étais portée par l’espoir de voir la jeune fille se réconcilier avec elle-même et avec la vie. 

Wally Lamb est un homme qui n’a jamais vécu le drame de l’obésité, ni directement, ni indirectement. Pourtant à 42 ans, il s’est glissé dans la peau de cette jeune fille obèse avec une telle justesse que ce premier roman est rapidement devenu culte. Tout un public s’est reconnu dans ce personnage de jeune femme meurtrie et complexée, en rupture avec elle-même autant qu’avec les autres. 

Wally Lamb n’avait rien dans sa vie qui explique qu’il porte en lui telle histoire. Dolorès n’a aucun atout pour être aimée des lecteurs. Mais c’est là la magie d’un bon roman : on le referme en se demandant comment, pourquoi, avec une idée et un personnage pas forcément séduisants, l’auteur a réussi la prouesse de nous bouleverser ainsi.

Le Chant de Dolorès (1999) paru en poche, mais épuisé, réédité en broché en 2010, Belfond, 478 pages

1 commentaire:

  1. Je l'ai aussi lu cette année et je l'ai adoré, la justesse de l'écriture, des sentiments forts et exacerbés .. un très bon moment.

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