samedi 20 août 2011

FREDERIC DARD , 3 romans, par Foxy Lady

-Rockin, j’ai des bouquins pour toi!
Ecoute Foxy, je t'aime bien tu sais, mais
- ???
- tu te rappelles ce qu’on a dit à Elodie ?
- ???
- S’il te plait Foxy,  pas de drames datant d’avant guerre sponsorisés par Kleenex et encore moins de  bouquins qui donnent envie de se jeter par la fenêtre, et pas de pavés de 900 pages en 12 volumes, c’est dans tes cordes ça?
- Euh…. oui, je crois… tiens je viens de me faire 3 bouquins de Frédéric Dard, plutôt noirs et vraiment chouettes….(Rockin fait la moue) J’te jure, c’est pas déprimant ! tu veux que je te fasses une trilogie ??
- Bon, vendu…si tu nous fais aussi une méga sangria pour l'apéro , avec tapas et compagnie… 
- Avec la chaleur, la sangria, je sais pas trop… Tu sais que l’alcool me monte à la tête et après je fais des trucs bizarre et…
Rockin esquisse un sourire…
- t'inquiète...on te surveillera...faut que j'appelle Philou, sera content, ça le changera de la bibine de chez Lidl, pffff celle là elle colle mal au crâne..



Écrivain français né en 1921, et décédé en 2000, Frédéric Dard était un écrivain essentiellement connu pour son personnage de San-Antonio, dont il a écrit 175 aventures dès 1949. Auteur prolifique, certes, mais pas seulement… Il s’est également investit dans le théâtre, la télévision et le cinéma.

 PUISQUE LES OISEAUX MEURENT  (1960)

Ah…Frédéric Dard ! Je vous l’avoue, jusqu’à présent, je n’avais pas d’attirance pour Frédéric Dard et son œuvre, j’imaginais un certains style de romans, et n’étais pas particulièrement intéressée par ceux-ci. Quelle erreur ! Avec le temps, on aborde nos vieilles certitudes différemment, et à l’occasion, on peut avoir une bonne surprise ! C’est précisément ce qui m’est arrivé cet été. Allez-y les yeux fermés, vous vous délecterez de cette lecture !

« Puisque les oiseaux meurent » est un petit roman de 188 pages, écrit en 1960, que l’on a grand peine à lâcher dès lors qu’on l’a ouvert.

Laurent Haller est heureux. Il est marié à Lucienne Cassandre, chanteuse de renom, a une maîtresse lorsque sa femme part en tournée : une petite vie bien tranquille réglée comme du papier à musique.
Un beau jour, il reçoit un appel téléphonique ou on lui apprend que sa femme a eu un accident de voiture et qu’elle était accompagnée d’un homme, qui a été tué sur le coup, son amant !
Dès lors, Laurent va être rongé par le doute et l’envie de savoir, et, alors qu’il ramène sa femme mourante à la maison pour qu’elle y vive ses derniers instants, il se laisse ronger par la jalousie, dans un excès de cruauté qui dépasse l’entendement.

Lucienne est clouée dans son lit, et ne semble trouver de réconfort qu’en la présence d’un oiseau qui vient se poser dans sa chambre. La présence de celui-ci semble fasciner Lucienne, alors qu’elle irrite au plus haut point son époux. Il voudrait qu’elle lui dise qu’elle l’aime, il voudrait garder en mémoire leur amour intact et n’a devant lui que l’image d’une moribonde persuadée que son amant s’est réincarné en oiseau…

On a aucun mal à visualiser les scènes et le drame qui se joue sous nos yeux. Chaque mot est pesé, choisi, d’une rare intelligence  ! Alors que le récit est court, il est d’une incroyable intensité. La cruauté dont fait preuve Laurent vis à vis de sa femme est intolérable.
Elle est dans l’attente de la mort, à devoir supporter la jalousie d’un homme qui l’a trompé… quant à l’étrange fascination qu’elle ressent pour ce petit oiseau, elle finit par nous la transmettre, à nous, lecteurs, on se dit « son amant est revenu », elle va mourir en paix,  et son mari ne cesse de la harceler et la torturer !
C’est une joute verbale, entre rancœur et frustration, le mari ne tolère pas la présence de ce volatile, sa femme lui parle, il est exclu du dialogue, voudrait la retrouver et ne comprends rien à cet attachement ridicule. Il s’acharne au point de s’égarer, jusqu’à ce qu’il sombre, en proie à la haine, juste pour la faire souffrir, jusqu’à ce qu’il se persuade, à son tour, que son amant est revenu sous cette forme, et qu’elle l’aime plus qu’elle ne l’a jamais aimé lui.
Ce petit roman tient du génie, pas un mot de trop, juste une vérité qui explose dans ce huis clos oppressant, ou évolue un bien étrange triangle amoureux !

Je me suis régalée en lisant ce livre, qui flirt largement avec le suspense psychologique. Du grand art !


 LE BOURREAU PLEURE  (1956)


Ce roman de Dard, est inspiré d’un fait divers authentique. Ecrit en 1956, ce roman très court (178 pages) mais très prenant a reçu le Grand prix de la littérature policière en 1957.

Daniel Mermet, artiste peintre, séjourne en Espagne, dans les environs de Barcelone, afin d’y passer quelques jours de vacances. Un soir, alors qu’il rentre à son hôtel, il renverse une jeune femme d’une incroyable beauté. A la suite de l’accident, celle-ci est totalement amnésique. Daniel l’interroge pour savoir qui elle est, tente de lui faire recouvrer la mémoire, puis, peu à peu, s’éprend d’elle. La jeune femme tombe également amoureuse de lui, et se pose alors, de plus en plus, la question de son identité, d’autant qu’elle n’a aucun papier sur elle…
Daniel, éperdument amoureux d’elle, décide alors d’enquêter sur sa bien aimée pour reconstituer son passé, d’autant que son œil d’artiste peintre a perçu une étrange lueur dans le regard de la jeune femme lorsqu’il en a fait le portrait. Je n’ai pas pu m’empecher de penser au roman « Le portrait de Dorian Gray » d’Oscar Wilde, même si les 2 romans n’ont rien à voir l’un avec l’autre.
Que cache-t-elle ? Quelle était sa vie avant l’accident ? Qui est-elle et que venait-elle faire à Barcelone munie de son seul violon ?

Ecrit à la première personne, le roman nous tient en haleine de bout en bout. Frédéric Dard a suffisamment de talent pour nous happer avec un récit tout à la fois simple, mais au combien captivant. Derrière une histoire d’amour proche de la petite bluette (au départ), il construit savamment un roman noir, et distille, ça et là, juste ce qu’il faut d’horreur et d’intrigue pour nous subjuguer ! Plus que du talent, c’est du beau style.

Je vais m’abstenir de vous révéler la chute de ce polar, ce serait très maladroit de ma part, et le charme serait rompu ! Disons seulement que c’est un roman fascinant et cruel qui se lit d’une seule traite, et qu’après l’avoir refermé on éprouve le besoin de le feuilleter à nouveau pour en re-découvrir les tortueux rouages ! 

Derrière le passé trouble de Marianne, le lecteur découvre qu’une créature merveilleusement belle peut s’avérer être toute autre chose… mais j’en ai déjà trop dit !

Ne boudez surtout pas votre plaisir et cédez, comme je l’ai fait, à la curiosité, vous ne serez pas le moins du monde déçu !



 LES SCÉLÉRATS  (1959)

« Les scélérats » est le roman de Dard que j’ai le plus apprécié des 3 que j’ai lu… pourquoi me direz-vous ? J’ai adoré les 2 précédents, mais celui-ci à un charme étrangement singulier, l’histoire à un petit côté malsain qui n’est pas pour me déplaire, et le tout à ce parfum dérangeant que l’on ne trouve que dans quelques rares romans.

Louise travaille dans une usine et n’éprouve dans sa banlieue morne et monotone aucun plaisir à vivre… Elle vit avec un beau-père alcoolique et une mère dotée d’un bec de lièvre qui lui fait honte. Un jour, elle tombe en extase devant la demeure de riches américains.
Ce couple la fascine, et elle n’a plus qu’une idée en tête : être engagée comme servante chez eux, et pénétrer dans cette « île » qui l’a fait tant rêver. Elle propose donc ses services au couple et finit par être engagée par eux, sous l’œil désapprobateur de sa mère.
Qu’est-ce qui séduit tant Louise chez les Rooland ? Le physique avantageux de Monsieur qui semble la subjuguer ? L’alcoolisme mondain de Madame, qui écoute Elvis Presley, tout en sirotant un whisky ?

« Les scélérats » est un roman très intéressant du point de vu des personnages. Comme le titre l’indique, chacun a quelque chose de vil à se reprocher, et malgré leur apparences on voit clair dans leur petit jeu. Pourquoi Madame Rooland boit-elle? Pourquoi Monsieur rentre-t-il tard du travail et accepte-t-il l’alcoolisme de son épouse ?
Louise n’est pas insensible au charme de son patron et déploie des trésors d’ingéniosités pour lui être agréable, pour qu’il la regarde, qu’il la désire et la convoite, comme elle le convoite de son côté. Autour de ce triangle et de cette ambiance parfois malsaine, le lecteur est happé par le côté animal et dévastateur de chacun des personnages.
Madame Rooland trompe ouvertement son mari, quant aux parents de Louise, ils acceptent que leur fille reste au service du couple dès lors que l’argent rentre dans les caisses. Quant à Louise, sous ses allures de bonne fille, elle n’hésite pas a sa vautrer dans les bras de son patron à la mort de son épouse.
Tous coupables ou détestables : une servante concupiscente, calculatrice et envieuse, un patron aux allures d’homme bon qui se révèle faible, une patronne alcoolique et désabusée ou encore la mère de Louise cupide et froide… des portraits au vitriol, comme je les aime, sans indulgence, avec en prime une ambiance d’époque, un brin de sensualité, saupoudré d’une once de malignité, avec un final digne des plus grands roman.

Le roman de Dard a été adapté sur grand écran en 1960 par Robert Hossein, avec dans les rôles principaux Michel Morgan, Robert Hossein et Jacqueline Morane. Bien que je sois une grande fan du cinéma de cette époque, j’avoue n’avoir pas vu l’adaptation cinématographique de ce roman.

Cette petite parenthèse effectuée, je vous invite à vous plonger dans ce roman. Il possède juste ce qu’il faut d’obscur chez l’être humain pour éveiller l’intérêt, il est assez court pour ne pas nous lasser, on aurait même tendance à en re-demander, et surtout, il est d’une rare finesse. Chaque personnage évolue dans son univers trouble, chaque caractère éclate et se révèle au contact de l’autre, et le final est monstrueusement génial !





-FOXY! Dans mon bureau de suite! laissez nous Sonia ...
-Ben Rockin, qu'est ce qui t’arrive?
-Dis donc toi, z'ont pas l'air bien marrant tes petits bouquins là! une moribonde, une amnésique, et une histoire perverse, pas gai tout ça!
- Ben..euh..je t'avais prévenu ce sont des romans noirs pas des bluettes..mais ils sont chouette, juré.
-Mouai bon, ça ira pour cette fois, mais fais un effort, la prochaine fois on veut de la comédie, de la rigolade, de la joie, de la légèreté, des tartes à la crème, de la marrade.
-Promis; Au fait la sangria est prête..
-Fallait le dire! PHILOU !!RAMÈNE TOI! 


4 commentaires:

  1. Bonjour,
    Frédéric Dard fait peur à beaucoup de lecteur qui n'en garde que l'image de livres grivois de la série des San-Antonio, et il faut se forcer pour découvrir l'autre facette de cet auteur fascinant.

    Bravo pour ces billets sur ces 3 romans, il en a écrit près de 30 du même genre sous son nom.

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  2. Foxy Lady23/8/11 10:00

    Bonjour François et merci pour votre avis. Effectivement, je n'avais de Dard que la vision (sans doute très étriquée) de San Antonio, mais découvrir de tels romans, si petits soient-ils, donne très envie d'en découvrir davantage ! Je prépare une prochaine trilogie avec des livres comme "La pelouse" ou "le monte charge"...

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  3. Je vous conseille de lire également "La peuchère" et "La crève", vous ne serez pas déçue. Je vous félicite pour ces 3 livres, je suis moi-même fan de Mr Dard.
    Bravo pour vos Selby, que j'avais beaucoup apprécié à l'époque.

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  4. Foxy Lady25/8/11 15:42

    Merci Barbara pour vos conseils, que je ne vais pas manquer de suivre.... Quand a Selby, merci pour votre remarque, n'hésitez pas à m'en laisser sur d'autres commentaires, Selby a vraiment une place a part dans mon coeur, c'est MA révélation de cette année, un auteur inclassable et unique !

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