samedi 17 septembre 2011

SJ WATSON - "Avant d'aller dormir" - (2011) par Elodie

Imaginez vivre sans mémoire.

Je ne vous parle pas d’un monde dans lequel Luc B ne saurait plus que les Rolling Stones existent et où Claude se demanderait qui est cette fille avec un violon sur l’affiche de son bureau.

Je ne vous parle pas non plus politique corrézienne, emplois de la ville de Paris et anosognotruc.

Je ne vous parle même pas du sujet battu et rebattu par le cinéma ou la littérature du héros qui se réveille un jour sans se rappeler son passé.

Non, l’idée de base de AVANT D’ALLER DORMIR, premier roman d’un auteur Britannique venu du monde scientifique, exploite le thème de l’absence de mémoire de façon plus terrible et plus originale. L’héroïne est confrontée à une forme d’amnésie particulièrement féroce puisqu’elle se réveille chaque matin avec la mémoire effacée.
Christine a 47 ans. Mais depuis 20 ans, chaque matin quand elle se lève elle pense être encore enfant, adolescente ou jeune fille. Elle ignore tout de l’homme qui se réveille à ses côtés, de sa maison, de sa vie, de ses amis, de sa famille. Et tout ce qu’elle apprend sur sa vie au cours de la journée sera oublié après une autre nuit de sommeil. Non seulement elle n’a plus de souvenir mais elle n’a pas la possibilité de s’en créer de nouveaux. Et qui dit absence de souvenir, dit aussi absence d’identité.

C’est dans ce point de départ que réside l’attrait essentiel de ce roman. Impossible de ne pas se mettre à la place de Christine, de ne pas s’attacher à cette femme désemparée, et de vouloir avec elle trouver la clé de son passé. L’essentiel de l’enquête est d’ailleurs dans la recherche de l’explication, puisqu’il y a ici ni meurtre, ni flic.

Pour atteindre son but et parvenir à se (re)contruire, Christine n’a qu’un outil : son journal intime, dont l’idée lui a été soufflée par un médecin pas comme les autres, et dans lequel elle écrit chaque jour ce qu’elle a appris sur elle-même, son passé, sa vie de couple. Grâce à cet ersatz de souvenir, elle comprend peu à peu que certains faits sont incohérents.

C’est ce journal qui constitue l’essentiel du roman à la forme donc bien plus classique. Malheureusement, il implique aussi des redites assez conséquentes qui ralentissent non pas la lecture, très fluide, mais l’intérêt du lecteur. Sur les 450 pages du bouquin, une bonne centaine aurait à mon avis pu être laissée de côté pour donner plus de force à l’ensemble.
L’intrigue qui se révèle peu à peu ne fait pas davantage preuve d’une grande originalité. Tout le roman étant écrit du seul point de vue de l’héroïne amnésique, on se retrouve vite avec un nombre de possibilités restreint : Christine est-elle paranoïaque ? Ou son entourage lui ment-elle sur son passé ? Et dans ce cas, qui lui ment ?

La fin, moment de prouesse de nombreux thrillers, sans être franchement ratée, est toutefois plus digne d’un bon téléfilm que d’un excellent polar. Ceci dit, la fin ne fait pas tout et je préfère une bonne intrigue avec une fin conventionnelle qu’un feu d’artifice final qui vient couronner 300 pages sans intérêt.


Le vrai « défaut » de ce roman vient de ce qu’il ne colle pas à l’image qu’on a voulu lui donner. Entre le battage médiatique qui a été fait sur cette « révélation de l’année », encensée par des auteurs reconnus et comparée aux stars du polar que sont Harlan Coben ou Denis Lehanne, et la réalité, il y a un fossé.
Sans doute que le lecteur qui tombe par hasard sur ce livre, s’attache à la superbe couverture et l’ouvre sans trop d’a priori sera ravi de la bonne surprise que peut constituer un premier roman réussi (ça a du être le cas de Ridley Scott puisqu’il devrait signer la future adaptation cinématographique). Celui qui s’attend à découvrir un nouveau thriller haletant et innovant sera en revanche certainement déçu.  Comme souvent le plaisir de la lecture dépend de largement du plaisir attendu. L’éditeur aura sans doute réussi son coup en gonflant ses ventes par une campagne marketing. Malheureusement, il aura du même coup sapé une bonne part de la satisfaction du lecteur qui reste un peu sur sa faim. Alors qu’en réalité avec une idée vraiment intéressante, un personnage attachant, une quête angoissante, on avait là plutôt de quoi se délecter.

Saleté de marketing !

AVANT D’ALLER DORMIR (2011), Sonatine, 400 pages

4 commentaires:

  1. Bonjour Elodie. Avis complètement partagé ! une histoire épatante au départ et au final un traitement assez conventionnel. Mais on se laisse prendre par le suspense et j'ai craint tout au long de ma lecture que l'héroïne ne perde son journal. Sur la même idée de départ, j'ai lu "La vie d'une autre" de Fréderique Deguelt. Un roman très court, sur une amnésie quasi semblable mais là, point de suspense, plutôt une réflexion assez fine sur le couple, la famille et l'usure du temps. A conseiller donc. A bientôt et merci pour ces chroniques.

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  2. Tiens, merci pour ton commentaire, Nath ! J’ai lu aussi "La vie d'une autre", que j'avais bien aimé aussi. C'est l'avantage d'un sujet comme l’amnésie : il y a tellement de façon différente de le traiter qu'on peut lire plein de romans dessus sans avoir le sentiment de trop de redites.

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  3. Curieux hasard… Je termine « Le Démon » de Hubert Selby jr conseillé par Foxy avant d’attaquer ce roman…
    Les thrillers sur les amnésies semblent à la mode. J’avais aimé il y a quelques mois « La mémoire fantôme » de Franck Thilliez… heuu ça parlait de quoi…
    J'espère ne pas trop m'ennuyer au vue de tes réserves.

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  4. Non, non, on ne s'ennuie pas. Avec quelques pages de moins, on serait plus accroché, mais c'est tout de même pas mal. Un thriller à conseiller, même si pas de quoi crier au chef d'oeuvre (mais là je crois que je t'ai prévenu...)

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