vendredi 14 octobre 2011

HABEMUS PAPAM de Nanni Moretti (2011) par Luc B.



Italiae novissima productio director Nanni Moretti recipit ad summam rem Papa. Expectabat enim crimen atrox religionis institutio, in Ecclesia Romana, sed non est, finis non est, sed pretium ...

- Hola ! qu’est-ce tu fous ???
- Bah j’écris ma chronique sur le dernier Moretti…
- On n’entrave que dalle ! T’es sûr que ton clavier est dans le bon sens ?
- Bah oui, chui pas complètement stupide ! C’est du latin, j’avais pensé que ça ferait classieux vu le sujet du film…
- T’es malade ? Si t’écris sur LE CUIRASSIE POTEMKINE d’Eisenstein, ce sera en cyrillique ??? 
- Paenitet me
- Hein ?!!!,
- Je m’excuse…

Le réalisateur italien Nanni Moretti, que l’on sait être un artiste « engagé » s’empare dans son dernier film du personnage du pape.  On pouvait s’attendre à une charge anti cléricale féroce. Mais non. Là n’est pas son sujet, même si le clergé est gentiment moqué, Moretti situe son propos ailleurs.

Le film commence par des images d’archives de l’enterrement du pape et de la réunion en conclave des cardinaux chargés d’élire son successeur. Ce sera le cardinal Melville, qui acclamé par ses pairs, s’avance vers le balcon de la basilique Saint Pierre pour s’adresser aux millions de fidèles. Au dernier moment, il doute, hurle, rebrousse chemin, se réfugie dans ses appartements. Dépité, le chef du protocole fait appel à un psychanalyste réputé,  pour aider Melville à se ressaisir…

Le postulat de départ  est fabuleux ! Autant que la première demi-heure de ce film. Le rituel de l’élection est admirablement filmé, mais la bande son fait entendre en voix off les pensées des cardinaux, qui tous marmonnent : « Pitié, mon Dieu, pas moi, ne me choisissez pas ! ». Il y a chez Moretti l’idée de désacraliser ce rituel, par des scènes comiques : la panne d’électricité, la chute d’un cardinal, l’intervention d’un journaliste qui, comme s’il était au bord d’un stade de foot, cherche l’interview exclusive, ou ce cardinal qui tente de copier sur son voisin, ce dernier masquant son bulletin de la main ! Sur l'ensemble du film, les références à l'enfance, à l'ambiance scolaire, aux cancres, sont souvent utilisées pour décrire ces nobles prélats ! Jusqu’au moment terrible, où le cardinal Melville, élu pape, refuse son destin, en poussant un hurlement de bête, et s’enfuyant à toutes jambes. Une réaction si viscérale, animale, de la part d'un homme pareil, surprend. La suite est fameuse, avec l’arrivée du psy, à qui on demande de ne pas évoquer la sexualité, le rapport à la mère, l’enfance, les rêves… Bref, tout est tabou ! Et on lui rappelle au passage que l’inconscient n’existe pas, l’âme, oui ! « On va faire avec ! » rétorque le psy !

Le pape Melville préfère consulter à l’extérieur du Vatican, et c’est clandestinement qu’il est autorisé à aller en ville. Il sème son service de sécurité, et pendant deux jours, errera dans Rome, pendant qu’au Vatican, le service de presse essaie de donner le change. On demande même à un garde suisse de s’installer dans l’appartement vide du pape, et de faire bouger les rideaux de temps à autre ! Le film se divise alors en deux parties. On suit Melville errer dans les rues, passer une nuit à l’hôtel, où il rencontre une troupe de théâtre dont l’acteur principal est devenu fou !  Une des scènes les plus réussies du film. On voit bien où veut en venir Moretti, le parallèle qu’il fait entre le cérémonial du conclave et une scène de théâtre. D’autant que l’on apprendra que Melville, étant jeune, avait raté le conservatoire. Le parallèle entre l’acteur fou, et le, pape en passe de le devenir, est lui aussi judicieux. Mais pendant ce temps, que deviennent les cardinaux et le psy ? Ils organisent un tournoi de volley au Vatican ! Si l’idée peut paraître joyeuse, et exacerbe les rivalités des soutanes, elle traine en longueur, n’aboutit sur pas grand-chose. On sait Moretti passionné de sport, mais là, je ne vois pas trop où il voulait en venir.

C’est dans un théâtre que l’on retrouvera le pape, scène surréaliste où les cardinaux débarquent en pleine représentation, et ramènent le premier d’entre eux au Vatican. Et puis quoi ? Quel était le problème de Melville ? Il a eu peur de son destin, de sa tâche, de cette responsabilité, et a fui ses obligations. Réflexion sur le pouvoir, la liberté de choix, la liberté de prendre son temps, de réfléchir, de ne pas se laisser guider. Mais pas franchement d’explications psychologiques, ou alors, très minces…  Woody Allen se serait régalé d’un sujet pareil : psychanalyse / religion. Ou alors, Moretti fustige-t-il la psychanalyse et la religion, les renvoyant dos à dos ?  Le psy étant interdit d’analyse, la joute oratoire espérée entre pape et médecin est impossible, absente, et on sera déçu, comme je l’ai été. Nanni Moretti préfère les errances poétiques du pape dans Rome, et certaines scènes sont belles, certes, mais n’arrivent pas à nous capter réellement. En fait, Moretti rend son pape humain, laïc, débarassé de ses vêtements cléricaux, ce n'est plus qu'un veillard, aigri, paumé, qui a perdu son temps, sa jeunesse, ses rêves, qui devient irascible, qui découvre la vie, le théâtre, comme un gamin.  

Qui autre que Michel Piccoli (86 ans) pouvait endosser un tel rôle ?  Il est éblouissant, lui qui sait si bien amener la folie, le déséquilibre psychique, le désarrois, en un regard. Il est sans doute le plus grand comédien encore en activité, et il joue tout le film en italien. J’attendais sans doute trop de HABEMUS PAPAM, le sujet de départ, son acteur principal, la personnalité de son metteur en scène. Ou plus exactement, j'en attendais autre chose. D'où un sentiment mitigé en fin de projection, d'avoir vu un film intelligent, ironique, léger, brillant par moment, mais dans lequel je n'ai pas trouvé ce que j'étais venu y chercher. 



HABEMUS PAPAM (2011)
Réal : Nanni Moretti
Scénario : Nanni Moretti, Francesco Piccolo, Fredérica Pontremoli
avec : Michel Piccoli, Nanni Moretti, Renato Scarpa, Jerzy Stuhr...
couleur - 1h40 - 1:85


  

3 commentaires:

  1. "je n'ai pas trouvé ce que j'étais venu y chercher"
    Oh Lucio, tu nous fais du U2?...
    J'aime bien la tronche ( et la "réponse") de Piccoli quand elle lui demande "Et vous faites quoi?".

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  2. Brothers ! Sisters ! Habemus Bono !

    Piccoli répond vraiment dans le film, dans la bande annonce ils ont coupé juste avant... Il répond, après avoir hésité : "je suis acteur". Et oui, la tête Piccoli à ce moment est grandiose, on sent presque un gamin de 8 ans, content de son petit mensonge. C'est le plus grand, le Michel, j'vous l'dis !

    merci du passage Peter

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  3. Yep, la même tronche que Monty Clift dans The Misfits après qu'il se soit vautré du taureau!
    The film avec ma blague préférée racontée par Gable:
    Un citadin se pointe dans un bled paumé et demande à un paysan:
    -Où se trouve la poste svp?
    -Sais pas...
    -Où se trouve la pharmacie?
    -Sais pas...
    -Y'a une école ici?
    -Sais pas...
    -Mais vous savez rien vous!!?
    -Peut être, mais en tout cas, moi, je suis pas perdu...

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