dimanche 23 octobre 2011

NICOLAS FARGUES "One man Show" (2002) par Elodie


- Dis Foxy, je sais pas ce que tu en penses, mais moi je me sens parfois un peu isolée au milieu de tous ces mecs.
- Ben c’est sûr que quand on ouvre un tiroir on a plus de chances de tomber sur un pack de bière que sur une bouteille d’eau minérale ou une boîte de Earl Grey
- Exactement ! Sans compter leurs délires sur leurs jolies chanteuses !
- Oui même Claude, qui est pourtant un peu plus, raffiné, il nous a collé des affiches de sa violoniste partout.
- Tu crois pas qu’ils pourraient nous parler de types un peu sexy de temps en temps, plutôt que de leur vieux barbus des années 70.
- Ah ben là, faut pas rêver, je crois qu’il va falloir nous occuper de ça nous-mêmes.
- Tu as raison, je vais m’y mettre !
- Heu là Elodie tu vas peut-être trop loin. Si tu te lances dans la chronique musicale, je suis pas sûre que ça va marcher, ça serait bête de couler le Déblocnot’ pour une telle histoire et on pourr…
- Non, non Foxy, je te rassure, j’y tiens moi aussi au Déblocnot’. Je voulais juste parler de lui, là, regarde ! Tu en penses quoi ?
- Wouah ! J’en pense que ça nous changera, et on pourra toujours leur vendre ton papier comme un coup marketing pour attirer un public féminin.
- Tiens salut les filles, je vous cherchais ! Pourquoi vous gloussez comme ça ?
- Salut Rockin’ ! On parlait marketing
- Et ça vous fait rire ? Vous êtes sûres de ne pas avoir vidé la réserve de bière ?

Alors oui, on peut être beau ET écrivain ! Nicolas Fargues en est la preuve. J’ai toujours trouvé que détenir à la fois la beauté et du talent est une sorte d’injustice de la nature, surtout si on pense à ceux qui sont à la fois moches et pas doués (mais qui, la nature n’ayant pas tous les droits, peuvent néanmoins avoir droit au succès et la richesse). J’ai donc généralement envie de vérifier par moi-même que les deux qualités sont compatibles.
Et dans le cas de Nicolas Fargues, aucun doute, on a bien droit à la beauté (je vais pas en faire une démonstration, il suffit de regarder sa photo, non ?) Et au talent. Oui je sais, c’est énervant. En plus le type est un voyageur, il ne se contente pas de promener sa belle gueule dans le carré des éditeurs du côté de Saint-Germain des prés, mais en plein succès, part vivre à Madagascar, où il dirige l’Alliance Française.

Plutôt positif tout ça. Reste que One man show m’a quand même laissée sur ma faim.

Dans ce troisième roman, publié en 2002, Nicolas Fargues parle de ce qu’il connaît. Son héros (plutôt anti-héros d’ailleurs) est un jeune écrivain, Christophe Hostier, marié, père de famille, qui se dépeint lui-même en toute sincérité, apparemment sans cacher ses faiblesses. Mais il nous parle  surtout de lui en long en large et en travers, et étale par la même occasion un narcissisme ultra développé. Un voyage de quelques jours à Paris où il doit tourner un projet d’émission pour la télé, et un autre en Amérique du Nord pour des raisons plutôt vagues, sont l’occasion pour Christophe Hostier d’échapper un peu à sa vie tranquille de provincial et pour Nicolas Fargues d’une critique féroce des milieux de l’édition, de la télé et de la communication.

Le point d’orgue du livre est d’ailleurs la préparation de l’émission qui repose sur une idée assez fumeuse, aux limites du happening, avec une interview grinçante de Thierry Ardisson. Mais on s’amuse aussi beaucoup lors d’une soirée littéraire où les auteurs pleurent sur les salons littéraires de province et font preuve d’une mesquinerie bien peu dignes de l’intelligentsia parisiennes. La plume assassine de l’auteur est sans pitié pour le goût de notre société pour le paraître, son attirance pour les feux de la rampe (ici plutôt ceux du petit écran) et pour la gloire illusoire d’une pseudo-célébrité. Fargues égratigne aussi sans concession les faiblesses très masculines vis-à-vis de tout ce qui touche à la séduction, à la fidélité et au machisme.

Malheureusement en dépit d’un sens aigu de l’ironie et d’une plume légère et très agréable, on a vite le sentiment de tourner en rond. Le nombrilisme du personnage est lassant et la critique de l’auteur tourne vite à l’autocritique du style « je suis un homme et un auteur, je dénonce les faiblesses de hommes et des auteurs, donc je souligne mes propres imperfections ». Pas de quoi tenir tout un roman, même s’il ne fait que 200 pages !
Ce doit être un trait assez courant de la littérature française actuelle. En tout cas j’ai retrouvé un peu de Beigbeder chez Fargues, en moins torturé et moins provoc, mais comme chez Beigbeder cette auto-flagellation est parfois tellement forcée qu’elle sonne faux. Et puis si on parle bien de ce qu’on connaît, on peut aussi utiliser sa plume pour aller au-delà. Les anglo-saxons, quand ils se lancent dans la critique sociale, nous construisent un roman qui nous transporte. Celui de Nicolas Fargues, comme bien d’autres romans français, est amusant, intelligent, mais manque de souffle, d’imagination.

Tiens je crois qu’il y a justement un John Irving qui m’attend sur ma pile de livre à lire !



One Man Show (2002) P.O.L. (+ édition de poche), 238 pages

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