mardi 11 octobre 2011

TOUT CE QUE LE CIEL PERMET un film de DOUGLAS SIRK (1955) par Foxy Lady


-Foxy, viens voir un peu par là!
- Qu'est ce qui se passe, c'est quoi ces paquets?
- JOYEUX ANNIVERSAIRE FOXY !!
- Merci les gars, c'est sympa d'y avoir pensé !! Wouah! des cadeaux! fallait pas... Merci à tous! Tiens, au fait j'ai terminé une chronique...
-Super ! C'est  une comédie j’espère pour fêter ça ! t'as fait quoi ? un Laurel et Hardy ? De Funés ? Jim Carey ?
- Euh......ben c'est plutôt un mélo et...
- Non mais c'est pas vrai ? Et un jour d'anniversaire ! tu veux que tous nos lecteurs se pendent ? Et qui va nous lire après ? t'as pensé à ça ?
- Euh Rockin, te fâche pas, mais faut que je te dise un truc...
- ??
- Ben voila, je suis sous contrat avec Kloonex, ils m'ont proposé ça à mes débuts au Déblocnot ...
- Kloonex ?? kescéksa ?
-Tu connais pas, une marque de mouchoirs en papier, créée par Georges Clooney
- Ah ?! ok... Mais on avait dit "Pas de Pub !"
-T'inquiète, sur suggestion de Philou, je reverse une partie de mes gains dans la cagnotte "bière".
- OK, bon ça ira ; allez la pub et on te lit...






TOUT CE QUE LE CIEL PERMET –  Un film de DOUGLAS SIRK (1955)

Le mélodrame… voilà un genre cinématographique qui fait encore grincer des dents certains, qui ne voient dans le mélo que le côté larmoyant limite film à la fleur de guimauve (hein Rockin!). Or, le mélodrame est beaucoup plus que cela. C’est une représentation de la vie. Certes, une représentation exacerbée, mais une représentation flamboyante et unique, ou chaque émotion atteint son paroxysme, et ou le tragique côtoie le lyrique, pour notre plus grand plaisir. Je vois d’ici ceux et celles qui n’hésiteront pas à esquisser un sourire, cette bonne vieille Foxy et ses drames un peu kitch. Et bien à ceux-là je répondrais « Taratata !! » (comme Scarlett O’Hara, une de mes héroïnes favorites). Le mélodrame à bien sûr aujourd’hui un côté démodé, et je suis la première à trouver ça un peu désuet, seulement voilà, je vais vous faire une petite confidence :  j’aime les photos sépia un peu passées, j’aime qu’il y ait quelques grésillements sur un disque,  j’aime les films en noir et blanc où le héros enlace la demoiselle avant de lui dire adieu sur les quais d’une gare… J’aime que certaines choses soient suggérées, plutôt que montrées…

Hors donc, je vais évoquer avec vous un mélodrame du Maître du genre, j’ai nommé le réalisateur allemand Douglas Sirk (1897-1987). Ses œuvres, de son vivant, n’ont pas toujours été bien reçues par les critiques, qui les traitaient avec mépris. Il lui faudra attendre de nombreuses années pour voir l’ensemble de sa carrière appréciée et reconnue à sa juste valeur. Car les mélodrames de Sirk se basent principalement sur des antithèses : les noirs-les blancs, la ville - la campagne, le passé - la modernité, les riches - les pauvres. A cela, on retrouve dans son œuvre l’utilisation excessive de couleur (le rouge, le jaune, le bleu, le violet, le blanc) ainsi que celle des décors ou objet (miroir, escalier, fenêtre), qui représente pour lui une valeur symbolique. Les escaliers évoquent le besoin de s’élever, les fenêtres montrent souvent les personnages comme des témoins passifs de leur existence, les miroirs révèlent les êtres qui finissent par tomber les masques.

« All that heaven allows » (Tout ce que le ciel permet ), sorti en 1955,  réuni pour la seconde fois le duo inoubliable Rock Hudson-Jane Wyman qui s’était déjà illustré dans « Le secret magnifique » en 1954.

Cary Scott est une jeune veuve qui s’éprend un jour de Ron Kirby, pépiniériste de 15 ans son cadet qui s’occupe d’entretenir son jardin. Alors que ses deux enfants voudraient la voir se remarier avec un homme de sa condition sociale, Cary accepte d’épouser Ron, en dépit des ragots et médisances qui fusent autour de leur couple. L’amour qu’elle lui porte sera-t-il plus fort que les préjugés sociaux ?
En réalité,  derrière son étiquette de mélodrame des années 50, « Tout ce que le ciel permet » est une incroyable critique de la petite bourgeoisie américaine. Petite bourgeoisie bien-pensante mais totalement étriquée, qui juge son prochain sans même savoir qui il est, sans chercher à comprendre, selon ses propres critères qui ne valent rien et ne tiennent à rien.
Il y a ici une opposition flagrante entre le monde de Cary, factice, hypocrite et sournois, et celui de Ron, authentique et proche de la nature. Alors que lui se moque des apparences et ne pense qu’à vivre leur amour au grand jour, Cary s’inquiète de l’opinion des autres, et ira donc jusqu’à rompre son union avec Ron (dans un premier temps), pour ne pas heurter ses enfants. Même si tout cela est très conventionnel, cette histoire n’est pas si éloignée de notre réalité. Préjugés sociaux, raciaux, différence d’âge, etc, constitue encore aujourd’hui des obstacles à certaines relations entre individus. Comment s’affranchir du poids du regard de l’autre ? 


J’ai lu sur ce film que Sirk l’avait doté d’une connotation sexuelle importante : Ron est un beau mâle, jeune, solide et proche d’une nature qu’il respecte, Cary, elle, s’est quelque peu fanée, et il est bien évident qu’elle préfère aux hommes de son âge, un beau jeune homme vigoureux et fort. Les arbres (entre autre) auraient sans doute une connotation phallique… ma foi, pourquoi pas ? Sachant que dans le cinéma de cette époque, le Code Hays, appliqué de 1934 à 1966, interdisait certaines choses sur grand écran et que, de ce fait, les réalisateurs étaient contraints de contourner habillement la censure en suggérant les choses, il se pourrait bien que Sirk n’ait pas voulu choquer les puritains, et qu’il ait, de ce fait, doté son film de symboles divers, qui ne sautent pas véritablement aux yeux, mais sont tout de même là.
Il apparaît clairement de Cary n’appartient pas au genre habituel des femmes représentées dans certains mélodrames : elle n’est ni un fantasme, ni une femme au foyer raisonnable mais malheureuse, encore moins une femme au caractère bien trempée qui peut mener son petit monde. Cary n’est en fait qu’une femme, faite de chaire et de sang, qui a des besoins, des désirs, des angoisses, et préfère se sentir exister et vibrer dans les bras d’un homme jeune, plutôt que de vieillir au coin du feu, avec un homme qui ne lui inspire pas grand chose !

Rendons à ce très beau film ces lettres de noblesse, car Sirk oppose deux univers, mais ne s’embarrasse pas de choses inutiles, il nous livre une belle leçon de vie, magnifie ses personnages, et nous montre que le chemin du bonheur passe par nous-même, que nous sommes les seuls instigateurs de nos joies et nos peines.

Une des scènes qui est, sans nul doute, une des plus douce-amère du film,  est sans nulle doute celle ou le fils de Cary lui offre un poste de télé à Noël pour combler sa solitude et la soulager d’avoir rompu ses fiançailles avec Ron. Le vendeur lui explique les merveilles de la technologie avec ces mots : « tout ce que vous avez à faire, c’est de tourner le bouton et vous aurez toute la compagnie que vous pourrez désirer, là, sur l’écran : le drame, la comédie, la parade de la vie sont à la pointe de vos doigts… »  Sirk serait-il ironique ou cruel ? je crois, en réalité, qu’avec cette séquence, Sirk était surtout un visionnaire ! 

 Même si la fin est prévisible et derrière un « happy-end » classique, Sirk pose la question suivante : face aux choix qu’on est amené à faire, doit-on se préoccuper des autres ou bien se libérer du joug des conventions et vivre pour soi ?

La superbe photo signée Russel Metty nous captive et nous livre des images d’une beauté saisissante : scène finale du cerf passant devant la baie vitrée, neige immaculée, couleur ocre et ambrée qui prédominent certains paysages automnaux, le tout, baigné de lumière. Lumière des décors, lumière des personnages, lumière d’un amour qui ne rêvent que de s’épanouir au grand jour.

Rainer Werner Fassbinder (1947-1982), autre réalisateur allemand, a rendu hommage à Douglas Sirk, en reprenant la trame de « Tout ce que le ciel permet » dans son film « Tous les autres s’appellent Ali » en 1974. Au lieu de faire s’opposer l’univers de la ville à celui de la campagne, Fassbinder situe son histoire dans l’Allemagne des années 70, et dépeint la relation entre un marocain et une allemande de 20 ans son aînée, confronté au racisme.
De même, Todd Haynes, réalisateur américain, né en 1961, a rendu hommage à Sirk avec son film « Loin du Paradis » (2002), ou il reprend une fois de plus le thème de la liaison d’une bourgeoise avec son jardinier, ici, ce n’est point l’âge qui sépare les deux protagonistes, mais la couleur de peau : elle est blanche, il est noir. Haynes se rapproche donc de la structure narrative de Sirk et réadapte les sujets chers au réalisateur allemand.
Enfin, François Ozon, réalisateur français né en 1967, ne cache pas son admiration pour Douglas Sirk, et a même réalisé un documentaire intitulé « Quand la peur dévore l’âme » ou il juxtapose des images de « Tout ce que le ciel permet » et « Tout les autres s’appellent Ali ».

Subtil, émouvant, lyrique et amer, « Tout ce que le ciel permet » a tout pour ravir les amateurs du genre. Même si, en 1955, les critiques le qualifiait de « film tout juste bon pour les femmes pleurnichardes », il est élu, 40 ans plus tard, comme un des plus beaux film du maître, et rejoint la prestigieuse collection de films dressées par la Bibliothèque du Congrès Américain.
Personnellement, ce n’est pas mon préféré du réalisateur, mon cœur me porterait plutôt vers « Mirage de la vie » (1959) ou « Ecrit sur du vent » (1956). Cela dit, même si le film a un peu vieillis, le couple Hudson-Wyman est divinement beau, et le thème abordé par Sirk, encore et toujours d’actualité.


4 commentaires:

  1. "Le mirage de la vie"... oh oui, superbe ! Je défie quiconque de rester stoïque devant une telle merveille !

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  2. N'est-ce pas Luc ? surtout avec la scène finale... je crois que je le verrais 10 fois, je ne m'en remettrais jamais !

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  3. Bon anniversaire Foxy :o)
    J'ai vu "Mirage de la vie" en ciné club il y a 30 ans... J'étais avec ma future épouse. Ça m'a coûté un max en mouchoirs....
    J'aime beaucoup aussi "Le Temps d'aimer et le Temps de mourir" de 1958, où Erich Maria Remarque joue le rôle d'un professeur pourchassé par la Gestapo et se "planque" dans le monceau de ruines qu'est devenu Berlin.

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  4. Merci Claude, je n'ai pas vu ce film de Sirk, mais je te crois sur parole, Sirk savait faire de très grands films... très triste ! Je le note sur ma liste.

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