samedi 3 décembre 2011

GERRY HEMINGWAY "Devil’s Paradise" (2003) par FreddieJazz


Attention, avec ces quatre gugusses, ça va chauffer: Ellery Eskelin au sax ténor, Ray Anderson au trombone, Mark Dresser à la contrebasse et Gerry Hemingway à la batterie. Quatre fortes individualités au service de la Musique. Quatre fortes personnalités pour qui l'égo n'a aucun intérêt ici. Leur recette? Composer et improviser. Composer en improvisant, improviser en composant. Prenez un wok, et pour le plaisir du jeu, laissez mijoter à feu doux pendant quelques minutes, remuez de temps en temps, ajoutez quelques épices, mélangez les ingrédients, remuez jusqu'à ce que la sauce devienne épaisse et vous obtenez un disque d'une maturité inouïe. Si pour vous, la musique doit refléter la vie, une certaine joie, lâchez-vous donc avec ce premier opus en quartette de Gerry Hemingway, "Devil's Paradise" (Clean Feed, 2003, mais l'enregistrement date de 1999 après une tournée d’un an à travers les Etats-Unis) et vous comprendrez ce que je veux dire...

A part Eskelin, les membres de ce groupe possèdent une histoire commune vieille de plus de 30 ans (Robertson et Dresser se sont croisés plus d'une fois, ont même fondé leur premier quartette en 1972). Quant à Dresser et Hemingway, dans les années 80 et même 90, ils se sont affirmés comme l'une des plus osmotiques sections rythmiques du jazz moderne au sein du quartette d'Anthony Braxton. Cette formation tout acoustique est donc l'une des plus belles surprises de ces dix dernières années. Une sorte d'hybridation de la Loft Generation et des expérimentations formelles des collectifs de Bill Dixon et de Braxton. Pour qui ces noms feraient frémir (ils sont souvent associés au free jazz), rassurez-vous, les compositions sont ici bien identifiables, bien marquées rythmiquement (on serait davantage dans l'avant-garde), et nous offrent de très grands moments de bonheur. Pas d'esbroufe par ici, mais un jeu à la fois maîtrisé, viril et roboratif.

Miroirs enjoués ("Back Again Some Time"), parties loufoques ("If You Like"), métriques des plus audacieuses ("Tom Skwella", "Full Off"), voire carrément rock ("Devil's Paradise"), harmonies chaloupées ("Full Off") et même calypso (clin d'yeux aux Caraïbes dans "Tom Skwella"), espièglerie ("Johnny's Corner Song" mettant en avant les sonorités exceptionnelles de nos comparses, avec le jeu carrément central de Mark Dresser), paroxysmes décallés (Full Off), l’ensemble sonne comme une formidable interaction et un échange d’histoires intimes... Sept compositions savoureuses, signées du batteur, plus une composée par Mark Hélias (Gentle Ben), le disque est irrigué par le talent de quatre musiciens exceptionnels, aucun doute là-dessus. L'on notera quand même la présence, et surtout l'autorité de ce dernier (qui m'impressionne le plus, il donne ici le meilleur de lui-même), un son énormissime à la contrebasse ("Johnny's Corner Song"). Quant à Ray Anderson, les sonorités de son trombone, dans des couleurs variées et parfois très aigües (If You Like) donnent à penser à cet autre instrument à vent: la trompette. Prodigieux et simplement inouï, ce disque est, avec The Whimbler, l’un des meilleurs dans la discographie de Gerry Hemingway. A ne manquer sous aucun prétexte.









1. Devils Paradise 7:23
2. Johnny's Corner Song 6:14
3. Back Again Some Time 7:48
4. Gentle Ben 5:51
5. If You Like 7:21
6. Toombow 9:34
7. Full Off 7:15
8. Tom Skwella 5:16




On reste dans le jazz, avec l'anniversaire du label Dreyfus, qu'on se devait de ne pas oublier !  

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