mardi 7 février 2012

ALLUMER LE CHAT de Barbara Constantine (2007) par Elodie


Si vous hésitez encore à vous plonger dans L’ART FRANÇAIS DE LA GUERRE, qui  malgré (ou à cause de) son prix Goncourt, n’est peut-être pas  le livre dans lequel on rêve de se plonger pour se détendre après une journée bien chargée (je vous avoue, je ne l’ai pas lu, et ne prévois absolument pas de le faire), j’ai son contraire à vous proposer. C’est tout petit, farfelu, gouailleur, amusant, touchant, en ça sort vraiment des sentiers battus. C’est le premier roman de Barbara Constantine (la fille d’Eddie Constantine), qui  auparavant était déjà à la fois scripte et céramiste, et ça s’appelle ALLUMER LE CHAT.
Pourquoi ce titre étrange ? Tout simplement parce que « allumer le chat » d’un coup de fusil c’est l’envie qui tenaille Raymond, l’un des personnages de ce livre pas comme les autres.  Mais une envie jamais concrétisée, même si le chat en question, Bastos, est l’un de ces chats prétentieux qui contemple  les gens avec l’air de se foutre de leur gueule en permanence. Raymond est un faux dur, mais un vrai tendre qui se fait mener par le bout du nez par sa femme Mine, et noue une vraie complicité avec son petit-fils Rémi. Mais n’imaginez pas lire là la énième histoire sur l’amour incroyable d’un vieil homme pour son petit-fils. 

Dans ALLUMER LE CHAT, il y a plusieurs histoires, et plusieurs héros, aux destins qui pourraient tirer des larmes comme celui de ce gamin alcoolique à 10 ans ou de Marie Rose, abusée par son père et ses frères. Mais comment avoir envie de pleurer quand ces histoires apparemment tragiques alternent avec d’autres carrément loufoques : celle d’un employé de pompes funèbres qui décide de faire des photos artistiques de ses « clients », celle de la rencontre imprévue entre un bel abruti et un cerf, ou celles d’un cordon bleu spécialisé dans les recettes incongrues comme le pâté de rat ?  Jeunes ou vieux, hommes ou femmes, animaux ou humains, amoureux ou pas, l’auteur les décrits tous avec une vraie tendresse qui nous les rends attachants, à l’exception d’un ou deux abrutis de première classe qu’elle égratigne avec une ironie jubilatoire.
Le livre est construit autour de nombreux courts chapitres qui mettent tour à tour en vedette les différents personnages, tous plus ou moins liés à Raymond et Mine. On s’y perd un peu parfois, mais cela n’a guère d’importance. L’histoire n’est pas  un simple prétexte, mais elle n’est pas non plus l’essentiel du roman. Ce qui compte ici, c’est avant tout la langue, le style très imagé, à la fois rustique et poétique, qui fait sourire et qui colle à l’esprit du roman, à ses personnages farfelus, et à leurs aventures improbables. Les fans du réalisme feraient mieux de passer leur chemin : ici on est en plein délire, un délire bon enfant, avec ses côtés franchouillards qui sentent le terroir, même si l’auteur n’hésite pas à saupoudrer le tout d’un humour souvent grinçant. Mais cela donne un ensemble léger et rafraichissant, qui se lit avec délectation.

Seul bémol : au fil des pages, le ton si particulier peut sembler parfois forcé, et on pourrait s’en lasser. Mais le livre est court, le rythme rapide, et les situations s’enchaînent si facilement qu’on referme le livre avant d’avoir eu vraiment le temps de s’ennuyer de ce style pétaradant. Et le sourire qu’on a en tête a, lui, du mal à s’effacer.


Allumer le chat (2007)
Editions Calmann-Levy (+ edition de poche), 264 pages

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