dimanche 8 avril 2012

CLOCLO, le film (2012) par Vincent le Chaméléon


Au-delà des apparences

Mémoire vivante


Il y a, dans nos vies respectives, des souvenirs vivaces que même le temps ne parviendra jamais à effacer. Précisément lorsque l'on évoque des dates. Vous savez, celles qui restent gravées pour l'éternité dans un recoin de notre cerveau. Qui ne se souvient pas par exemple, et précisément, de ce qu'il faisait, et où il se trouvait, lorsque le 11 septembre 2001 deux avions venaient s'encastrer dans les tours du World Trade Center ? Posez donc la question auprès de votre entourage.
Dans une moindre mesure, nombreux sont également ceux qui se souviennent exactement où ils se trouvaient le jour où on leur annonça la mort brutale du plus populaire des chanteurs de variété, Claude François. Celui que tous appellent encore Cloclo.

Je ne peux (plus) rien y faire


Bien que ne possédant toujours pas le moindre disque du chanteur à ce jour, je pense avoir eu mon premier choc émotionnel lorsqu'à l'âge de 10 ans, j'apprenais à la radio la mort soudaine de Claude François. Je garde ainsi le souvenir indélébile de toutes ces soirées télévisées que mes parents nous accordaient à moi et à mes sœurs… très exceptionnellement. Les N°1 de Maritie et Gilbert Carpentier spécial "Cloclo", pour rien au monde je n'aurais voulu les manquer. Ces duos improbables, tous ces chouettes décors, ces robes et ces costumes à paillettes... Confortablement installé en famille dans le canapé, croyez-moi, je n'en perdais pas une miette. L'apparition de toutes ces jolies filles qui dansaient en arrière-plan sur les derniers succès de Claude, et ajoutaient forcément à mon plaisir (des yeux) une plus-value non négligeable (même en noir et blanc). Ah ! Cette grande fille blonde aux cheveux courts, toujours placée à la droite du chanteur. (Si vous avez des infos sur elle... N'hésitez pas).
Voilà pourquoi, en cette fin du mois de Mars de 1978, après une aussi belle journée de ski au Grand Bornand (quand je vous disais que la mémoire...), le gosse que j'étais alors fût bien attristé à l'idée de ne plus jamais revoir ce qui avait fait sa joie des samedis soir. Et Les Claudettes ! Qu'allaient-elles devenir ?
Le moins que l'on puisse dire, c'est que même 34 ans après, le mystère qui règne autour de la plus part d'entre elles, reste et demeure. Sur la quarantaine de filles ayant officié à ce poste, on sait que l'une des "Black" est aujourd'hui décédée, que la blonde la plus connue (celle au cheveux longs) tient ou a tenu un restaurant sur Paris, et que Prisca se sera accrochée à ses souvenirs en dispensant des cours de chorégraphie (plus que de danse) directement inspirés de celle qu'elle faisait avec Claude. Enfin, une autre montre aujourd'hui son minois (non, pas "minou" Bruno !!!) dans une émission de télé crochet en quête de trouver le meilleur sosie de l'artiste en question. Affligeant !
En tout cas, et pour rester sur Les Claudettes (m'enfin !!!), Cloclo ne m'aura toujours rien appris sur elles (mon côté voyeur sans doute). Pas même sur les méthodes de recrutement de toutes ces (très) jeunes femmes. Après avoir vu le film, je ne m'étonnerai pas, vu le personnage, que quelques-unes d'entre elles soient passées à la casserole. À l'insu de leur plein gré ??? Quoi qu'il en soit, elles sont vraiment les grandes absentes du film. Sachant qu'une vingtaine d'entre elles continuent de réclamer leur part du gâteau (en vain), il semble de plus en plus que dans l'entourage du chanteur, Les Claudettes soient devenues "persona non grata". Avez-vous d'ailleurs remarquez qu'à chaque émission commémorative, elles ne sont jamais (mais alors jamais) invitées. Elles doivent pourtant en avoir des tonnes de choses croustillantes à nous raconter. Trop peut être ! Le mythe est-il à ce point protégé ? Pourtant, le réalisateur du film ne s'est pas gêné lui, pour nous montrer, outre l'ascension du personnage dans le show biz, tous les nombreux travers quant à la personnalité ô combien complexe du maniaque "chanteur à minettes".  
D'ailleurs, pour mieux comprendre le pourquoi de cette maniaquerie, de cette possessivité, de cette hyper activité, de cette tyrannie, de cette recherche perpétuelle d'être dans le coup, il faut ainsi remonter à certains traumatismes du chanteur. Et ce dès sa plus tendre enfance. Rien qu'en ce sens, la réalisation de Cloclo est absolument remarquable. Décors (intérieurs comme extérieurs), costumes, répliques, acteurs (tous sans exception), tout a été travaillé et reconstitué à l'identique dans le plus authentique souci du détail qui tue. Voilà qui confère déjà à ce biopic une élégance toute particulière, et une réussite qu'il convient de saluer vivement. Car dans la pléthore de tous ceux qui ont déjà été réalisés jusque-là sur la vie d'autres artistes (Ray Charles, Tina Turner, Edith Piaf, Johnny Cash, etc.), celui-ci peut d'ores et déjà s'inscrire dans la catégorie des biopic "franchement réussi".

Alexandrie ou tout commence et tout fini

L'une des toutes premières scènes du film s'ouvre sur la villa de la famille François, en Egypte. On n'y découvre alors une famille heureuse et très aisée (jardin luxuriant, domestiques, etc.), que la soudaine nationalisation du canal de Suez va obliger (et dans des conditions particulièrement humiliantes) à quitter subitement pour se retrouver (48 heures plus tard) dans le plus grand désarroi et la plus grande précarité. Fin de l'acte 1, et premier abandon par son père.
Celui qui va suivre est de ceux qui vous marquent un homme à vie. Son père, rongé par la perte de son statut de notable, refusera jusqu'à sa mort de revoir et de reparler à son fils, dès lors que Claude choisira une autre voie que celle qu'il lui avait destinée. Un saltimbanque dans la famille François, vous n'y pensez pas !
Quatre ans seulement après avoir posé ses valises sur le sol Français, son père mourra, miné par l'amertume. Fin du deuxième acte et deuxième perte, en plus de l'abandon du père vis à vis de son fils.
Quand sa première femme s'en ira pour convoler avec la plus grande star de la chanson française du moment (Gilbert Bécaud), ce troisième abandon déterminera à jamais la soif de succès et de revanche dont rêve depuis toujours le jeune Claude François. Ainsi, pour ne plus jamais avoir à subir l'abandon, de quel nature qu'il soit, Claude va prendre ses cartes en main avec une rage qui ne le quittera plus. Voilà pourquoi, pour que plus rien ne lui échappe, sa personnalité va s'affirmer au point d'en devenir egocentrique et souvent tyrannique avec ses proches. La première qui en fera douloureusement les frais, est la toute jeune et innocente France Gall. La scène ou Claude, jaloux du soudain succès de sa compagne (après avoir appris qu'elle avait remportée l'Eurovision) le conduira à la faire dormir sur le paillasson de leur appartement est éloquent.
La suite n'est pas piqué des vers non plus et nous montre que, derrière cette apparente perfection de son image, se cachait avant tout un homme terrifié à l'idée d'être oublié, trahi et abandonné. Au regard de cette vie de cinglé qui fût la sienne, ou le plus infime détail comptait, Cloclo, le film, nous montre que toute médaille a son revers. Cette maniaquerie poussée à l'extrême est aussi ce qui lui aura finalement coûté la vie.
Je m'interdis ici d'aller plus en profondeur quant au contenu du film afin ne pas priver ceux qui souhaiteraient le découvrir, d'y voir tout ce qu'ils ignorent encore de l'artiste... Pas tant de choses que ça, il me semble.

Ça s'en va et ça revient

Tout de même, et quand bien même le battage médiatique qui en aura été fait m'agace au plus haut point, il est tout de même incroyable, pour ne pas dire troublant, de mesurer à quel point cet homme, par son souci de perfection et de renouvellement, sera parvenu comme nuls autres chanteurs français, à traverser 3 décennies sans être aussitôt montré du doigt avec trop de dédain. Toutes générations confondues. La musique de l'artiste reste il est vrai encore d'actualité. Sa période Disco en premier lieu. Avouez le, qui d'entre vous ne s'est jamais pris au jeu (au moins une fois) du ah ! aaaaah ! Sur "Alexandrie, Alexandra"... Même (et surtout) avec un coup dans le nez. De la même manière, qui n'a jamais fredonné plus d'une fois dans sa vie le refrain de "Le lundi au soleil" au moment de retourner sur son lieu de travail ?
Le film n'occulte heureusement pas cet aspect-là de Claude François. Sa musique, ses airs. Ses mélodies (en apparence) légères, le soin apporté aux nombreux arrangements, la genèse de certains standards... Paroliers, musiciens, influences américaines, le grand producteur Paul Leyderman, tous ont aidé et contribué à la carrière de celui qui affolait les jeunes filles en fleurs. Et ils (elles) sont donc tous présents ici.
Outre l'absence des Claudettes (on les voit quand même se trémousser un peu), le film m'a tout de même paru insister plus que de raison sur la création du morceau "Comme d'habitude". Il est vrai que son succès n'a jamais été démenti à travers le monde, car, comme il l'est aussi montré, même Franck Sinatra et Elvis Presley (oui messieurs les Rockeurs !!!)  l'interpréteront sous l'appellation de "My Way".
D'autre part, en insistant trop sur le côté peu enviable du personnage, on finit par ressentir une véritable aversion ("si j'avais eu un marteau, je lui aurai cogner dessus") pour le chanteur "populaire" qu'il était avant tout. Devant ce sinistre tableau que nous dépeint le réalisateur ; il n'est pas sûr que le film remporte un succès à la hauteur de sa Fan-Mania.   

 Cloclo Forever


Oui la musique de Claude François demeure extrêmement populaire. En ce sens qu'elle aura su apporter du plaisir et de la joie à tous ces gens qui savent se montrer réceptif à ce format et à ce type de musique, précisément : Les gens du "peuple", les petits, si l'on veut se montrer respectueux. Les incultes, les ringards, les pauv' c**s si l'on est un donneur de leçon. Car j'entends déjà d'ici les allergiques et les réfractaires s'agiter inutilement. Je dis ça parce que finalement, renier et/ou se moquer de ce que l'on a aimé hier (quand j'avais pour ma part 8 ou 10 ans), n'est-ce pas se renier soi-même ?
Je vais même vous avouer un truc : Claude François mène finalement à tout. Même à la pratique de la batterie et au Hard le plus violent. C'est vous dire ce que je lui dois !



 Vidéos

Bande annonce du filme (Durée: 2h30 environ)  :


"Alexandrie, Alexandra", son dernier tube, écrit par un certain Etienne Roda Gilles. (Pour mon plaisir égoïste de revoir à jamais cette superbe blonde aux cheveux courts.)


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