vendredi 20 avril 2012

SUR LA PISTE DU MARSUPILAMI de Alain Chabat (2012) par Luc B.



Dix ans qu’il en rêvait, Alain Chabat, de réaliser sa version du Marsupilami. Dix ans à attendre que la technique lui permette de donner vie à cette créature née de l’imagination de Franquin, le papa de Gaston Lagaffe, dix ans à écrire et réécrire un scénario qui tienne la route. Sans doute aurait-il fallu attendre encore un peu…

On ressort de la salle assez déçu, et déçu d’abord de ne pas avoir ri autant qu’on le souhaite. Dans ASTERIX MISSION CLEOPATRE, il nous avait épaté en réalisant le meilleur film de la série, pas un chef d’œuvre, mais carrément au-dessus du lot. Il avait su combiner l’esprit de Gossiny et l’esprit des Nuls. Et si le film faisait rire les gamins, il faisait surtout rire les parents. Et on imagine que le producteur Alain Chabat (puisqu’il produit, écrit, réalise et interprète) s’est dit qu’il fallait là encore séduire les deux publics. Sauf que cette fois, la mayonnaise ne prend pas. Les enfants eux-mêmes ne ressortent pas des salles très enthousiastes. Alain Chabat a tenté le grand écart, gags cartoonesques avec le Marsu pour les petits, et délire second degré pour les grands. L’influence majeure du film est à trouver du côté des Monty Python, avec son cortège de blagues anachroniques, et de fausses pubs. Sauf que la troupe de fou-furieux anglais de John Cleese, donnait dans l’irrévérencieux, là où Chabat donne dans le grand public. SACRE GRAAL ou LA VIE DE BRIAN sont totalement anarchistes, imprévisibles, comme un montage surréaliste. 

Avec le SUR LA PISTE DU MARSUPILAMI, Alain Chabat ne pouvait pas se permettre ces délires incontrôlables. Son film s’apparente à une grande comédie familiale, populaire, saupoudré ci et là de non sens, clins d'oeil à la BD, aux cartoons, et références aux Nuls. (comme la devise de la Palombie : « palons peu, mais palons bien » !). Donc quand Chabat donne dans l’humour grassouillet, ils n'ose pas aller trop loin, comme dans cette scène : lui et Jamel Debbouze sont enterrés dans le sable, juste la tête au-dessus du sol. Ils se disputent, se crachent au visage. C’est drôle. Puis un chien apparait, et se frotte sur la tête de Jamel, et se fait plaisir dans son oreille. A la suite de quoi, Chabat, contrit, lui dit : écoute, je sais, c’est dur, mais si tu veux qu’on en parle… il ne faut pas garder ça pour toi… C'est pas encore assez trash pour les grands (à mon sens) mais surtout, les gamins ne pigent pas ce qu'il y a de drôle (y fait quoi le chien ???). Il suffisait que le chien vienne renifler et pisser sur Jamel pour que tout le monde se marre ensemble… gag scato, assumé comme tel, et tout le monde était content.

Donc, Alain Chabat n’arrive pas à contenter ses deux publics. Et surtout, le film manque à mon sens de méchanceté. Patrick Timist, en officier psychopathe reste finalement plus bête que réellement méchant. On tient par contre un bon personnage avec celui de Fred Testot, botaniste octogénaire qui découvre le sérum de la jeunesse éternelle, et qui se transforme en bellâtre machiavélique et totalitaire. L’adage d’Hitchcock aurait dû inspirer Chabat : plus le méchant est réussi, plus le film est réussi. C’est davantage vers ce personnage qu’il aurait fallu concentrer ses efforts, davantage que sur celui de Lambert Wilson, assez fadasse, jusqu’au grand numéro de ... (je ne raconterais pas...) qui est sans doute la grande idée délirante du film, même si en même temps, quand on connait Chabat et son univers, ça ne surprend plus trop. Mais voir Lambert Wilson, après sa prestation en prêtre ascète dans DES HOMMES ET DES DIEUX, nous faire le coup de la grande Zaza, c’est assez réjouissant !

Et puis d'autre fois, le soufflet ne monte pas : les membres de la tribu Payas exécutent une danse tribale... Vous voyez le coup venir ? Chabat balance une bande son funky, et les indigènes de nous distraire d'une chorégraphie mylène farmeresque... C'est du Chabat, on sait qu'il va le faire, donc on sourit, ah ouais, incorrigible Alain... mais bon, est-ce vraiment un bon gag qu'il fallait garder ?

On peut reprocher aussi un léger souci de casting… Alain Chabat n’est pas un bon comédien. Il joue faux, il le sait, et il s'en fout, parce que ça fait second degré, comme dans un sketchs TV. Dans ASTERIX il avait trois répliques, au début et à la fin, ça allait, mais là... En botaniste sénile et vicelard il aurait été très bien. Jamel Debbouze est plus à son aise, et le duo fonctionne parfois, mais sur la distance l’interprétation de Chabat plombe la plupart des scènes. Le comique passe aussi par le geste. Les grands acteurs comiques (Jim Carrey ou De Funès, Buster Keaton, Tati, Peter Sellers, Bébel ou Pierre Richard) sont très physiques. Le jeu physique, chez Chabat se résume à des haussements de sourcils. Que ces deux-là, copains dans la vie, se soient marrés à tourner ensemble, je le conçois, mais, le résultat à l’image n’est pas très intéressant. Géraldine Nakache est transparente, ne pétille pas comme une Françoise Dorléac dans L’HOMME DE RIO. La comédienne n'est pas seule en cause (mais Isabelle Carré aurait fait des merveilles) son personnage est figée, n'évolue pas, ne raconte rien. Timsit et Testot ne se déchainent pas non plus... mais le scénario ne leur en laisse pas non plus la possibilité. 

Je ne vous ai toujours pas raconté l’histoire ? Dan Geraldo (Alain Chabat) journaliste improbable, est envoyé en Palombie sur les traces des Payas, une tribu locale. Son guide est Pablito (Jamel Debbouze) qui raconte à qui veut l’entendre (mais personne ne le croit) qu’il a vu le Marsupilami, animal légendaire. Les deux hommes vont être capturés par les Payas, et par les troupes d’un général de pacotille, Pochero (Lambert Wilson). En parallèle, un botaniste trouve le filtre de la jeunesse, en étudiant une espèce rare de plante, justement denrée principale du Marsupilami.  

L’intrigue vaut ce qu’elle vaut. Ce n’est pas le plus important. On aurait tout de même apprécié quelques développements, notamment sur l’univers de la télé, que Chabat connait bien. Lorsqu’on apprend que le journaliste a bidonné 15 ans plus tôt un premier reportage en Palombie, on se dit que cela va relancer le film, créer un double suspens. Mais non, la nouvelle tombe à plat, n’est pas exploitée en matière de scénario. De même la métamorphose du botaniste aurait pu être prétexte à de nombreux gags et quiproquos.

La mise en scène n’est pas non plus délirante d’imagination, les gags ne sont pas réalisés avec assez de rigueur. C’est précis un gag, c’est au millimètre près, au quart de seconde près. Quand Chabat tombe dans un trou, qu’on l’entend tomber Aaaaaaaaahhhhhhhhh, et retomber du ciel, par terre, trois séquences plus loin, c’est du gag surréaliste, à la Tex Avery. C’est drôle, mais cela nous arrache juste un sourire ! C’est la grande question du film : pourquoi n’est-ce pas plus drôle ???  L’ensemble n’est pas ennuyeux, c’est bien filmé, c'est plein de couleurs, on n'est pas envahi d'effets numériques, ça fait même cinéma de papa par moments, un charme désuet pas désagréable, même si les décors font parfois carton-pâte, mais bon… pas grave, c’est aussi le genre qui veut ça. Est-ce que l’on est dans une superproduction (réponse oui, vu le budget de 40 millions d'euros...) ou dans un pastiche de film d’aventure fauché (on aurait tendance à répondre oui aussi…). Par rapport aux films de Philippe de Broca, Francis Weber, Gérard Oury ou Jean Paul Rappeneau, ça manque de vitalité, d’énergie, d’inertie. Il faut que les situations deviennent de plus en plus inextricables, il faut monter d’un cran à chaque fois (regardez les grandes réussites du genre, ARSENIC ET VIELLES DENTELLES, CERTAINS L’AIMENT CHAUD, mais aussi LA FOLIE DES GRANDEURS, LE GRAND BLOND, LA CHEVRE, OSS RIO NE REPOND PLUS… comment cela est très habilement tricoté). Il aurait presque souhaité que Chabat aille vers le pastiche pur et dur, à la manière des OSS 117 de Michel Havanavisius, qui en matière de mise en scène, de précision du cadre, du geste, est cent coudées au-dessus.    

C’est difficile de faire rire au cinéma. On le sait, c’est le genre sans doute le plus difficile qui soit. Faire rire à la télé sur des formats de trois minutes, et faire rire au cinéma n'est pas la même chose. Il ne faut pas se contenter de la "bonne idée" et empiler les sketches, en se disant que les acteurs rigolos et trois bonnes vannes suffiront. L’abattage (relatif) du tandem Chabat-Debbouze ne suffit pas. Je suis sans doute sévère, mais face au savoir-faire de Chabat, son CV, et sa place dans le cinéma (14 millions de spectateurs pour ASTERIX, ça vous pose là), on est en droit d'être un peu exigeant. En voulant aller vers le jeune public qui s’ébaudit devant le Marsu en 3D, peluche adorable (mais franchement, sans intérêt en soi, on le voit trois secondes le bestiau) et en essayant de rameuter les quadras nostalgiques des Nuls, Alain Chabat tente le cran écart, rate la marche et se casse la gueule. Dommage, le projet ne manquait pas d'ambition.

Par contre ne ratez pas le générique de fin...



SUR LA PISTE DU MARSUPIMALI
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7 commentaires:

  1. Effectivement, je trouve que la critique est sévère et pas justifiée dans la mesure ou ce n'est que ton avis. Je suis allé voir ce film en avant-première avec ma fille de 7 ans, et nous sommes sortis de la salle les yeux écarquillés tellement nous avons passé un merveilleux moment de voyage, d'enfantillage et de comédie.

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  2. Pour répondre à la place de Luc: ben, c'est quand même un peu le principe même de ce blog et plus généralement de tout chroniqueur qui se respecte: donner son avis et son ressenti personnel; les promos et le "publi rédactionnel", y'a assez de télés et des journaux pour ça (tous les plateaux télés, Première etc), non?

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  3. Je rebondis sur Rockin' (aïe ouille !) : cette chronique n'engage que moi, effectivement, c'est le principe de ce blog. Mais il se trouve que mes deux gamins n'ont pas spécialement rigolé, ont trouvé ça "bof..." et au moins trois adultes de ma connaissance partage un peu mon avis. Toutefois, avec le temps, ce film se bonifiera peut être, on pourra lui accorder une seconde chance à la télé... Merci du passage et de cet avis contraire, et n'hésitez pas à revenir le développer, pour que chacun se fasse une idée.

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  4. moi j'ai un chat et il a rien compris à la bande annonce...

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  5. Perso, je trouve la critique assez juste. Je suis grand fan des monty python, d'asterix mission cléopâtre et autre coenrie qui me font toujours marré, à chaque fois que je les revois. Là, je suis déçu... Par contre, le perroquet m'a bien fait marré.

    Je profite de ce message pour faire un bisou à mon vieux philou (tes compiles me manquent...).
    Je viens régulièrement sur votre site depuis son ouverture et j'y ai fait de belles découvertes (J. Coe dans la rubrique littérature notamment).
    Une critique : vous avez viré Prince de votre montage d'accueil... j'étais colère!
    Sinon votre site est très sympa, bien écrit, très varié, c'est un plaisir de vous lire.

    Nico d'Orléans

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  6. Nous sommes rouge de confusion, merci beaucoup de tous ces compliments ! Prince ? Il nous fallait une place pour Victor Hugo, ils ont combattu à la régulière, mais quand on voit le gabarit du "nain" face à celui du papa de Gavroche, devinez qui a gagné ?

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  7. Salut Nico....content que tu fasses partie des habitués du blog et que tu y trouves ton bonheur... Désolé pour Prince, je fait une réclamation ce jour au PDG du Déblocnot'pour que le Prince retrouve son rang.

    à bientôt.

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