vendredi 25 mai 2012

THE BIG LEBOWSKI de Ethan et Joel Coen (1998) par Luc B.



On avait déjà évoqué les frères Coen avec TRUE GRIT (cliquez ici pour la chronique True Grit) mais on ne pouvait décemment pas faire l’impasse sur THE BIG LEBOWSKI, d’abord parce que le film est très bon, et parce qu’il trône en bonne place sur notre bannière de page d’accueil… Oui, là, à gauche, le type avec les lunettes bizarres, juste sous Bogart, c’est Jeff Bridges ! 

Et mettre Bridges en dessous de Bogart, vous avouerez que c’était futé, puisque THE BIG LEBOWSKI est un hommage appuyé au roman noir, ceux de Raymond Chandler et LE GRAND SOMMEIL en particulier, adapté en 1946 avec Bogart dans le rôle du détectrice Philip Marlowe. Un privé border-line, un vieux général, ces filles nympho, un enlèvement, du chantage, des tordus, une intrigue nébuleuse… Tous les éléments sont là. Sauf que les Coen, plutôt que de nous servir un hommage lissé au genre (comme MILLER’S CROSSING) ont préféré dynamiter tout ça, à coup de boules de bowling, cocktails à la vodka, et cônes à la marie-jeanne… Et c’est tant mieux !

Le moment tant redouté : résumer l’intrigue. Impossible, ça part dans tous les sens, comme dans les romans de Chandler, une fois de plus. Vous connaissez l’anecdote à propos du GRAND SOMMEIL ? Bogart demande au réalisateur Howard Hawks, quand on repêche un cadavre dans l’océan : mais qui est le meurtrier ? Hawks botte en touche, et répond : faudrait demander au scénariste… On demande donc à William Faulkner, qui répond : euh… faudrait demander à l’auteur… On demande à Chandler, qui répondit avec malice : le majordome. Et bien à propos de THE BIG LEBOWSKI, on pourrait dire : qui demande une rançon ? Qui enlève la femme du général ?  On s’en fout un peu, l’intérêt n’est pas là ; mais pour ceux qui n’ont jamais vu le film, ça commence ainsi :




Los Angeles, de nos jours. Jeffrey Lebowki, dit The Dude,  est un glandeur de première, cool, débraillé, fumeur de joints et adepte du bowling. Deux types débarquent un jour chez lui, lui réclament une dette, lui foutent la gueule dans ses chiottes, et pissent sur son tapis. Comprenant que ses agresseurs se sont trompés de victime, le Dude se rend chez son homonyme, l’autre Jeffrey Lebowski, militaire à la retraite, millionnaire, et lui réclame le remboursement de son tapis. Il se fait jeter à la porte ! Mais quand la femme du millionnaire se fait enlever, celui-ci fait appel au Dude pour apporter la rançon aux kidnappeurs… Et le Dude fait appel à son pote Walter, un dingue de la gâchette…




"Nobody fucks with the Jésus"



La suite est un imbroglio de scènes décalées, déjantées, prétextes à nous balader dans Los Angeles et ses environs (autre caractéristique des bouquins de Chandler), et nous présenter une galerie de personnages loufoques. The Dude, bien sûr, anti-héros intégral, un vrai chic type, fidèle en amitié, gentil comme tout, inoffensif, qui prend le temps d’aller voir le spectacle (affligeant) de danse de son proprio… Le personnage est joué par Jeff Bridges, qui est à deux doigts d'y trouver le rôle de sa vie (l'homme à quelques bons films à son actifs, quand il ne cachetonne pas dans TRON ou IRON MAN...) en tout cas, sa création est restée dans les annales. Mention spéciale à Walter Sobchak (joué par l’excellent, le prodigieux, le grandiose Jeff Goodman - j'adore ce type !) vétéran du Vietnam, irascible, qui finit chaque phrase en hurlant comme un malade, quand il ne sort pas directement ses flingues ! Sa colère se porte généralement sur son pote Donny  (joué par Steve Bescumi) dont la moindre réplique est aussitôt coupée par un « Shut the fuck up Donny ! » tonitruant ! Et leur adversaire au bowling, l’inénarrable Jésus Quintana (joué par John Turturo), grande création des frères Coen, en juste-au-corps violet, lustrant ses boules avec maniaquerie, et auteur de l’inénarrable réplique : "Nobody fucks with the Jésus !". On ne s'en lasse pas... La fille du général, Maude (jouée par Julianne Moore) est aussi spectaculaire en peintre contemporaine, suspendue nue à un trapèze pour réaliser ses droppings ! Et que dire du groupe de Nihilistes, tout droit sorti de l’univers des Monty Python !

Et comme dans tout film de détective, le héros sera molesté, menacé, drogué, séquestré, assommé. Là encore, les Coen vont trouver un équivalent visuel aux textes imagés de Chandler (vous savez, quand on lit : son poing m’arriva en plein visage comme un train de marchandises lancé à toute vapeur…) avec les scènes de rêves, qui empruntent autant aux ballets d’Esther Williams, qu’aux musicals de Stanley Donen, qu’aux visions de rêves d’Hitchcock dans LA MAISON DU DOCTEUR EDWARD. Et bien sûr, qui dit Film Noir, dit voix-off du narrateur, ici un vieux cowboys fatigués (joué par Sam Elliot) qui intervient de-ci de-là. (D'ailleurs, si quelqu'un sait ce que ce personnage fout ici, faites-vous connaître !!!)

THE BIG LEBOWSKI est aussi, et surtout, une comédie, les dialogues sont réjouissants (« espèce de sale punk », lancé à la face d’un pauvre gamin !) émaillés de « Fuck » tous les deux mots, les situations parfois franchement burlesques, comme lorsque The Dude jette sa clope par la fenêtre de sa voiture… fenêtre qui est fermée… ou la cérémonie des cendres, sur une falaise, avec le vent en pleine face ! La manière dont Jésus nettoie sa boule de bowling est aussi surprenante ! On apprendra sur la fin que Maude est enceinte de The Dude. Mais elle ne veut pas de lui comme père. Pas grave, cool man... Le plus important, c’est de savoir qu’un petit Little Lebowski prendra la suite, parce que, morale de l’histoire, avec des Dude cool comme ça, le monde serait meilleur… On veut bien le croire ! Un mot sur la bande son, impeccable, de Dylan à Creedence, Kenny Rodgers, Elvis Costello, Townes Vant Zandt à Captain Beefheart, et qui nous renvoie vers les années 60, vers la jeunesse des personnages.

Pas forcément bien accueilli à sa sortie (un de leurs moins bons résultats aux USA, et des critiques moyennes) THE BIG LEBOWSKI a bien fonctionné chez nous en Europe, et depuis, il est devenu un des titres des frères Coen les plus remarquables, presque culte pour certains, qui récitent les répliques par chœur en se tapant des Russe-Blanc (le cocktail préféré du Dude, remis à la mode grâce au film, et constitué de lait et de vodka...). Un film truffé de petites références à la musique (les nihilistes et Kraftweck) ou au cinoche, le vieux Lebowski nous rappelant Barrymore dans LA VIE EST BELLE...

On est une fois de plus bluffé par le sens narratif des frères Coen, le tempo, leur humour, leur univers, leur griffe visuel. Deux auteurs, qui depuis près de 30 ans alignent les succès. Pas un déchet dans leur filmographie, juste quelques réalisations moins intenses que les autres, mais qui, aux vues du tout-venant, font figure de chefs d’œuvres ! THE BIG LEBOWSKI est une bonne porte d'entrée pour découvrir ces cinéastes pour ceux qui ne les connaitraient pas. C'est un de leurs films les plus caractéristiques, dans la lignée de leur seconde réalisation [le juvénile toonesque ARIZONA JUNIOR en 1987] qui emprunte au polar et à la comédie, avec de l'invention visuelle, et des dialogues ciselés. Totalement réjouissant ! 


 THE BIG LEBOWSKI, écrit, produit et réalisé par Ethan et Joel Coen
couleur  -  1h55 -  format 1:85

5 commentaires:

  1. Heu Sam Elliot j'sais pas...Par contre la scène où Bridges se barricade en se trompant dans le sens d'ouverture de la porte ...rien que d'y penser j'en rigole encore!
    L'autre rôle de sa vie, à mon avis, c'est Lightfoot dans Le Canardeur de Cimino avec le Clint. La fin de ce film me tord encore les boyaux!

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  2. Ah oui ! "Le canardeur" j'ai hésité à le mentionner car le Bridges il y était tout jeune, mais quel beau film, avec sa dernière scène en voiture... On doit pas être nombreux à se souvenir qu'il jouait dedans.

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  3. pat slade25/5/12 16:27

    Un classique ,rien que de lire la chronique ,j'ai envie de le rerererereregarder pour la énième et énième fois et puis pour la bande son qui colle impect avec les images !
    Et Jeff Goodman qui a un rôle à sa taille ,même si il etait génial dans " Barton Fink" et "Always" !
    Un film génial mais à ne pas mettre entre des oreilles chaste !

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  4. Un grand standard que je regarde toujours avec plaisir et pourtant je l'ai déjà vu plus de 10 fois ! La scène avec les Cendres est vraiment un dialogue digne des Tontons Flingeurs ou de Down By Law

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  5. Si, si, Luc on s'en souvient du 1er film de Michael Cimino : Thunderbolt (Clint Eastwood)and Lightfoot (Jeff Bridges) qui doit avoir 25 ans dans ce film.....
    Enooooooooorme, The Big Lebowski !!! avec une apparition de Flea des Red Hot avec une tronche d'abruti dans le groupe des nihilistes...

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