vendredi 1 juin 2012

MONTY PYTHON : LA VIE DE BRIAN de Terry Jones (1979) par Luc B.


Si vous avez aimé ce film, allez voir La Notte…



 

Et on s'écoute la chanson du film en même temps...


N’y allons pas par quatre chemins : LA VIE DE BRIAN est sans doute un des films les plus drôles et frappés du monde ! Et certainement le meilleur film des Monty Python, au sens où on a affaire à une réelle histoire, construite, scénarisée, et non à un ensemble de sketches reliés entre eux comme dans LE SENS DE LA VIE ou SACRE GRAAL (bien que ce dernier soit aussi bidonnant). L’humour des Monty Python y atteint des sommets, aussi bien dans le burlesque que dans le non-sens, domaine où ils sont passés maitres, influençant d’ailleurs toutes les troupes comiques de la télévision depuis.

Petit rappel des faits. Les Monty Python sont six comédiens-auteurs britanniques : Graham Chapman, John Cleese, Eric Idle, Michael Palin, Terry Jones, Terry Gilliam (lui est américain d’origine). Leurs premiers méfaits s’écoutent à la radio, au milieu des années 60, suivant ainsi une tradition d’émissions comiques, acerbes et absurdes, à base de parodies, comme le Goon Show, avec Peter Seller, pas encore devenu l’inspecteur Clouseau. A partir de 1969, et pendant 5 ans, ils sévissent à la télévision, à la BBC, dans leur show MONTY PYTHON’S FLYING CIRCUS. Là, ils jettent les bases d’un nouveau genre, essayant de se démarquer des autres comiques, en dynamitant de l’intérieur leurs propres sketches, et notamment en retirant la chute finale, remplacée par des interventions extérieures de personnages anachroniques, ou des comédiens mécontents, ou décrétant que le sketches étant nul il doit s’arrêter sans préavis, ou en glissant des interludes sans aucun rapport avec le schmilblick… Bref, tous les coups sont permis ! On se souvient de la fin de SACRE GRAAL, interrompue brutalement juste avant la bataille finale par une descente de police, et l'arrestation des acteurs principaux ! Les perruques et fausses moustaches sont aussi un élément important, puisqu’à eux six, les Monty Python jouent tous leurs rôles ! Et enfin, la griffe visuelle des Monty Python, apportée par Terry Gilliam (futur réalisateur de L’ARMEE DES 12 SINGES, BRAZIL, BANDITS-BANDITS…) qui par ses animations, collages, dessins animés absurdes, va renforcer l’aspect anarchique et surréaliste de la série, et des films qui suivront.


Le premier film des Monty Python pour le cinéma sort en 1975, c’est SACRE GRAAL, un délire médiéval et absurde autour de la quête du Roi Arthur, réalisé avec trois bouts de ficelles (d’où le gag fameux des noix de coco pour remplacer les chevaux des chevaliers…), et coréalisé par Terry Gilliam et Terry Jones. C’est un succès, et 4 ans plus tard, la troupe commence LA VIE DE BRIAN. Une œuvre toujours collective, mais officiellement mise en scène par le seul Terry Jones, sur le précédent opus, la co-réalisation n'avait pas été très simple... Et on notera la présence au générique de l’ex-Beatles George Harrison, comme co-producteur, arrivé à la rescousse pour boucler le budget (comme Jimmy Page et Roger Waters l'avaient fait pour SACRE GRAAL). George Harrison qui fait d'ailleurs une apparition, rapide, à 1h05' de film, en voile rouge (si si, je viens de vérifier !)


Sonnez trompettes ! L’ouverture est grandiose, la musique nous renvoie aux grands péplums, comme BEN-HUR. Les cadres et la lumières sont soignés. Profitez-en, ce sera la seule fois… Car cette séquence pré-générique est tournée sans les acteurs, juste des figurants, et Terry Jones a donc pu faire ce qu'il voulait : du beau travail. Il avouera qu’ensuite, diriger ses potes était plus difficile, ceux-ci mettant au dessus de tout la réussite comique de la scène, en se foutant royalement de comment elle devait être filmée ! Dommage ! Donc… L’histoire se déroule en Judée, en l’an 0… Une étable, un bébé, une étoile qui guident trois rois mages… C’est la nuit de Noël…  Sauf que les rois mages se plantent d’adresse, ce n’est pas l’étable de Jésus, mais celle de Brian, né en même temps que l'autre... 

Générique : là, c’est à Terry Gilliam de jouer, avec ses collages, ses animations, sur une musique très James Bond, avec ce leitmotiv, ces personnages qui passent leur temps à se faire écraser,  aplatir, débiter en tranche, comme dans un Tex Avery !  Puis retour au film, l’histoire commence, et un carton nous précise : « samedi après-midi »… Brian est devenu un homme, il vit avec sa mère, et par amour pour une jeune et belle résistante, il intègrera le groupuscule Front du Peuple de Judée, qui lutte contre l’oppression romaine… 

Une chose est certaine, Brian est joué par Graham Chapman. Pour le reste de la distribution, c’est plus délicat, puisqu’à eux six, les Monty Python interprètent quasiment tous les rôles, y compris les rôles de femmes, surtout lorsqu’elles sont vieilles, laides et acariâtres. D’ailleurs, Terry Jones est le grand spécialiste du travestissement, et il interprète le rôle de la mère de Brian, avec une voix stridente. Un des plaisirs du film est aussi de reconnaître les acteurs. Et cela influe directement sur la mise en scène, puisque le même acteur dans deux rôles ne peut pas se croiser à l’image ! C’est amusant de voir quelle astuce est utilisée à chaque fois.  

On pourrait croire que LA VIE DE BRIAN est une parodie de l’histoire de Jésus, avec ce début (la crèche) et la fin (la croix) qui ont un vague air de famille… En fait, non. D’abord parce que les auteurs n’ont rien trouvé à redire sur Jésus, en tant que tel, ce bonhomme, que peut-on lui rapprocher ? Le film pointe du doigt les croyances religieuses en général, la vacuité et l’hypocrisie des prophètes de pacotilles. Voir pour cela la fameuse scène des sandales (« Give me your shoe ! »), la foule étant persuadée que Brian est le Messie, et lorsque celui-ci leur envoie sa chaussure dans la tronche, son geste est immédiatement pris pour un signe sacré, et la chaussure pour une relique !  Mais surtout, ce film pointe les groupes de fanatiques, les groupuscules terroristes. Nous sommes à la fin des années 70, les groupes gauchistes fleurissent en Europe, et je pense qu’il est aussi question de cela dans LA VIE DE BRIAN. Tous ces groupes, ces sigles, ces mouvements dissidents, les séparationnistes (le mec est tout seul !!!), le Front du Peuple de Judée, à ne pas confondre avec Le Front du Peuple Judéen…  Le film est une charge contre tous les phénomènes d’enrôlement, le vide des discours, la légèreté des prises de position, la lâcheté des meneurs qui envoie les autres au combat. Et ce, quel que soit le motif, la guerre, la religion, le terrorisme… C’est ce qui a choqué l’Eglise catholique, et fait interdire le film, d’être assimilé à des sectaires, des fondamentalistes, alors qu’encore une fois, le Christianisme n’est pas particulièrement visé au départ.

Le comique du film tient du burlesque pur (les gags s’enchainent, il faut 14 visionnages pour tout voir), du non-sens total, soit à l’image (je pense à la scène ou Brian est enlevé par des extra-terrestres !), soit par les dialogues, hallucinants de drôlerie. Ah, la scène des tribunes, avec les comploteurs, dont l’un, Stan, reprend chaque phrase pour les conjuguer au féminin. Ça agace fortement John Cleese. Stan avoue à ses comparses qu’il souhaite devenir une femme, qu’on l’appelle Loretta, et faire un bébé. John Cleese agacé, explose : tu ne peux pas faire un bébé, tu es un homme ! Et pourquoi n’aurais-je pas le droit, c’est injuste, répond l’autre. Alors un troisième propose : mettons cela dans nos revendications, que les hommes aient le même droit que les femmes à accoucher !

Parmi les gags fameux, il y a le marché aux prophètes, l’ex-lépreux qui fait la manche, l’ermite dans sa grotte qui se fait écraser le pied et hurle, brisant ainsi 18 années de vœux de silence, le marchand de cailloux à la lapidation, l'aveugle qui prétend avoir retrouver la vue et qui évidemment se ramasse la gueule (simple, mais efficace !) ou la branche kamikaze du Front du Peuple de Judée qui monte une action de choc pour sauver Brian à la fin... et s'auto-trucide !!! Un des plus fameux, les plus génial pour moi (et bien filmé), reste pour moi la première mission de Brian, qui doit écrire « Romain, go, home ! » sur le mur de la citadelle. Mais une patrouille romaine passe, le centurion attrape Brian, lui tire l’oreille, et lui fait remarquer ses fautes d’orthographes ! Brian est sommé de récrire cent fois sa phrase, sans faute ! Brian s’exécute, toujours sur les murs de la citadelle !


 NOUS INTERROMPONS NOTRE CHRONIQUE POUR OUVRIR LA MINUTE CULTURELLE...

Le saviez-vous ? 
Dans un de leurs sketches, les Monty Python jouent avec le mot "spam" qui désignait alors une boite de conserve très en vogue après-guerre, genre corned-beef, mais à base de jambon (jambon = ham... spam...). Le mot spam y était répété sans fin, de manière compulsive, agaçante, le truc qui colle à la semelle... Le sketches obtient un beau succès, et les premières communautés d'internautes se l'échangent, via des envois groupés e-mail. De fil en aiguille, le sketches du spam se retrouvent dans tous les ordinateurs... Lorsque les premiers messages publicitaires par courriers électroniques apparaissent (1978), et qu'un type à l'idée de faire des envois de masse, sans distinction de destinataires, ces mêmes internautes ont naturellement désigné ces courriers indésirables, agaçants, répétitifs par le terme : SPAM.

 ON PEUT REPRENDRE... 


Et puis, chez les Monty Python, il y a toujours une galerie de personnages hallucinants, et là, dans LA VIE DE BRIAN, il y a des cas ! La mère de Brian, bien sûr, qui taille des pipes aux officiers romains en se lamentant que les jeunes ne pensent qu'au sexe, l’ex-lépreux qui sautille partout, le prêtre qui officie à la lapidation (« Is there any women today ?)… Mon préféré étant le romain qui guide les condamnés, très gentiment, maternellement : « Crucifixion ? Good… so, next door on your left, and one cross each / crucifixion ? Alors, au fond du couloir, la porte à gauche, et une seule croix par personne… ». Parmi les grandes créations, il faut parler des deux romains. Le gouverneur, Pilate, et son défaut de prononciation qui confond les « R » et les « » (joué par Michael Palin, qu’on retrouvera dans UN POISSON NOMME WANDA avec John Cleese) et son pote le centurion Biggus Dickus (interprété par Graham Chapman) qui zozote. Ces personnages donnent lieu à une scène d’anthologie, lorsque Brian est arrêté, amené devant Pilate, qui le questionne (inutile de traduire, je pense...) :

- Who are you, jude ?                                                     
- I’m not a Jude, I’am a roman                                                                      
- A woman ????                        
- No, a roman.                                           
- So, your father was a woman ????


Il faut voir les torgnoles que se prend Brian, du revers de la main (c'est John Cleese qui frappe). Ensuite, Pilate va faire référence à son ami Biggus Dickus (qu’on peut traduire par « grosse bite ») déclenchant l’hilarité des gardes présents. Et pour les fêtes de Pâques, Pilate demande à la foule quel prisonnier doit être libéré. La foule ne cite que des prénoms commençants par R, imprononçables, donc pour Pilate, puis une liste de noms en « S » imprononçables pour Biggus Dickus. 

Toutes ces scènes reposent sur le langage, les mots (la spécialité d’Eric Idle), les sonorités, les allitérations (la scène de Pilate est vraiment exemplaire à cet égard !) et bien sûr, nous autres francophones, ratons la moitié des effets, mêmes avec les sous-titres, puisque pour la plupart, les blagues sont intraduisibles. Imaginez des anglais écoutant Pierre Dac, Raymond Devos, ou Bobby Lapointe… Pourtant, je vous certifie que ce film doit être impérativement vu en V.O. sous-titrée, même si on perd 50% de l’humour (les sous-titres ne suivent pas toujours le rythme effréné des dialogues, ni leurs subtilités) mais pour profiter des accents, les intonations, des voix (surtout celles des femmes jouées par les comédiens, comme la fameuse scène de la lapidation, où les acteurs jouent des femmes déguisées en hommes… vous me suivez… It’s her, it’s her, it’s him, it’s him…).

Difficile de cerner avec cohérence un film qui au contraire explose dans tous les sens ! Terry Jones a fait ce qu’il a pu, mais mettre en scène ses camarades frappadingues, n’étaient pas choses aisées. On sent que la manière de filmer reste théâtrale, dans l’axe, avec les acteurs ensemble dans le plan. Plusieurs décors (dont le palais) ne sont filmés que sous un seul angle (car habillé de moitié !), la priorité n’étant pas de faire du grand cinéma, mais boucler des scènes comiques. Et puis, les moyens étaient limités. Le film a été tourné en Tunisie et l’équipe a profité des décors d’anciens films, et des accessoires du JESUS DE NAZARETH de Franco Zeffirelli (un comble !!). On appréciera tout de même un des premiers plans, sur le vrai Jésus qui parle, et le très long zoom arrière, plus on recule, moins on attend Jésus ! Joli effet. Et puis la scène où Brian se réveille, va à sa fenêtre, ouvre les volets et se gratte les couilles en baillant... ignorant que la foule de ses nouveaux disciples encercle sa maison ! Des figurants pour la plupart, avec juste quelques acteurs anglais au premier plan. Mais il y a une composition du cadre intéressante, qui donne l’idée de profondeur, de plongée, de foule fanatisée qui attend la parole du Messie. D’ailleurs, dans cette scène les figurants (des femmes, tunisiennes donc...) ignoraient que Brian apparaitrait nu à sa fenêtre... En plus, l’anatomie de Brian n’échappant à personne, il a fallu intervenir dessus, car l’acteur n’est pas juif, et… y’avait un détail en trop !!

Un dernier mot, sur la dernière scène, elle aussi d'anthologie (après promis, j'arrête, je ne vais pas tout vous raconter !), avec la ritournelle écrite par Eric Idle : les crucifiés se mettent à chanter "Always look on the bright side of the life", (toujours regarder le bon côté des choses...) alors que leur avenir est plutôt compromis... et remarquez comme certains essaient de lever la gambette en rythme !!!

Si parfois on peut regretter ce manque de temps, de moyen pour tourner de belles scènes, on se dit que l'aspect cheap est le style des Monty Python, et c’est sans doute mieux ainsi. Un empilement anarchique des gags et de répliques cultes, des scènes surréalistes, le non-sens élevé au rang d’art ! L’humour des Monty Python n’est pas toujours apprécié de tous, il y a parfois quelques répétitions, cela repose beaucoup sur le texte. Pourtant, LA VIE DE BRIAN semble être le plus accessible, presque le plus « normal », si tant est que normalité veuille dire quelque chose pour cette bande de fou-furieux ! Mais le plus remarquable dans ce film, c'est qu'au delà des scènes comiques, on y trouve une desgjhsgdjhdgjhgdjhqsgd, et ça c'est vrai, complètement dingue, mais vrai !  

- y se passe quoi ??? c'est quoi ce boxon ? Rockin' ?!
- rien... t'as plus d'encre, c'est tout...


La bande annonce :

Et une de mes scènes préférées, le fameux : crucifixion ? Good... Si vous ne pigez pas l'anglais, le frisé (Eric Idle) annonce non pas "crucifixion" mais "liberté"... avant de rajouter " non, c'est une blague, crucifixion" ! (le garde demeuré, à l'arrière plan, c'est Terry Gilliam)

MONTY PYTHON, LA VIE DE BRIAN couleur - 1h30 - 1:85

4 commentaires:

  1. pat slade1/6/12 08:58

    Rien que de lire ta chronique , je me remémore le film et je souris béatement !
    Et merci pour la minute culturelle,j'ai appris quelque chose et je me coucherais moins bête ce soir !

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  2. On ne sait plus ce que sont devenus les extra-terrestres par la suite.....
    Pour le problème de l'encre, ça m'est aussi arrivé. Il suffit d'intégrer la photo d'une seiche en pétard à coté du texte, ça dépanne en attendant de télécharger une cartouche de toner (de Brest), pas de clopes qui permettrait certes d'en fumer une (seiche) mais qui n'améliore rien.
    La Montypythonite peut devenir chronique et là on en a une belle (Chronique).

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  3. Belle chronique passionnée, même si je ne partage pas totalement ton engouement (n’étant pas si fan que ça des Monty). Je préfère à leur humour libertaire/surréaliste l'humour réactionnaire/pragmatique d'un Michel Audiard (ou d'une série comme "Amicalement vôtre", pour rester dans les références anglaises).

    Mais mon intervention ici est avant tout motivée par mon admiration du trait comique de génie que tu as eu concernant le gag du problème d'encre. Gag visuel tout bonnement excellent, inspiré, comme on voudrait en voir plus souvent dans les blogs. Je suis surpris de constater que nous ne sommes que deux à l'avoir apprécié au point de le mentionner dans nos commentaires. A te dégoutter à jamais d'avoir de l'humour, non ?

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  4. Merci, c'est très gentil Christian, une fin très Monty Pythonnesque, dont je ne suis pas mécontent en effet ! Mais je préfère tout de même qu'on s'attache au film, à la chronique, plutôt qu'à la pirouette finale !

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