lundi 27 août 2012

MICHEL GONDRY, le doux rêveur, par Big Bad Pete


Michel Gondry est un rêveur dingo. Jettez un œil sur ses clips vidéos : « Comme un caillou qui roule » ou ceux de Björk, ça donne déjà une idée de la configuration neuronale particulière du monsieur.



Le zouave a fait des clips, des pubs… Bref, encore un de ces excités qui fait des films comme on vend des voyages en avion ou de la vodka, serez-vous tentés de soupirer… Comme je vous comprends ! Les années 80 en ont balancé de ces réalisateurs tout en frime, le meilleur exemple repassé récemment sur une chaîne TNT-esque (it’s dynamaaaaïïïte !) est Russel Mulcahy avec son « Highlander ». C’est pourtant le meilleur de la série, le dernier film avec  Christophe Lambert avant qu’il ne se nanardise totalement. Oh, nom de Zeus, comme ceci a mal vieilli…

Gondry, c’est tout autre. Je donne rendez-vous à « Eternal sunshine of the spotless mind » dans 20 ans. Je suis prêt à parier que ce film aura gardé de sa charge émotionnelle. Les effets de mise en scène ne sont pas ancrés dans les années 2000. Et l’histoire est tellement belle. Elle renvoie à tellement d’expériences que tant de monde a pu vivre ; à commencer par toi, hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère ; et toi aussi, délicieuse lectrice, toi que je ne pourrai jamais autant toucher que le rustre que tu t’es choisi pour idéal…



Gondry offre à Jim Carrey l’un de ses plus beaux rôles de sa face « sérieuse et émouvante ».  
Introverti, timide et maladroit, Joel Barrish est l’emblème de tous les garçons qui restaient bloqués face aux filles, non pas par bêtise, mais par un respect paralysant : « …qu’est-ce que je peux lui dire ?... non, pas ça, c’est trop bête, ça serait la prendre pour une conne… »
Face à Joel, Kate Winslet est Clementine, tout son contraire : exubérante, pétillante,  du Champagne secoué et bien agité.
Alors, l’histoire des contraires qui s’attirent et se complètent, gnâ-gnâ-gnâ… Ca marche dans les films, oui, pas dans vraie vie !!! Sad, but true…
Ca foire donc leur histoire… Clémentine choisit de faire effacer ses souvenirs par une entreprise qui trafique le cerveau pour dégommer nos expériences fâcheuses. Du Total Recall à l’envers, quoi.
Quand Joel  découvre ceci après leur rupture, il décide de faire de même, ultime dépit mimétique de l’ancien amant.
Sauf que pendant l’intervention qui a lieu sous anesthésie, bien qu’inconscient, Joel change d’avis. Il va lutter contre le processus de destruction de souvenirs, il va se battre, car finalement, même séparé d’elle, il l’aime encore. … Excusez-moi, je m’arrête 2mn, je vais me chercher des mouchoirs, c’est trop émouvant… snif…
Mélange de rêves, de souvenirs, qu’est-ce qu’un souvenir, si ce n’est un rêve que l’on se repasse en cinémascope à 4 heures du matin ? « Eternal sunshine… » est un bonbon acidulé qui nous laisse un gout amer.

Pour son deuxième film américain, « Soyez sympas, rembobinez », l’ami Gondry donne dans la nostalgie attendrissante (pléonasme, je sais).



Danny Glover est Mr Fletcher, un vieux gérant de vidéoclub à l’ancienne, comprenez : cinéphile averti. Il loue encore des VHS alors que le DVD a gagné la bataille technologique depuis longtemps. Il connait personnellement tous ses clients, c’est aussi une encyclopédie du cinoche. On va chez lui aussi bien pour voir un Chaplin que « SOS Fantômes ». Hééééé oui… ces vidéoclubs qui avait un choix de film énooooorme…
Le vieil immeuble qui abrite le magasin de M. Fletcher est rongé jusqu’à la moelle. Il doit être détruit pour y mettre un centre commercial. Une partie de l’histoire du quartier s’en va. Le club qui s’en disparait, ce sera aussi la mémoire culturelle cinéphile qui s’évanouira.
Peinture idéalisée d’un quartier idyllique où tous les gens se connaissent et s’aiment bien, où les voyous se font remettre en place simplement en leur tirant l’oreille (bon, d’accord, une clé de bras). Encore du rêve, M. Gondry ?.. . Oui, encore du rêve… Mais ça fait du bien, tellement de bien… Ca change des vieux acariâtres qui font la gueule du soir au matin, des jeunes susceptibles qui réclament du RESPECT en te gueulant dessus à 85 db…
Jack Black est Jerry, un doux dingue (quelle surprise !) qui accidentellement efface toutes les VHS du magasin. En l’absence de M. Fletcher, Mike, son fils adoptif panique totalement !!! Le club est fichu, comment faire ???
Commence là une idée complètement farfelue, absurde, mais tellement drôle et sympathique : refaire avec les moyens du bord les films détruits ! Les clients ne sont pas si dupes, mais ils adhèrent au concept loufoque, et c’est un succès. Un tel succès qu’il pourrait permettre à M. Fletcher de racheter son local et bloquer ainsi la destruction de l’immeuble.
Malheureusement, suite au succès de ces films « suédés » (néologisme décrivant le procédé de « remake artisanal ») le FBI l’apprend et décide d’agir en détruisant tous les films au nom du Copyright :
Amen.

Ite missa est.

Autrement dit, c’est fichu, il n’y aura jamais assez d’argent pour racheter le local avant la date buttoir. Il faut mettre la clé sous la porte.

En ultime soubresaut communautairement solidaire (et réciproquement), un film racontant la vie de Fats Waller va être tourné avec tout le monde, chacun y participera. Documentaire totalement fictif, car Fats n’a jamais habité ce coin, il reste dans la tradition de la jolie fable que racontait M. Fletcher à Mike. Belle histoire car Fats Waller était un bon vivant, sa musique était belle et joyeuse, et en disant qu’il était né dans l’appartement au dessus du vidéoclub, M. Fletcher apportait de la joie et de la bonne humeur au p’tit orphelin qu’il avait recueilli.

L’histoire se termine avec la projection de ce film amateur et approximatif, c’est un succès. Et aussi un énorme malentendu, car dehors, les spectateurs qui voient le film sur l’écran blanc sans entendre le son s’esclaffent sur la dernière scène : la mort de Fats Waller. Ils ne comprennent pas… ils ne comprennent pas que tout est fini…

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