vendredi 7 septembre 2012

BIG EASY de Jim McBride (1986) par Luc B.



Y’a des films comme ça qu’on aime bien, qu’on regarde 15 fois sans s’en lasser (et non pas sans s’enlacer… ni même sans ses lacets…) qui ne sont pas forcément des chefs d’œuvre, qui ont même parfois un peu vieilli, mais allez savoir pourquoi, ils ont un p’tit truc en plus… BIG EASY en fait partie, malgré son titre français tartignole : LE FLIC DE MON CŒUR… Jetez un œil sur l'affiche, dont l'illustration fleure bon les couvertures de polar années 40, et donne le ton du film.

BIG EASY est le surnom de la ville de La Nouvelle Orléans, où se déroule l’action. Déjà un bon point. Là-bas, le commissariat est une grande famille, on est flic de père en fils, l’oncle Machin et le cousin Bidule sont flics aussi, chacun fait son devoir et s’offre des à-côtés. Ainsi, le lieutenant Rémy Mc Swain (Dennis Quaid) mange souvent à l’œil, et ne fait pas la queue devant les boites de nuit… Il va corriger un peu le tir quand sa hiérarchie lui collera dans les pattes Anne Osbourne (Ellen Barkin), procureur (et lui, la collera dans son pieux !), venue superviser une enquête sur l’assassinat d’un caïd local. Sauf que son cheval de bataille à la proc’, c’est la lutte anticorruption chez les flics…    

Passons rapidement sur ce qui fâche. Une image parfois typée 80’s, mais ça passe. Mais qui dit années 80 et qui dit film policier, dit aussi scène vaguement érotique, séquence récurrente désormais après le succès de LA FIEVRE AU CORPS (L. Kasdan, 1981) puis 9 SEMAINES ET DEMI, nanar très laid qui aura fait beaucoup de mal au cinéma américain, presque autant que MATRIX ! On a droit à tout, la lumière tamisée, bleutée, ombre des stores et sax ténor… mais on y reviendra car vue sous un autre angle, la scène est intéressante. Dernière bavure, plus grave celle-ci, un des ultimes plans du film, la fameuse grosse explosion en arrière plan avec les héros qui courent pour en réchapper, au ralenti (c'est bien connu, pour donner l'impression de vitesse, au cinoche, on filme une course au ralenti...) avec plongeon plongeon final… Cascade pyrotechnique vues 1000 fois… 

Passons maintenant aux qualités ! Générique, et premières images du bayou, de la Nouvelle Orléans, sur fond de « Zydeco Gris-Gris » interprété par Beausoleil. Voilà, on y est. Le truc du film, c’est l’atmosphère, l’ambiance, la moiteur, le folklore, et la musique cajun très omniprésente. On entendra aussi du Zachary Richard, le tube « Iko Iko », le Professor Longhair, et même Dennis Quaid himself, qui a écrit et interprète un titre. Précisons que l'acteur est aussi musicien, chanteur de son groupe THE SHARKS, qui donne dans le blues grass. La ville de la Nouvelle Orléans est à l’honneur, avec les fanfares de Mardi Gras, les énormes maquettes pour les défilés, les lieux célèbres comme le Club Tipitina’s, le Quartier Français, sa baie portuaire… Un décor idéalement exploité, dans lequel l’intrigue pourra se développer.

Et là aussi, un bon point, avec un scénario solide, dont la trame rappelle un peu L.A. CONFIDENTIAL de James Ellroy. Guerre des gangs, officiers corrompus, procureur intègre. Dans sa première partie, le film est cool, enquête, séduction, batifolage. Dennis Quaid vampe littéralement la blonde et sacrément bien foutue procureur, pas insensible aux charmes du flic. Les cadavres se multiplient comme des p’tits pains, et quand Mc Swain est directement pris pour cible, qu’il commence à piger ce qui se trame, le film bascule vers le drame, l’intensité monte d’un cran, l’image devient sombre et détrempée de pluie, moite. Une scène résume bien ces différentes couleurs. Anne Osbourne dort chez Mc Swain, séparément, on est là pour bosser. En bande sonore The Neville Brothers chantent « Tell it like it is »…  une merveille. On passe par des  moments comiques, puis sensuels, un peu de suspens avec l’intrusion d’un personnage en pleine nuit (le frère de Mc Swain) avant que tout bascule dans la tragédie. Une longue et belle séquence. 

Autres bons points, les personnages secondaires, à commencer par l’excellent Ned Beatty (DELIVRANCE, 1941, LES HOMMES DU PRESIDENT) dans le rôle du capitaine de police. On retrouve aussi John Goodman (THE BIG LEBOWSKI, DANS LES BRUMES ELECTRIQUES) énorme et tout en gueule. Grace Zabriskie, la mère de Mc Swain, campe un personnage haut en couleurs, comme Charles Ludlam en avocat véreux, le défenseur des ordures, et qui devra d’ailleurs plaider pour l’innocence de Mc Swain poursuivi pour une histoire de pot de vin… A noter dans cette scène de tribunal, le juge est Jim Garrison, joué par lui-même (il s’était illustré sur l’enquête de l’assassinat de Kennedy à Dallas).On y croise aussi le chanteur de soul Solomon Burke, dans le rôle du gros caïd Daddy Mention. Inutile de préciser que tous les acteurs de ce film sont parfaits ! 

Le personnage d’Anne Osbourne est intéressant. Elle représente l’autorité, la droiture, mais elle passe son temps à être rabaissée, voire humiliée, jamais à son aise. Dans la scène d’amour dont je parlais au début, elle y est sensuelle, c’est hot à souhait, sauf que… elle n’y arrive pas… Pour elle, c’est un échec. Comme elle échoue à se faire admettre et obéir par les flics. Quand elle s’impose sur une scène de crime, dans un hangar plein de marionnettes de carnaval, elle ne tient pas debout, écœurée par les cadavres. Les flics s’en amusent, lui font peur avec une histoire de rite vaudou, de coeur arraché aux victimes. 

L’humiliation encore pour la scène du pique-nique. Après avoir échoué à faire condamner Mc Swain (la vidéo  qui l’accusait a malencontreusement été effacée, zut alors, c’est ballot…) elle calme sa fureur en faisant un jogging. Elle est embarquée par un flic (l’oncle de Mc Swain) à une grande fête donnée par le capitaine de police, en l’honneur du non-lieu de Mc Swain. On mange, on boit, on danse, on chante. Anne Osbourne se retrouve malgré elle en terrain ennemi, en tout petit short (très très petit, le short…) en débardeur trempée de sueur, contrainte de traverser la foule pour téléphoner à un taxi. 

Enfin, le réalisateur Jim McBride, est arrivé à capter l'atmosphère des lieux, ce ciel chargé et menaçant au dessus des têtes, et les liens entre tous ses personnages, liens familiaux, d'amitié. Si le film fonctionne, c'est aussi parce qu'on croit en ces personnages, réellement attachants, vrais, pas juste des silhouettes. Ce qui rend la fin d'autant plus... difficile à supporter pour Mc Swain. Côté action, pas d'esbroufe, une mise en scène classique, rythmée, à l'ancienne... 

Ellen Barkin est vraiment très bien, j’aime cette actrice, la moue de travers, on le reverra dans MELODIE POUR UN MEURTRE avec Pacino. Face à elle, Dennis Quaid (L’ETOFFE DES HEROS, L’AVENTURE INTERIEURE, TRAFFIC, LOIN DU PARADIS), tout en charme, désinvolture, et sensibilité (son monologue sur le balcon) retrouvera Jim Mc Bride dans GREAT BALLS OF FIRE, le biopic sur Jerry Lee Lewis. Ils s'étaient connu sur A BOUT DE SOUFFLE MADE IN USA en 1983. 

BIG EASY, qui avait obtenu le grand prix du film policier à Cognac, est ce qu’on appelle un vrai bon polar, sans esbroufe, drôle par moment, efficace, et qui a bonne réputation. Mais il possède ce je ne sais quoi en plus, l’atmosphère, le décor, le charme, ses protagonistes, qui le rend décidément très attachant. Bref, je ne sais pas si c'est un grand film, mais en tout cas, je l'aime beaucoup !

BIG EASY (LE FLIC DE MON COEUR)
Réal : Jim McBride ; sc : Daniel Petrie Jr
Couleurs  -  1h40  -  format 1:85


Une bande annonce qui ne rend pas honneur au film, très 80's, grosse voix niaise et scène hot racoleuse... L'extrait qui suit correspond à la fin du pique-nique. Anne Osbourne contrainte d'attendre son taxi au milieu de gens qu'elles pensent hostiles. La femme brune au début est la mère de Mc Swain. Extrait intéressant pour rendre compte de l'aspect rustique du film, réaliste, avec l'orchestre cajun, le ciel chargé. Vous remarquez que Mc Swain (Dennis Quaid) parle français au début de son dialogue.


2 commentaires:

  1. Très chouette film, une série B comme j'en raffole. L'ambiance New Orleans y est superbement restitué et Dennis Quaid ne cabotine pas trop (pour une fois, serais-je tenté d'ajouter)
    On se l'est rematé y a pas si longtemps avec ma chérie, et pas sans s'enlacer.
    Hugo

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  2. Merci de ta visite Hugo !

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