mardi 23 octobre 2012

LE PARLEUR de Michel Zvenigorosky , par Rockin-JL


"Toi qui me lis, lecteur du Deblocnot, tu es une vermine puante, oui toi ! Et toi aussi là, et lui, et elle ! Des cancrelats sur la face de notre belle planète, qui à longueur de journées la polluent et l'empoissonnent. Avez-vous par exemple pensé à l'énergie qu'il faut pour faire marcher votre ordi  et aux rejets nucléaires dues à sa production ? Y'en a même qui nous lisent sur des téléphones, et qui encombrent le ciel de satellites, je vous le dis mes frères, jetez ces équipements impies par la fenêtre et pendant que vous y êtes, détruisez vous aussi  pour la grandeur de la Terre !! Nous sommes trop nombreux sur cette planète !"

- "Euh Rockin, qu'est ce que tu racontes ? Si nos lecteurs se détruisent qui va nous lire ?!"

- "Oups, oui, pardon, c'est que je viens de lire "Le parleur" de Michel Zvenigorosky et ... mais je vais vous expliquer, vous allez mieux comprendre..."

l'auteur et son bébé
Imaginez un monde dans lequel une secte d'illuminés aurait prit le pouvoir. Des "supra écologistes" intégristes et jusqu'au-boutistes professant que l'homme doit disparaître afin de sauver la planète, qui auraient inventé des tables de la loi interdisant sous peine de mort toute agression même mineure envers la nature ; cet étrange concept s'appelle la "Planètocratie".  Prohibés donc la pêche, la chasse, la consommation de viande, les cultures, le feu, l'électricité, la médecine; même plus le droit de couper un arbre pour faire une hutte. Les derniers survivants errent nus (plus de vêtements non plus) dans des villages, des réserves plutôt, où ils survivent de cueillette, dormant à même le sol dehors ou dans des cavernes... La procréation est également très contrôlée et soumise à autorisation, rares sont les femelles qui ont ce droit.
Les contrevenants sont massacrés par "l'Expiation", le bras armés des "Avisés", ceux qui sont à l'origine de cette dictature. La pensée unique est transmise par des "Parleurs" qui vont de villages en villages l'enfoncer dans les crânes, et oui il n'y a plus de livres depuis longtemps, d'ailleurs plus personne ne sait lire, et le seul moyen de communication restant est le mode direct.
Le parleur, héros du roman, s'acquiert de se tache avec zèle, profite au passage de son pouvoir pour s'accoupler avec des femelles crasseuses et prend un malin plaisir à culpabiliser les rescapés, les poussant parfois jusqu'au suicide, à son grand bonheur, puisque le but ultime, ne l'oublions pas, est la disparition de l'humanité.
Ouai, ben Michel, jusque là ton roman il m'a carrément foutu les jetons, sais pas si je voterai encore pour les Verts…
Mais un grain de sable va enrayer la machine, quand notre parleur, et l'apprenti qu'il a recruté, vont rencontrer une communauté de "Viveurs", des rebelles qui ont refusé de se plier à ce fascisme et essaient de vivre comme des hommes et non des animaux, réfugiés dans les ruines d'une ville abandonnée.
Comment notre parleur endoctriné jusqu'au bout des ongles va-t-il voir ses certitudes remises en question et réagir face à ces hommes et femmes qui piccolent, bouffent et aiment ?...
Il va lui en arriver des aventures : apprendre à lire les livres (on le sait, les livres ont de tous temps été l'ennemi juré des dictatures de tous poils) éprouver des sentiments qu'il ignorait, et enfin découvrir la vérité sur les Expiateurs (dont le campement et le fonctionnement rappelle fâcheusement les horreurs nazis) et les Apôtres, ceux placés en haut de l'échelle de ce qui reste de l'humanité
Ne comptez pas sur moi pour vous raconter la suite, va falloir lire le bouquin mes ami(e)s, sachez juste que l'auteur va vous prendre à contre-pied et que l'issue n'est pas celle à laquelle on s'attend à ce moment de la lecture…

Michel explique qu'il s'est inspiré de sectes existantes qui militent pour la destruction de l'humanité pour sauver la Terre comme la désopilante "Eglise de l'euthanasie" , le tordant "Front de libération de Gaia" ou les comiques troupiers du "Voluntary Human Extinction Movement" (ci contre). Qu'adviendrait il si ces zozos arrivaient à convaincre la majorité  d'appliquer leurs thèses ? C'est ce qu'a essayé d'imaginer l'auteur dans ce roman d'anticipation. Un sacré bon roman, même si le début est un peu longuet, mais qui décolle vraiment avec la confrontation du Parleur et des Viveurs. On ressort de cette lecture avec plein d'interrogations sur l'avenir de l'humanité, son rapport à la planète, le pouvoir, la manipulation, l'écologie, les sentiments, la vie... Et un roman qui fait réfléchir n'est jamais écrit pour rien.
Bon maintenant Michel, je te le dis, si tu comptais être publié dans la collection Harlequin ou la Bibliothèque rose, c'est mort, laisse tomber.
Mais tout n'est pas si noir. Si le début est terrifiant avec la description des  conditions de vie des survivants, la plume se fait ensuite plus optimiste, par exemple avec la découverte de la lecture et des plaisirs de la vie par le parleur. Au fond l'homme n'est pas si pourri et a inventé de belles choses, l'art par exemple, ainsi notre parleur va découvrir… le blues, joué par un de ces viveurs. D'ailleurs puisqu'on parle musique ces viveurs m'ont évoqué les folles années de San Francisco, Ashbury Haight, le Grateful Dead, Janis Joplin, dans leur refus de ce qu'on leur impose et leur façon de profiter de la vie, même si ce ne sont pas à proprement parler des babas cool.
Derrière une certaine misanthropie qu'on devine à la lecture du catalogue des méfaits de l'espèce humaine, Michel aime sans doute profondément l'humanité, tout en regrettant ses excès, sa cupidité et sa bêtise, alors qu'elle pourrait s'élever vers de plus nobles desseins.
On ne peut nier à Michel une imagination foisonnante et une écriture fluide et comment dire… imagée, l'impression parfois de regarder un film en lisant, j'ai pensé à certaines séquences de "Je suis une légende" d'après Richard Matheson, ces villes abandonnées, la nature qui a repris ses droits… Je pense qu'une adaptation sur une toile pourrait donner quelque chose, Spielberg si tu me lis…

Un mot sur l'auteur pour conclure, un artiste multi casquette, joueur de blues avec son groupe Michel Z et les Charity Beans (lien) mais aussi par dédoublement de personnalité Enzo Ketchup (lien) troubadour anar qui doit beaucoup à Brassens et Ferré et maintenant écrivain. (Cliquez ci-dessus sur les liens vers ses sites où vous pourrez en apprendre plus et écouter ses enregistrements).

Ah oui, bonne question, où trouver ce bouquin auto produit ? Si vous êtes en Normandie vous le trouverez à Caen, à Brouillon de culture 29 rue St Sauveur (au 1er, rayon anticipation)... Sinon un mail à l'auteur de notre part (michel@michelz.com)

1 commentaire:

  1. J'ai lu le parleur, effrayant, organique et jouissif, les images poursuivent longtemps après la lecture. Bravo!

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