vendredi 31 août 2012

D-DAY LA BATAILLE DE NORMANDIE de Anthony Beevor (2009) par Luc B.


Anthony Beevor (britannique né en 1946) s’est taillé une bonne réputation d’historien à succès suite à la sortie de son bouquin sur la bataille de Stalingrad (STALINGRAD, 1998). Grâce aux archives soviétiques dont il avait pu avoir accès, son livre fourmillaient de détails, et Beevor, avec un style très narratif, mêlait la grande et les petites histoires. Il récidive en 2002 avec  BERLIN : LA CHUTE 1945, gros succès de librairie encore une fois. En 2005, il ressort et complète son premier ouvrage sur la guerre civile espagnole, THE BATTLE FOR SPAIN : THE SPANISH CIVIL WAR 1936-39. Ce spécialiste de la Seconde Guerre Mondiale ne pouvait pas ignorer un de ses épisodes les plus célèbres : le déparquement en Normandie. 

D-DAY THE BATTLE OF NORMANDY s’attache à une période très précise : 5 juin – 25 août 1944. Soit, la veille du déparquement allié, jusqu’à la libération de Paris. Pas de chichi, de présentation, de période de rodage. On est dedans dès la première ligne. Avec  les commandants en chefs, Eisenhower, Montgomery, Bradley, à discuter si on lance l’opération maintenant, dans 6 heures ou dans 2 jours. Un bulletin météo chasse l’autre. Dans cette phase préparatoire, ce qui est passionnant, c’est la gestion de l’information, ce qu’on laisse filtrer ou pas. Y compris du côté français d’ailleurs, dont les codes de brouillages étaient si succincts, que les anglais s’en méfiaient comme de la peste, et ne livraient aucune autre info à De Gaulle !  Les relations entre Roosevelt, Churchill et De Gaulle sont d’ailleurs gratinées ! Sans oublier les relations avec Staline, tenu très au courant de la situation, et qui s’impatiente du débarquement, pour voir le front de l’Est soulagé. Information, mais aussi désinformation : avec l’opération Forfitude, un deuxième front totalement fictif (avec chars gonflables, silhouettes en carton !) destiné à tromper l’ennemi. Et qui fonctionna au-delà des espérances ! Passionnants aussi  les allers -retours que fait l’auteur entre les QG allié et allemand, opposant ainsi les deux points de vue, montrant comment le maréchal Rommel, alors commandant en chef de la Wehrmacht sur le front ouest, essaie d’anticiper, et de convaincre Hitler de renforcer impérativement le secteur de la Manche avec des troupes déplacées du sud de la France. En vain.    

C’est ensuite le jour J. Antony Beevor passe en revue les cinq débarquements, sur les plages d’Utath, Omaha, Gold,  Juno et Sword. Et on est loin de l’image d’Epinal du film LE JOUR LE PLUS LONG… L’approximation de l’opération laisse songeuse…   
Notamment à Omaha, la plus meurtrière. 30% des pertes humaines de la journée du 6 juin sont à décompter sur la seule plage d’Ohama. Le pilonnage de la côte par les croiseurs et les avions a été inefficace, trop approximatif. Erreurs de relevés, de calculs, et les barges de débarquement déchargeaient leur occupants et matériel beaucoup trop tôt, entrainant des noyades par milliers. Les pauvres types sautaient dans la flotte avec 45 kg de barda sur le dos. Et sans compter les paras, qui étaient mitraillés avant même de toucher terre, parce que largués sans précision… Le peu d’hommes arrivant sur le sable était fauché illico par les rafales ennemies. Les chars amphibies coulaient, le matériel ne suivait pas. Les anglo-canadiens ont eu plus de chance à Gold. « Bloody Omaha » fut un véritable jeu de massacre, et l’auteur dresse des portraits rapides de soldats, des anecdotes, illustrant son propos, montrant l’horreur dans ce qu’elle a de plus quotidien. Précisons que chacune de ces anecdotes, souvenirs, sont dument répertoriées, annexées, recoupées. On ne parle pas de soldats lambda, mais l’auteur cite les noms, les grades, tout est extrêmement précis. Apparait alors un nom resté célèbre, Sainte Mère l’Eglise, première commune libérée par les américains. La réaction des populations locales est souvent incomprise des alliés. En effet, les Normands ne savaient pas toujours à qui ils avaient affaire, et craignaient surtout qu’une fois les américains passés, les Allemands ne reviennent. Là encore, beaucoup de petites histoires illustrent l’incompréhension des forces alliées face aux Normands, et vis-versa, et le rôle jouée par les groupes de Résistance (dont les américains ont fini par comprendre le bien fait, les incluant souvent dans les plans de bataille).  

Ces petites histoires, viennent de témoignages, de journaux, de témoins, et l’auteur parvient parfois à les recouper avec d’autres sources. Il sait aussi prévenir quand telle information lui semble exagérée, trompeuse. Notamment lorsqu’un camp accuse l’autre d’atrocités commises, en en rajoutant, ou à l’inverse, en minimisant les exploits personnels de tel ou tel. Concernant les actes, ou paroles des dirigeants, des généraux, ils sont racontés par eux-mêmes (Churchill a beaucoup écrit, Patton tenait un journal) ou relayés par un chef de camp, un secrétaire, ou encore issus d’entretiens accordés après-guerre. Précisons aussi que les officiers allemands, après la guerre, ont été débriefés par les américains, et ont aussi racontés leur guerre.  

Après les premiers jours du débarquement, commence la bataille du bocage. Les troupes alliés s’étaient entrainées en Angleterre, certes, mais la physionomie du paysage n’est pas exactement la même. Le bocage normand est fait de plus petites parcelles de terres bordées de haies hautes et drues, que même les chars ne pouvaient passer. On parle souvent du bourbier vietnamien, et bien, la Normandie s’est avérée aussi difficile. Impossible de voir l’ennemi de loin. Il fallait des heures entières pour progresser de quelques mètres. Avec la pluie, la boue, les champs et routes rendues impraticables par le pilonnage systématique de la RAF (armée de l’air britannique), la progression des troupes étaient lentes, complexes et dangereuses. Les bombardements restent encore approximatifs, les pilotes n’osant descendre trop bas par peur de la DCA, et larguant leur bombe le plus vite possible. Anthony Beevor dénombre un nombre impressionnant de bavures,  de brigades alliées (anglaises, américaines, canadiennes, polonaises) anéanties par leurs propres bombardiers ou chasseurs. 

Cet exemple, près de Falaise (je crois) où les commandants en chefs, et la presse avait été conviés à un grand bombardement. Le premier avion lance ses bombes, elles explosent, le vent se lève et renvoie la fumée à 1 km de là. Les forteresses volantes qui suivent, prenant cette fumée comme repère, larguent leurs milliers de tonnes de bombes au mauvais endroit, et sur la gueule de leurs copains. Autre exemple, qui prête presque à rire : un fumigène jaune, pour l'infanterie, signifie : y'a des blessés, venez nous chercher. Mais vu du ciel, pour l'aviation, cela signifie : zone à bombarder... Vous voyez la suite ?... L'avancée alliée prend plus de temps, et de détours, que prévu. Le conflit s'enlise, s'embourbe. Chaque village, chaque pont, chaque rivière devient un enjeu stratégique. Et il semblerait que les services de repérages anglais aient eu quelques lacunes à situer les divisions allemandes, dont les chars Panzer ou Tiger font des ravages.

C’est dans cette partie du livre, que Beevor utilise au maximum l’immense documentation à sa disposition. J’avoue que la description, quasi heure par heure, de l’avancée de telle division, régiment, à la côte près, chaque mouvement, attaque et contrattaque, chaque arme ou véhicule utilisé, devient un peu rébarbatif. Les cartes en tête de chapitre aident, mais il devient difficile de d’appréhender l’ensemble. C’est sans doute les limites du livre, si l'aspect logistique de la Grande Muette n’est pas dans vos priorités, ce qui est mon cas !… Mais il suffit de lire en diagonale, et de retomber plus loin sur une analyse stratégique, ou politique, à mon sens plus intéressante. Comme les suppliques de Rommel et des généraux allemands, qui cherchent en vain à convaincre Hitler d’engager plus de moyens. Le Führer avait le nez dans ses cartes, et sa vision du conflit normand était totalement biaisée par son absolue confiance en lui-même. Il était persuadé que lancer ses bombes volantes sur Londres, briserait le moral des anglais, qui capituleraient. Ses commandants en chef, sur place, dans le concret, se lamentent, et Hitler les traitent de lâches et d’incapables. Il n’avait confiance qu’en ses divisions de la Waffen SS, dopées à coup de propagande, prêtent à mourir pour le chef, et persuadées qu’une défaite entrainerait la chute de leur civilisation aryenne. 

C’est un des éléments que n’avaient pas prévu les alliés. L’engagement total et la discipline des allemands. Un soldat anglais aurait-il déclaré être prêt à mourir pour Churchill ? Beevor cite le cas de ce SS blessé refusant une transfusion sanguine… venant d’un anglais,  préférant mourir que de vivre le sang souillé… Hitler se méfiait des officiers de la Wehrmacht, l’armée régulière allemande, pourtant beaucoup plus au fait des choses de la guerre. Hitler change son état-major au gré de ses humeurs, remplace Rommel par Von Kluge (lui même remplacé plus tard, parce que sa voiture ayant été mitraillée, il était resté dans un fossé pendant 12 heures, ne pouvant reprendre la route. Ce "trou" dans son emploi du temps, sans "alibi", ne pouvait qu'être un acte de traitrise...) qui se rendra compte rapidement lui aussi que l’avancée des anglo-américain est inexorable. Non pas que les alliés aient plus de rage au ventre, plus de talent, de meilleurs armes. Mais ils avaient le nombre. Un réservoir humain et matériel quasi infini. Et la suprématie aérienne des alliés, au grand dam de Rommel, qui pestait tous les jours contre l'absence de la Luftwaffe dans le ciel normand. 

Le 20 juillet 1944 n’arrange rien. En Prusse, Hitler échappe à un énième attentat. Il est persuadé que le coup vient de l’état-major de la Wehrmacht. Il n’a pas tort ! Von Kluge, Rommel, tous les grands responsables de l’armée avaient donné leur consentement, arrivés à la conclusion que seule la disparition de Führer, pourrait arrêter cette guerre perdue d’avance, éviter un massacre inutile, et se recentrer sur Staline et le front de l’Est. Hitler purge son commandement de plus belle. Les divisions de la SS sont rappelées à la rescousse, freinées dans leurs mouvements par la Résistance Française, et les bombardements alliés. Les représailles, massacres, déportations se multiplient en chemin. 

A propos des actes de violences, Anthony Beevor prend soin de citer les cas avérés dans les deux camps. Il faut avoir à l’esprit que pour les soldats américains, la France était une terre inconnue, peuplée de boches et d’espions. C’était un territoire ennemi à envahir, et non une nation qu’il fallait libérer. Les exactions et les pillages, hélas, eurent lieu des deux côtés, sans pour autant atteindre la cruauté des divisions SS qui se complaisaient dans la violence. De même, Anthony Beevor évoque aussi les bombardements alliés sur les populations civiles, parfois par erreur, parfois non, dans la volonté de détruire le moral du camp adversaire par une démonstration de puissance. A Caen, 8000 maisons restèrent debout pour 60 000 habitants… Les anglais, qui subissaient le Blitz, déploraient, mais exécutaient. 

La dernière partie du livre s’attache à l’opération Cobra, la dernière phase, le déferlement des troupes, alors que l’ennemi bat en retraite dans chaque coin. Les soldats allemands, comme leurs officiers, sont démoralisés, ils manquent d’essence, de munitions, de nourriture. Et cette question : faut-il contourner ou passer par Paris ? De Gaulle, Koenig, Leclerc, officiellement sous les ordres d’Eisenhower, mais qui n’en font qu’à  leurs têtes, sont évidemment partisans d’une entrée dans Paris. Pour le symbole, mais aussi pour éviter aux FFI, la Résistance d’obédience communiste, de prendre le pouvoir dans la capitale une fois les allemands délogés ! Plus tard, dans Paris, ce fut la course folle entre le colonel Rol-Tanguy, chef des FFI communistes en ile de France, et qui déjà organise les barricades, et Leclerc, représentant de la droite conservatrice, affolé à l’idée d’arriver second ! Churchill, lui, préférerait foncer vers l’Est. Il avait compris, avant les Américains, que le problème suivant serait le cas Staline, qui avançait de plus en plus vers l’ouest. Roosevelt pour sa part, ne voulait absolument pas installer De Gaulle au pouvoir, estimant que s’auto proclamer chef de la France Libre ne cadrait pas dans une démocratie !  

Avec la victoire qui approche, Beevor raconte aussi le début de l’épuration, la vengeance franco-française, les exécutions sommaires, les défilés de femmes tondues pour « collaboration horizontale ». Puis c’est la marche sur Paris, les Américains offrant à la 2è DB du général Leclerc la primeur d’entrée dans la capitale, tenue par le général Von Choltitz, qui quelques minutes avant son arrestation déjeunait avec ses cadres à l’hôtel Meurisse.   

La bataille de Normandie a été pratiquement aussi meurtrière (sur trois mois) que le front Russe. 240 000 soldats allemands ont été tués, plus 200 000 prisonniers. Plus de 200 000 morts du côté allié, plus 17 000 morts ou disparus pour l’aviation. A cela s’ajoute 20 000 civils français tués pendant cette campagne, et 15 000 de plus pendant la phase des bombardements préparatoires au débarquement. La région a été dévastée, les habitations rasées, détruites, les troupeaux décimés, les routes et les champs étaient jonchées de carcasses de tanks, jeeps, camions, avions… On peut comprendre l’amertume des Normands. Lourd tribu, mais qui a permis de chasser l’occupant hors des frontières, et de mettre un terme à la guerre un an plus tard. Oui, le débarquement en Normandie ne s’est pas déroulé comme prévu, les alliés n’ayant pas pris la mesure de la combativité des allemands, pilonnés par la propagande SS, ni pu prévoir la météo pluvieuse de juin, qui rendit le terrain impraticable. Et si Rommel et Von Kluge avait eu carte blanche pour organiser la défense de la zone ? Et si les Américains avaient été repoussés en mer ? Et s’ils avaient débarqué deux semaines plus tard, alors que la tempête du siècle faisait rage dans la manche ?

Difficile pour moi  de juger si ce bouquin est l’œuvre définitive sur la bataille de Normandie. Il constitue en tout une accumulation de documentations gigantesque. Antony Beevor entrelace habilement les aspects stratégiques, politiques et militaires, parsemant son récit  de témoignages poignants, incroyables, parfois truculents. Comme un cinéaste qui passerait du plan d’ensemble à la grue, aux plans caméra-épaule, au plus près des acteurs du conflit. 

D-DAY LA BATAILLE DE NORMANDIE chez Calman-Lévy (630 pages) + Édition Poche


Le débarquement à Omaha, filmé par Steven Spielberg dans IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN. Et en grand format s'il vous plait !
(le petit texte au centre de l'écran disparait au bout d'une minute...)

jeudi 30 août 2012

Une vie d'ANGE ou au-delà du DÉSIR (Début) par Pat Slade



Et le Rock français alors…

Qui a dit que le rock français ne pouvait pas avoir une durée de vie aussi longue que celle des Rolling Stones, Barclay James Harvest, Aérosmith et consort ? Si, si il y a des groupes qui perdurent et bien !! J’ai toujours entendu et lu énormément de critiques (négatives !) à l’égard de Ange qui pourtant fait encore de la scène, des tournées et enregistre toujours des albums, alors qu’il y a bien longtemps que Téléphone, que l’on a à l’époque encensé, a raccroché le combiné et qu’il n’y a plus d’abonné au numéro demandé !
Bien sûr, le personnel du groupe changera avec le temps, mais cela n’empêchera pas "le Père" Christian Decamps de continuer à chanter sa poésie sur toutes les scènes de l’hexagone et outre-manche.

Né en 1946, ce chantre créateur du rock progressif en France faillit devenir prêtre. Mais comme le dit l’intéressé : "...Mais à 11 ans, tu ne sais pas encore quelles peuvent être les conséquences de cette décision sur ta vie sexuelle". Après avoir tout fait dans sa vie, même cycliste amateur. (Il voulait d’ailleurs faire le tour de France, mais abandonna l’idée quand il fuma sa première Gauloise.) Christian jouant de l’harmonica, ses parents achètent un accordéon à son frère Francis. S’apercevant qu’un accordéon c'est un harmonica avec des touches, il se rapproche de l’instrument. C’est à cette époque qu’il commence à s’intéresser à la musique.
Christian commence avec un premier groupe de bal Les Potaches, puis les  Over Cap Sound où il rencontrera Jean-Michel Brézovar dit "Jo", le guitariste historique d’Ange.
Photos extraites de l'excellent livre "Au-delà du système, Ange, vingt ans de musique" par Jean-Paul Germonville au Presse universitaire de Nancy.


La genèse

Les Over Cap Sound ont vécu et Les Anges  sont nés ! Ils commencent à écumer les bals de Haute-Saône, sponsorisés par un magasin de chaussure, le gérant, pour faire un peu de promo, leur fait enregistrer un 45 tours "quatre titres" tiré à 30 exemplaires et offert à ses clients…
Ci-contre : debout à droite Christian Decamps et, à sa droite, J.M Brézovar, cheveux courts et sans moustache
C’est en 1969 que Christian achète pour 9000 francs (une fortune pour l’époque !) un orgue Hammond sur lequel il commencera à composer. La première œuvre (Et pas des moindres !!) sera "La fantastique Epopée du Général Machin" considéré comme le premier opéra-rock français. Il reste quelques traces de l’épopée sur l’album "Concert 1970/1971" à la qualité sonore médiocre et publié sans l’accord des musiciens ! Voici un extrait des paroles d’une des chansons : "Ballade pour un juteux" : "Napoléon, un jour de caprice fit d’une putain une impératrice ; à l’armée, on est moins exigeant, on fait d’un con un adjudant".
Le premier à rejoindre le groupe est Jean-Michel Brézovar et en avant dernier son frère Francis dit "Didou". Les après-concerts se font dans la douleur. Jouer à Cherbourg le soir, et être à Belfort le matin à l’embauche, cause beaucoup de problèmes chez certains surtout que leur moyen de transport est un vieux tube Citroën à trois vitesses et à la vitesse de pointe de 80 km/h. Le premier chanteur à la voix haut perché style Balavoine partira pour "Le grand amour". Donc, comme il faut un chanteur, Christian s’y colle. Le bassiste lui, c'est avec ses parents qu’il y a des problèmes et c’est là qu’arrive Daniel Haas dit "Bouffi" qui jouait dans un groupe appelé Les Incrédules. Et quand Jean Pierre Garbin le batteur part faire son service militaire, débarque Gérard Jelsch, il n’y a plus qu’à retirer Les devant Ange pour que naisse l’Ange original !

L'envol…


Commencent alors les tournées marathon, les festivals où ils jouent un morceau de 45 minutes appelé "La Messe des Incrédules" dont il ne reste aucune trace à ce jour. Mais c’est surtout au Golf Drouot où tout va commencer. Le club mythique parisien accueille le groupe sept fois avant qu’il ne gagne le tremplin et ne décroche le contrat avec la maison de disque Phillips.
1970 : le premier single que tout collectionneur rêve de posséder, deux titres : "Israël" et "Cauchemar", les vrais premiers sillons officiels produits par un jeune inconnu à l’époque du nom de Gérard Manset.
Il faudra attendre 1972 pour voir la suite avec deux simples "Tout feu tout flamme", "Docteur Man" et "Le Soleil est trop vert", "Le Vieux de la Montagne".
Arrive la même année le premier trente centimètres "Caricature" avec les deux marionnettes en jaquette que l’on retrouve sur scène dans le titre "Le Soir Du Diable" avec un Christian au regard halluciné jouant du xylophone pour enfant avec les mains gantées des deux marionnettes.

Caricature a droit à un album promo (Aussi une pièce de collection), album hors commerce réservé aux médias, contenant photos et coupures de presse. Offert aux journalistes présents à la conférence de presse dans un sac de toile estampillé du visuel de l’album, avec dedans, bien sûr l’album mais aussi une crème de gruyère (Vache qui rit ?) et une banane ! 
Caricature a eu l’honneur de faire à l’époque le Johnny Hallyday Circus. Didou (Francis) fait l’acquisition d’un nouvel orgue. Pour conserver la tonalité si particulière de son vieil instrument, il se rend à Lyon chez l’importateur Viscount et travail avec les techniciens sur le vibrato et la reverb', ainsi le son Ange première époque est sauvegardé. Puis ce sera le festival de Seloncourt ou ils ouvrent les hostilités devant  Genesis  dont c’est le premier concert en France. Singulier, avec le recul de voir Phil Collins montant, dans la pénombre, sa batterie sans l’aide d’un seul roadie. En été 1973, ce sera le fameux festival de Reading ou l’après-midi du 26 Août après un set de 40 minutes, les 30.000 spectateurs présent leurs feront un standing ovation.

Un Ange au paradis


En 1973 "Le Cimetière Des Arlequins" est l’album qui confirme bien à l’époque qu’Ange est un groupe à part, avec ses histoires qui dérivent entre les comptes médiévaux et la science-fiction (Le King Crimson Français). Mais surtout, il y a LE morceau qui ouvre les hostilités, c’est la reprise d’une icône de la chanson à laquelle jamais personne n’avait osé s’attaquer, mais Ange et surtout Christian Decamps ne font aucun complexe et tiennent le pari. "Ces Gens-La" de Jacques Brel sous la verve de Christian remue la mise en scène et dépoussière le rythme et le mythe du grand chanteur Belge.
Puis c’est la tournée en Angleterre dans les universités et dans le Mythique "Marquee Club". De retour en France, c’est la ruée sur l’album qui vient juste de sortir, les ventes s'envolent. Ce sera leur premier disque d’or en 1976.
Chez ces gens et Le Cimetière des Arlequins extraits de l'album...
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Un Ange en enfer

1973 : un conflit éclate au sein du groupe. Gérard Jelsch, le batteur, annonce son désir de claquer la porte. Il revient sur sa décision, pour l’instant du moins.
C’est pendant une autre tournée en Angleterre qu’est composé "Au-Dela Du Délire", l’album médiéval de Ange. Après avoir honoré une série de contrats, ils s’arrêtent à Calais, point de départ de la tournée Bivouac 74.

La veille de la première, lors de l’ultime répétition, c’est l’accident. Christian doit, au cours de "Fils De Lumière", dans l'ordre : jaillir d’un soleil placé au-dessus de la batterie, prendre son essor en coulisse sur un tremplin et finir son saut devant le micro. Mais emporté par la musique, il se réceptionne mal. De surcroit le micro est mal placé ! Résultat : mauvaise réception et ses deux talons se brisent.
La tournée est annulée… Un concert de soutien est organisé à Belfort avec des  groupes de l’époque comme Mona Lisa, Tangerine, Introversion qui n’attirera que 1300 personnes. Ange fait une brève apparition avec Christian installé sur une charrette d’infirme. En compensation, sorti au printemps, l'album "Au-Delà Du Délire" monte en flèche au box-office. Le chiffre des ventes est impressionnant, malgré le silence des radios officielles, exceptée RTL. Ange a toujours été soutenu par Jean Bernard Hebey (l’homme de "Poste Restante"). Suite à l’accident, Jelsch quitte le groupe. Phil Umbdenstock le "sixième ANGE", illustrateur de nombreuses de leurs couvertures dont l’illustration intérieur de la pochette de "Au-Delà Du Délire", va leur présenter un copain de classe, Guénolé Biger  qui fait partie des meilleurs batteurs strasbourgeois. Après audition, il est adopté…

Les Anges et le maréchal-ferrant

Une rencontre entre Christian et un vieil homme va donner naissance à un album intimiste "Emile Jacotey", pittoresque et qui restera dans la mémoire collective régionale.
La légende de la grande tradition orale avec Emile Jacotey, maréchal-ferrant de Haute-Saône, se passera dans sa cuisine en présence de Christian, Francis, Daniel Haas et un technicien armé d’un quatre pistes. L’homme leur fait visiter son ancien atelier transformé en garage ou dort une quatre chevaux modèle 1952 qui affiche à peine 25.000 km au compteur. Et dans un coin, il montre sa "fierté", un statuaire forgé de ses mains. Le magnéto 4 pistes entouré de verres remplis d’alcool blanc tourne et Emile de sa voix de sage évoque sa vie.
Les trois-quarts d’heure d’enregistrement constitueront la trame de l’album à venir. Un portrait d'Emile Jacotey par Philippe Huart orne l’album. La partie centrale, représentant Emile comptant ses histoires entouré du groupe et de leurs compagnes, est née des crayons de Phil Umbdenstock. Le groupe refera le voyage chez Emile pour lui remettre un disque d’or qu’il accrochera dans sa cuisine. Un autre cadeau lui sera offert, une chaine Hi-Fi sur laquelle il pourra s’écouter. Gravé deux fois dans la cire sa voix est passée à l’immortalité : "Je suis né ici. Mes parents ont toujours habité ici. Mes grands-parents aussi. J’exerçais le métier de maréchal. J’avais 70 ans quand j’ai arrêté. Et pis maint’nant, à c’t’âge ci, qu’est-ce que vous voulez ? je m’repose".
Au début de 1978, Emile est "Parti torcher le cul au firmament/ Après s’être chanté un tout petit vin/ S’être bu un dernier refrain". La deuxième face de l’album sera faite dans l’urgence, avec quand même de très beaux morceaux comme "Aurelia" et "J’irai plus loin que ton sommeil". Mais des morceaux comme "L’Ode à Emile" et "Sur La Trace Des Fées" (petit clin d’œil perso à mon pote Fred de FB !) sont deux morceaux magnifiques. Pour la petite histoire, Emile n’avait jamais évoqué sa rencontre avec le rock à ses proches. La petite fille du forgeron devait découvrir un jour, non sans émotion, le visage de son grand-père dans la vitrine d’un disquaire parisien.
Extraits : Ode à Émile, puis Sur les traces des fées :
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                 A suivre dans l'épisode 2…. 

Si vous avez aimé cet article, et si vous craquez avant de lire l'épisode 2, précipitez vous sur le reportage de nos deux envoyés très spéciaux, Philou et Rockin', sur  :
ANGE à l'Oceanis de Plomoeur le 26 février 2011

Vidéos


En live en 1977, sur la trace des fées, une intro à l'orgue au sonorité féérique, forcément....

mercredi 29 août 2012

HADDEN SAYERS - "Hard Dollar" - (2011) by Bruno




Hadden Sayers est comme un docteur itinérant (certainement pas du genre charlatan) administrant les remèdes adéquats aux patients souffrant d'une carence en Blues frais, roots, électrique et sincère.

Troubadour à la Stratocaster, Hadden, pour son septième album, nous invite à un voyage au pays du Blues, grâce à ses chansons qui s'ouvrent aux différentes branches de la musique du diable.
Ainsi, tout au long de l'album ce natif de Nacogdoches assène des Blues de différents horizons, qui trahissent tous néanmoins l'âme Texane de l'interprète. La première écoute est un peu surprenante, voire décevante, car elle donne l'impression d'un patchwork.

On retrouve ainsi à travers ses treize compositions du Blues-rockabilly appuyé à la Jimmy Thackery, un Souful en duo avec Ruthie Foster, du Blues-funk et boogie sauce Popa Chubby (sans les soli), un autre épicé au Snook Eaglin ', Chicago-blues avec un gros clin-d'œil à Hubert Sumlin, un slow-blues (dédicacé à Sean Costello) qui a quelques petites intonations de « Blue-Jean Blues », un country-folk-rock façon John Mellecamp, un blues-jazzy genre Leon Redbone en plus électrique, de l'americana même, du Blues encore qui évoque les frères Vaughan et Doyle Bramhall, et un instrumental à la Albert Collins. Presque une circumambulation du genre, en évitant le Blues moderne flirtant avec le Hard.

En toute logique, beaucoup d'influences texanes planent sur ce disque.
C'est l'album du renouveau, d'un nouveau départ après des années de galère, d'entourloupes, de malchance et d'incertitude. D'où le titre, « Hard Dollar », pour signifier la difficulté que l'on peut avoir pour gagner sa croûte, en parcourant les routes avec tous les obstacles (et le gars, apparemment, en a eu quelqu'uns assez conséquents), pour parvenir à monter sur les planches pour un revenu parfois bien modeste.

Hadden Sayers chante bien et juste d'une voix rocailleuse, évoquant bien souvent celle de Popa Chubby avec quelques inflexions à la Bill Perry, et maîtrise son jeu de guitare, assez conventionnel mais efficace, d'obédience Texas-blues (avec prédominance Vaughan Brothers – plus Jimmie que Stevie). Son groupe assure impeccablement (avec le tonton qui vient prêter main forte à la basse et au Fender Rhodes), malgré un batteur un peu raide. Malgré les treize titres (50 mn.), ça s'écoute avec plaisir et aisément d'une seule traite (malgré le slow-blues s'étirant un petit peu).

Cependant, devant la pluralité des sous-genres abordés, on se demande où se situe la personnalité de Hadden Sayers. Est-ce son caractère qui le pousse à toucher à tout ? Ou est-ce dans le but de séduire le plus grand nombre qu'il joue sur plusieurs tableaux ? Ou encore a-t'il voulu faire un étalage de ses capacités ? Dans un élan de vengeance envers l'adversité de la vie ? Ou tout simplement un passionné avec un gros bagage musical plein à craquer et forcément, dès qu'il a l'opportunité d'enregistrer, cela part dans tous les sens.
Fort heureusement, le son de l'orchestration, et bien évidemment la tonalité de la voix, changent peu (à part pour Back to The Blues avec Foster, Sweet Texas Girl et Money Shot), servant alors de liant à l'ensemble.

« Hard Dollar » est un bon disque agréable à écouter, mais qui pourra rebuter ceux qui préfèrent des disques qui se cantonnent essentiellement à un registre identique du début à la fin.




  1. Take me back to the Texas - 3:09
  2. All I want is you - 3:33
  3. Back to the Blues - feat. Ruthie Foster - 5:32
  4. Inside out Boogie - 3:29
  5. Lap of luxury - 2:59
  6. Flat black automobile - 2:42
  7. Sweet Texas girls - 4:21
  8. Crush on you - 2:42
  9. Ain't comin' round on more - 3:31
  10. Hippie Get away - 4:01
  11. Burnin' up - 3:55
  12. Room 155 - 7:01
  13. Moneyshot - 4:29 (instrumental)






Autre clip : autre registre


Article initialement paru dans le magazine BCR

mardi 28 août 2012

ROCK EN SEINE - EDITION 2012, samedi 25/08, par Luc B.



Le festival Rock en Seine fête cette année ses 10 ans d’existence. Il a lieu dans le parc de Saint Cloud, à la limite ouest de Paris, pas loin des bords de Seine. Un espace de je ne sais combien d’hectares, plutôt bien aménagé. On ne fait pas la queue pour entrer. Seulement pour aller pisser. Quatre scènes, la grande, la moyenne, et deux plus petites, mais tout de même impressionnantes. Le principe du festival, faire tourner les artistes d’une scène à l’autre, si possible sans qu’aucun ne se chevauche, en tout cas parmi les têtes d’affiche. Cette année, sur trois jours, le festival aura accueilli 110 000 spectateurs. Le DEBLOCNOT s'est fendu de deux euros pour me payer le ticksson de tramway, ensuite il suffit de dire qu'on est pote à Bruno, et on passe l'entrée direct !  

A 19h, c’est un trio BASS DRUM OF DEATH (non, on ne rigole pas, c’est leur nom…) originaire d’Oxford, Mississippi, qui investit une des petites scènes, avec leur…  avec leur quoi ?... Leur heavy grunge punk métal ? On va dire ça. Pour faire simple, un truc qui crache, qui dépote, fait du bruit. Un album au compteur, précédé de deux mini EP. Des jeunots, chemise à carreaux et jeans déchirés aux genoux, cheveux longs qui ondulent, tournoient ou se secouent. La basse semble jouée au médiator, pédale fuzz à fond... mais non, il y a six cordes... donc le groupe aligne seulement deux guitares, l'une faisant office de basse, ultra saturée. Au centre, un batteur qui maltraite ses fûts sans une once de subtilité. Les titres ne dépassent pas 2’15, pas de chorus, sur des tempos quasi identiques. Réjouissant de voir des jeunes gars monter sur scène balancer les watts, mais bon, au bout d’un moment, l’exercice est un peu vain, mis à part un ou deux titres plus construits, avec un semblant de ligne mélodique, le chant, très primaire, suit la ligne rythmique et point barre. Par contre, entre deux chansons, les mecs, faites gaffe aux larsens, c’est insupportable !!!

Au même moment, sur une scène plus grande, le quintet australien THE TEMPER TRAP fait le show devant un public acquis. Je n’ai le temps que pour les deux derniers morceaux, entre pop/rock lyrique, mélodique, saupoudré de gimmicks électroniques. Plus chevronné, le groupe montre une réelle maîtrise scénique. Mais la foule se disperse déjà, pour rejoindre la scène principale, où on attend Noel Gallagher.

On se souvient que, il y a deux ans, c’est à ce même festival, 5 minutes avant de monter sur scène, que les frangins Noel et Liam Gallagher s’étaient envoyés à la gueule tout ce que leur loge comprenait d'objets lourds et susceptibles de faire mal. Signant ainsi officiellement la fin du groupe OASIS. Noel, le guitariste et compositeur, a reformé un groupe : THE HIGH FLYING BIRDS : basse, guitare, batterie et claviers. Autrement dit, du OASIS bis. Le son est fort, mais étonnamment bon. Noel Gallagher est ombrageux quand il chante, on dirait qu’il souffre. Quelques mots au public, mais pas trop, le temps de demander si jusqu’à présent, sa prestation est la meilleure du festival… Les musiciens qui l’accompagnent sont discrets, à leurs places, mais pros, mention pour le clavier, et le batteur (Jeremy Stacey, ex de chez Joe Cocker), tunique blanche et chapeau melon noir comme les Droogs d’ORANGE MECANIQUE. Le Gallagher il est doué. A chaque intro on se dit qu’il nous rejoue le même morceau pour la centième fois (au choix ballade folkeuse et swinguante, ou pop plombée sur tempo médium), et en fait non, il arrive toujours à nous renvoyer ailleurs, à développer le, morceau quand il faut. Sa pop lyrique et volontiers planante, nous transporte. Dommage que le festival contraigne les artistes à des prestations courtes (1 heure) parce que plus d’une fois, Gallagher conclut un titre en nous laissant un peu sur notre faim, pas de chorus, des formats plutôt courts. Si les compos et l’exécution restent très pro, je regrette toutefois un manque d’implication, d'énergie, bref, de rock. La Ricoré, c'est 60% chicorée et 40% café. La Nescoré, c'est l'inverse, 60% café. Ben Gallagher c'est 60% pop et 40% rock. Faudrait juste inverser ! Parce qu'à un moment, faut que ça pulse, que ça s’énerve, que ça s'arrête de ronronner. Et puis Noel Gallagher, s’il a progressé au chant, reste assez limité. Les crispations de son visage traduisent aussi sa difficulté à chanter. Son bassiste/choriste gagnerait à l'épauler davantage. Pourtant, sur les reprises d’OASIS « Whatever » et « Don't Look Back in Anger », jouées en dernier, il ne s’en sort pas si mal. Même, son chant est moins maniéré que celui de Liam. Bonne prestation, mais côté communication et proximité, peut mieux faire ! 

Bon, c’est pas le tout, mais on écluse, et on ne mange pas. Donc, une pause, alors que derrière un bouquet d’arbres, EAGLES OF DEATH METAL (on ne rigole toujours pas, c’est leur nom…) balance un rock musclé, stoner et stonien sur les bords (le titre que j’entends reprend le riff de « Satisfaction »), pas plus métal que vous et moi, mais sacrément burné ! Le groupe est formé autour de Josh Homme, leader des QUEENS OF THE STONE AGE, et Jesse Hughes, dont le surnom scénique est Boots Electric or the Devil ! Ils ont digéré leur Chuck Berry à coup de rasade de Blue Cheer et MC5 passé à la forge ! Je n'ai pas eu l'occasion de voir, juste d'entendre, et ça sonnait sacrément bien. D'ailleurs, je vous propose une vidéo à la fin, ça donne une idée de l'ambiance... Le chanteur s'est fait la tête de Duane Allman, étonnant !!! Cette année, il avait les cheveux courts. 


Pas le temps d'aller y voir, car les filles se pressent (donc je les suis…) vers le petit prodige du moment, Ed Sheeran, seul sur scène avec sa guitare. Las, quand j’arrive (on ne peut pas être partout) c’est le dernier morceau, sur lequel le chérubin demande au public d’allumer les briquets (ou au choix son téléphone portable... arrfff). Ca existe encore ça ? Tout le monde se pâme. Je reste coi, devant ce James Blunt blond, bon guitariste, mais donc la folk-pop très acidulée a sur moi le même effet que le cidre brut : ça me fait chier. (J’adore cette réplique, pas très fine je vous l'accorde, entendue lors d’une dramatique radio sur France Inter il y a des lustres, prononcée par Claude Piéplu !). On dira que je suis de mauvaise foi, car je n'ai entendu les titres d'avant ! Pas faux...

Il est temps de reprendre son périple, retour à la grande scène avec THE BLACK KEYS, duo de l’Ohio qui pour l’occasion était quatre sur scène. D’ailleurs, petit coup de gueule : pourquoi laisser dans l’ombre les accompagnateurs (un bassiste, un guitare/claviers) aussi méritant que le duo star ? La musique de THE BLACK KEYS, j’aime bien. Elle puise partout, depuis le blues originel jusqu’au Garage Band des 60's, heavy rock 70’s, de Cochran, aux Kinks, bref, un peu tout ! A ma gauche sur la scène, Patrick Carne à la batterie, jeu rudimentaire mais efficace, en adéquation avec son partenaire, Dan Auerbach, au chant et à la guitare. [ ce même Auerbach qui a produit le dernier CD de Dr John...]. Ce type abat 80% du boulot ! Incroyable ! Il saute partout, assure la rythmique et les chorus. Plusieurs titres ne sont exécutés qu’à deux, et c’est assez impressionnant. Riffs plombés zeppeliniens, mélodie pop, gémissements de vieux bluesmen du Sud, plus d’une fois, THE BLACK KEYS ont produit de l’excellent rock’n’roll, option gros son. Je regrette juste le format des morceaux, trop court, qui s’arrêtent quand la mayonnaise prend. Et des pauses trop longues entre chaque morceaux, la pression retombe, le spectacle est haché, dommage, car l’énergie est bien là, c’est brut, sauvage, assez virtuose, les compositions sont très bonnes. Une d’elles (je n’ai pas le titre) est pourtant une réplique quasi exacte de « Cannonbal » des Breeders… Nul n’y a à redire ? Une heure de show, conclu sur le tube « Lonely Boy », petite tuerie qui comble les fans. 

Changement de boutique, mais avant, une petite pause dans une sorte de guinguette, c’est qui fait soif. A la table, un sosie de Raymond Devos, 60 balais, écossais, complètement barré, est fier de me dire que pour sa venue en France, il lit un roman de Simenon ! (un Maigret). On discute, on trinque (on ne dit pas « cheers », ça c’est chez ces connards d’anglais, moi je viens d’Ecosse !). Sur la table, sa petite pipe à chichon pliable, et hop, tiens mon pote, un remontant ! Il a vu Dylan à Glasgow en 1965, avant le passage à l’électrique. Un vrai phénomène. Pas Dylan. L’écossais ! A ses côtés arrive sa fille, un peu désolée pour son paternel… Il n’est pas dans son état normal… J’avais remarqué ! C’est ce qu’il me fallait avant d’aborder la dernière scène de la soirée, DJ Agoria. 

Je cite le dossier de presse : « un des DJ les plus visionnaires de sa génération, et créateur du très pointu label Infiné. Virtuose du rythme techno, maître du beat qui claque ». Vous pensez bien qu'avec un CV pareil, j'allais pas rater ça... puisque je suis sur place… Avec ce qu’on s’est mis dans le cornet, avec l’écossais, je pensais être prêt à tout ! Erreur fatale ! Déjà, à l’approche, c’est le sol qui tremble. Les vers de terre sont génocidés, les taupes parkinsonnées. Une fois dans le bain, une torture. Les basses et le fameux beat du maître produisent sur moi des centaines de mini tsunamis, j’ai les entrailles en transe. Physiquement, ce n’est pas supportable. DJ Agoria est seul derrière ses machines (pas des platines pour faire scratch scratch, juste une boite avec trois boutons), en haut d’un édifice décoré aux néons, pompeux, et derrière, trois écrans avec projection vidéo, comme les light-show de San Francisco en 1965, sauf qu’il manque les GRATEFUL DEAD… Bon, la techno, vous vous en doutez, ce n’est pas ma bibine, mais si un type est capable de me faire voyager, de me transporter, pourquoi pas. Là, rien. Les pieds restent au sol. Même moi je suis capable de dire que c’est de la House Music au rabais, les trucs qu’on entendait déjà y’a 20 ans. Qu’il n’y ait pas de musicos sur scène, soit, je peux comprendre, mais qu’il y ait au moins de la matière, une création, un truc… Là, rien. Il est temps de rejoindre le tramway, back to Paris, avant que le gros de la foule ne débarque. C'est pratique ce tramway, mais y'a 4 sièges par wagon...    

Pas mécontent de ma petite soirée, le festival est vraiment sympa, beaucoup d’attractions en dehors des concerts, ambiance un peu bobo, parisienne, public 30-40 ans, des gamins qui trainent (y’a même une garderie !), des rencontres, discussions improvisées autour d’une chope "attends, ils étaient géniaux", "ah non, trop nuls", "ils étaient mieux en 2010", "ah non, en 2011", "à Belfort c'est plus cool", "les Vieilles Charrues c'est plus rock", "tu me tiens mon verre, je vais pisser" (je pense que c'est la réplique qu'on entend le plus là bas !…). Le seul souci, c’est que l’organisation même du festival oblige les artistes à conclure en une heure. Green Day le lendemain a eu droit à deux heures. Donc, des prestations courtes, forcément calibrées, où on aligne les titres, le dernier album et deux vieilleries, sans avoir réellement la possibilité de tout donner. Un peu frustrant en définitive, mais ça a le mérite de donner envie d’aller revoir l’artiste dans un autre environnement.   

EAGLES OF DEATH METAL enregistré à Rock en Seine... en 2009. 



Et THE BLACK KEYS, plus sages car filmés à la TV, dans "Lonely Boy".