dimanche 10 février 2013

GILLIAN FLYNN "LES APPARENCES" (2012) par Elodie



Ce que j’aime dans les polars (au sens large du terme, enquêtes, thrillers, suspense,  qu’ils soient gore ou à l’ambiance feutrée), c’est qu’on se retrouve vite happé par l’intrigue, que les pages se tournent les unes après les autres sans qu’on s’en aperçoive, et qu’on a rarement de relire 3 fois la même phrase pour comprendre réellement ce que l’auteur veut nous dire.

Ce que je n’aime pas dans les polars, c’est que l’écriture pour être efficace est souvent assez pauvre, que la trame est toujours la même, qu’on devine généralement la fin en éliminant simplement les coupables les plus probables  et que bien souvent on a l’impression de regarder une série TV. Pas forcément une mauvaise série, mais bon, pas de celles qui laisse des souvenirs impérissables non plus.

Finalement on finit par lire toujours un peu la même chose, quand on ne se limite pas aux mêmes auteurs, et à leurs flics ou enquêteurs récurrents. Parce que les polars qui nous surprennent, ceux qui nous marquent, ils se comptent sur les doigts d’une main. Les éditeurs ont beau nous appâter à coup de 4èmes de couverture alléchantes, truffées de commentaires dithyrambiques d’autres auteurs de thriller, il y a souvent un je ne sais quoi de décevant dans le roman : soit l’auteur en fait trop, soit la fin est ratée, soit l’intrigue est cousue de fil blanc, soit les personnages ne tiennent pas la route...

He bien là, non ! Pas un regret, pas un « dommage que... », pas un « mouais, ça commençait si bien ». Rien de tout ça. C’est même plutôt le contraire. Parce qu’au départ, LES APPARENCES ne paraît pas différent d’un Harlan Coben. Certes, on est tout de suite pris dans l’histoire, mais côté efficacité, Harlan Coben, sait aussi très bien y faire. Et en matière d’intrigue, le point de départ des APPARENCES n’annonce rien de très original.

Carthage, Missouri
Tout commence avec la disparition inexpliquée d’Amy Dunne le jour de son 5ème anniversaire de mariage. Si Nick et Amy forment un couple parfait, les premiers points de l’enquête semblent montrer que le couple n’était pas si parfait que ça. Impression encore renforcée par l’alternance du récit de Nick qui s’adresse directement au lecteur, et du journal intime d’Amy, les deux points de vue révélant une vérité partiale et contradictoire de leur couple.

Jusque-là, un thriller on ne peut plus banal en apparence. Sauf que très vite, on sent bien que l’auteur va aller au-delà. Impression confirmée quand  la première partie se conclut sur un rebondissement magistral, qui fait prendre à l’intrigue une autre direction. Au fur et à mesure de la lecture, les coups de théâtre se multiplient, mais contrairement à d’autres polars, les retournements de situation ne portent pas sur le coupable, mais sur le comment et le pourquoi de l’intrigue, et finissent même par faire glisser le roman de thriller à l’étude de mœurs.  C’est d’ailleurs la principale critique que peuvent lui faire ses détracteurs : d’avoir été bernés et de ne pas y trouver un simple polar.

Gillian Flynn est une manipulatrice. Dans ce roman, le 3ème qu’elle a publié, l’auteure américaine joue avec nos nerfs mais aussi avec nos sentiments en faisant sans cesse basculer notre sympathie pour les différents protagonistes  de l’histoire, et s’amuse à nous révéler leurs forces,  leurs fêlures  et leurs mensonges au gré des pages. Derrière les apparences (le titre français est tellement bien trouvé !), elle dissimule une vision cynique du couple et de la société américaine en pleine crise qu’elle dépeint avec une écriture précise et parfaitement maitrisée. Il y a du médecin légiste en elle, sauf que c’est la vie conjugale qu’elle autopsie pour nous montrer sous la pointe de son scalpel la noirceur de ses entrailles. Sous ses airs de thriller gentillet aux personnages stéréotypés et sans le moindre bain de sang, son roman a une face sombre, machiavélique, et on referme le livre plus déstabilisé que jamais par un final particulièrement troublant et surprenant.

LES APPARENCES (2012), Sonatine, 573 pages

2 commentaires:

  1. Lu avec intérêt cette petite chronique. Toujours à la recherche de nouveaux auteurs, je vais essayer cette Gillian Flynn que je ne connais point. Lorsque j'en aurais terminé avec le pavé de Karine Giebel "Meurtres pour rédemption", un thriller (francais) absolument remarquable, mais je serais tenté de dire que Karine Giebel est remarquable.
    A propos de disparition inexpliquée...je viens de finir "Cette nuit là" de Linwood Barclay, excellent! Amicalement JP.

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  2. Super, je note de mon côté ces deux auteurs que je ne connais pas. Si je les lis (ce n’est pas que je ne veux pas, mais que ma pile de livres à lire menace de s'écrouler vu sa hauteur), je ferai une chronique dessus.

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