vendredi 23 août 2013

MUD de Jeff Nichols (2013) par Luc B.


Jeff Nichols est comme qui dirait un jeune réalisateur (34 ans) à suivre de près. Il a commencé par un documentaire sur le chanteur folk Townes Van Zandt, puis s’est lancé dans la fiction. Après le très remarqué TAKE SHELTER en 2011, MUD est son troisième long métrage. A noter que l’acteur Michael Shannon est à chaque fois présent dans ses distributions. Les thèmes abordés par Nichols tournent autour de la famille, de son pays, et très ancrés dans les espaces, la nature. Les influences de Terrence Malick sont plus que palpables… MUD ne fait pas exception à la règle.

Reese Whitherspoon dirigée par Jeff Nichols
L’action se déroule sur les rives du Mississippi. Deux ados, Ellis et Neckbone, découvrent une île qui devient leur terrain de jeu, et dans les arbres, un bateau suspendu. Etrange. Ils y grimpent, découvrent que quelqu’un y habite puisque des boites de conserves et des paquets de biscuits y  ont été récemment entamés. Et ils tombent sur un type, qui se fait appeler Mud. Ils auront la confirmation plus tard qu’il se planque, recherché par la police. Les deux gamins, fascinés par cet aventurier romantique, acceptent de ne pas trahir sa présence, et de l’aider à fuir. 

Le film est écrit du point de vue des ados, particulièrement Ellis. Le réalisateur s’attache à son univers. Son pote d’abord, sorte de frère de sang, fidèle à la vie, à la mort. Sa famille, qui se délite. Un père peu bavard, dur, mais aimant, et une mère qui est en train de faire ses valises. Ellis supporte mal de voir son père humilié, la figure paternelle en prend un coup dans l’aile. Première déception. 


Et puis il y a ses amours, et cette fille plus âgée, Mary Pearl, qu’il a sortie d’un mauvais pas en donnant du coup de poing. Chevaleresque. Elle lui donnera un baiser. Il croira dur comme fer qu’ils sont donc officiellement fiancés.  Là encore, il sera déçu. Mary Pearl : un double prénom, comme sa mère, Mary Lee.  Son père y verra un signe.

Matthew McConaughey
Et puis il y a Mud, son nouveau héros. Un type séduisant, très amoureux d’une fille qu’il recherche, qui lui avait sauvé la vie (morsure de serpent). Alors oui, il a tué un mec. Mais bon, c’était par amour, donc ça ne compte pas… Et v’là t’y pas que dans le bled, débarque une fille, blonde bimbo, marquée par les coups durs de la vie, elle s’appelle Juniper, et correspond à la description que Mud en a faite. Les gamins vont donc servir d’intermédiaire entre Juniper et Mud, arranger le coup, qu’ils puissent s’enfuir à deux, avec le bateau remis à flot. Pour ça, Ellis va devoir s’investir, trahir la confiance des uns pour gagner celle des autres. Et ça se complique. Juniper est surveillée par un gars, plutôt violent, qui cherche Mud et pas pour faire causette. En fait, c’est toute une bande de types pas clairs, armés jusqu’aux dents, qui sont à ses trousses.

MUD est au confluent (du Mississippi, on l’a dit !) de trois genres. L’étude de caractère, le film contemplatif à la Malick, et le polar, en fin de récit. Au départ, j’ai failli y emmener mes gamins, pensant qu’ils y verraient un conte initiatique à la Hucleberry Finn, de Mark Twain. Y’a de ça, mais pas que. Le début est énigmatique, les scènes s’enchainent rapidement, pas de temps mort, des images superbes, un rendu réaliste. Rarement j'ai vu un film qui vous accrochait aussi vite, avec pourtant trois fois rien. On est dans le bain immédiatement. J'aime les films américains d'atmosphère rurale, petit bled, vieux pick-up, gens pas causant, deux regards, un geste, on ne s'éparpille pas.


Le personnage de Mud fascine, mais inquiète tout de même, pas franc du collier, il raconte ce qu’il veut bien dire, les gamins y croient. Nous, on se méfie tout de même un peu. Comme dans LES CONTREBANDIERS DE MOONFLEET, de Fritz Lang, avec le gamin qui admire Stewart Granger, en réalité un pirate sans scrupule.

Sam Sheppard et Tye Sheridan
C’est tout l’univers du gamin qui va sombrer. Le monde des enfants et des adultes n’est décidément pas le même. Sortir de l’un pour entrer dans l’autre n’est pas facile. Et puis sur la fin, les choses vont s’accélérer. Un évènement fait que Mud doit sortir de sa cachette, et rapidement, c’est l’enchainement. Il est repéré par ses poursuivants. On vire au thriller, mais toujours avec une économie de moyen. Ca flingue sec, mais ça flingue juste ! Pas d’esbroufe.

MUD est très bien interprété. D’abord par Tye Sheridan, le jeune héros, précédemment vu dans THE TREE OF LIFE (de Terrence Malick, tiens, tiens…). Mud est joué par Matthew McConaughey, et son physique de surfer buriné, plus habitué des pages people que des plateaux de cinéma, mais qui en quelques films (LA DEFENSE LINCOLN, KILLER JOE) à prouver qu’il pouvait endosser de beaux rôles dramatiques. Reese Whitherspoon fragile et cabossée, Michael Shannon en oncle scaphandrier, et Sam Sheppard (dramaturge, scénariste, grande figure et belle gueule, et vu dans LES MOISSONS DU CIEL (de Terrence Malick, tiens, tiens…) énigmatique voisin doué pour la gâchette…

MUD a été salué par à peu près tout le monde à sa sortie. C’est effectivement un très beau film, original, prenant, formidablement mis en scène, bien que le rythme ne soit pas toujours tenu comme il faudrait (130 minutes, 15 de trop ?), que je ne saurais trop vous recommander. 


MUD de Jeff Nichols (2013)
Couleur  -  2h10  -  format scope 2:35



3 commentaires:

  1. Oui, plein de bonnes critiques pour ce film ... j'avais vu Take Shelter, vraiment bon également, mais j'y avais pas trouvé grand chose qui ressemble à du Malick ...

    34 ans, deux bons films, s'il continue comme ça, dans dix ans on va lui filer 3 milliards de dollars pour tourner The return of Batman begins ...

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  2. La bande annonce est séduisante.

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  3. HRT, ouais, pour une fois, c'est une bande annonce qui m'avait marquée, donnait envie, et qui est un juste reflet du film.

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