mardi 8 octobre 2013

R.I.P. PATRICE CHÉREAU (1944 - 2013)



Patrice Chereau est décédé lundi 7 octobre. L’acteur, le réalisateur, le scénariste, le metteur en scène de théâtre et d’opéra est mort des suites d'une longue maladie. Mot pudique pour cacher le mot cancer. Il avait 68 ans.
Issu d’une famille de parents peintres, il est baigné dans la culture dès sa prime jeunesse. Sa maîtrise du dessin l’aidera plus tard pour élaborer les décors et les costumes de ses mises en scène théâtrales.

C’est en 1964 qu’il montera sa première pièce au sein du lycée Louis-le-Grand. 44 pièces montées par ses soins, et pas des moindres, de "Don Juan" de Molière à "Richard II" et "Hamlet" de Shakespeare, "Peer Gynt" d’Ibsen et "Phèdre" de Racine. il mettra en scène aussi des opéras comme "Lulu" et "Wozzeck" d’Alban Berg, "Don Giovanni" et "Cosi Fan Tutte" de Mozart en passant par Rossini, Wagner, Offenbach, Berg, Janacek et jusqu'à cette année encore, avec "Elektra" de Richard Strauss. Donné au festival d'Aix en Provence, c'est une réussite musicale et scénique totale pour l'œuvre hystérique de Richard Strauss à quelques semaines de sa disparition.
Il fut aussi le réalisateur de 11 films. Le premier, "La chair de l’orchidée" avec Charlotte Rampling en 1974, est une adaptation du fameux polar de James Hadley Chase, une orchidée bien vénéneuse... Il met en scène rien de moins que Simone Signoret dans son deuxième film "Judith Therpauve" en 1978. Son film le plus célèbre à ce jour auprès du grand public "La reine Margot" avec une Isabelle Adjani hallucinée et hallucinante en 1994. Et il fera un film en 1983 avec Jean Hugues Anglade qui fera date dans le cinéma Français : "L’homme Blessé". L’histoire d’un adolescent qui croisera sur le chemin du hasard un homme lié à la prostitution. Le jeune se prostituera pour gagner l’amour de cette homme.
Patrice Chéreau était homosexuel et ne s’en était jamais caché. Chereau, en bon homme de troupe, aimera s'entourer des mêmes comédiens, souvent, comme Pascal Gréggory, qui faisait partie de la prestigieuse distribution de "Ceux qui m'aiment prendront le train" (quel beau titre !) en 1998. Mention spéciale aussi pour le sanguin "Intimité" (2000) tourné en langue anglaise, et qui, longtemps avant "la Vie d'Adèle" montrait des corps qui s'aimaient furieusement, chassé-croisés sexuels d'une très grande intensité, sans fausse pudeur (et à ma connaissance, les comédiens réellement mis à nu ne s'en étaient jamais plaint...). Ses films gardent un lien très théâtral, en concentrant dans des lieux uniques, clos, de grandes séquences.
Comme acteur, on pourra le voir dans le "Danton" de Wajda dans le rôle de Camille Desmoulin ou encore dans "Le dernier des mohicans" de Michael Mann, ou "Lucie Aubrac" de Claude Berri.
Quatre nominations au César, deux gagnés. Un prix du jury à Cannes. Un ours d’or et un autre d’argent à Berlin. Etoile d’or du réalisateur. Prix Louis Delluc, plus 7 prix au théâtre entre la mise en scène et le spectacle. Nous venons de perdre l’un des plus grands metteurs en scène au monde.
Quelques vidéos :
1 - La bande annonce de la Reine Margot. Et toujours ce goût pour les musiques les plus prenantes. C'est le dramatique adagio de la symphonie Pathétique de Tchaïkovski qui illustre la fin de de la vidéo.
2 - Témoignage de Claude Toon : En 1976, Pierre Boulez demande à Patrice Chéreau, jeune metteur en scène de 30 ans, d'assurer au "temple wagnérien" de Bayreuth la mise en scène du Ring (l'anneau du Nibelung). 4 opéras en sont les 4 épisodes, 12 heures de musique et de théâtre. Le soir de la première de l'or du Rhin (le 1er épisode), je suis en direct en Bavière avec mon tuner … La musique commence… sublime Boulez… Soudain sifflement et agitation dans la salle !! Chéreau a eu l'idée d'habiller les "trois filles du Rhin" qui apparaissent après l'ouverture en femmes de petites vertus arpentant une espèce de barrage… décolletés provocants, pelotage collectif et au sol entre les 3 filles et le nain Mime qui vient voler l'or magique, etc. On n'avait jamais osé en un siècle une telle provocation dans le lieu "sacré" (Vidéo 2).
Plus fort… Le spectacle est donné sur un  cycle de cinq ans. Le public s'habitue et se calme, les peaux de bêtes ridicules ont disparu. Grâce à Chéreau, Wagner ne sera jamais vieillot mais devient moderne. 1978, le soirée Crépuscule des Dieux (4h00). Siegfried est aphone ! Il n'y a pas de doublure à Bayreuth. Un autre chanteur connaît le rôle chanté mais pas la prestation scénique. Chéreau va mimer le rôle pendant quatre heures en suivant le chanteur placé en coulisse. Il connaît le livret allemand par cœur et est suffisamment beau gosse pour jouer à merveille le héros. Vous en connaissez beaucoup des artistes qui savent improviser ainsi ?? (Désolé si j'écorne quelques détails… 35 ans ont passé…)


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