vendredi 29 novembre 2013

"GLACÉ" de Bernard Minier (2011) par Luc B.



Dans la série du bon p’tit polar franchement bien foutu, le candidat du jour est GLACÉ de Bernard Minier. L’auteur, m’apprend sa fiche Wiki, a travaillé dans l’administration des douanes, dans les Pyrénées. GLACÉ est son premier roman, paru en 2011.

L’action se situe justement dans les Pyrénées, près de Saint Martin, un bled perdu dans une vallée encaissée, battue par le vent et les bourrasques de neige. La Procureur du coin fait appel à un grand flic de Toulouse, Servaz, pour enquêter sur la mort d’un cheval, retrouvé dépecé et fixé à un pylone d’une centrale hydroélectrique. Le tout planté en haut d’un pic uniquement accessible par téléphérique. Le cheval, et la centrale, appartiennent à Eric Lombard, PDG d’une multinationale cotée au CAC 40. Un homme écouté dans les cabinets ministériels. Servaz et la lieutenant de gendarmerie Ziegler se mettent sur cette mystérieuse et délicate affaire.

Au même moment, le docteur Diane Berg, venue de Suisse, arrive à Saint Martin pour prendre le poste de chef-psychiatre à l’Institut Wargnier, qui gardent enfermés sous haute surveillance les psychopathes et criminels les plus dangereux qui soient. Parmi eux, Julian Hirtmann, un compatriote suisse, ancien procureur et terrible prédateur. Les pensionnaires de l’Institut sont-ils liés à l’affaire du cheval ? Un d’entre eux arrive-t-il à sortir, à défier le système de sécurité réputé inviolable, ou bénéficie-t-il d’une complicité ? Diane Berg sent rapidement que quelque chose ne tourne pas rond dans cet institut, la froideur du docteur Xavier, le directeur, ou l’autoritaire infirmière-chef Elisabeth, sans compter ces étranges allées et venues la nuit dans les couloirs…

Pour Servaz aussi il convient de rendre visite au docteur Xavier, de rencontrer certains de ses patients, Julian Hirtmann en priorité, dont on vient de retrouver l’ADN à l’intérieur du téléphérique de la centrale. Sauf qu’un second cadavre vient chambouler le programme, celui du pharmacien de Saint Martin, retrouvé pendu à un pont, seulement vêtu d’une cape et de bottes noires…

La grande qualité du bouquin, et de Bernard Minier, et de savoir mener les différentes pistes de l’enquête, leur donner autant d’importance et de place dans le récit, en restant clair. Il y a beaucoup d’intervenants chez les enquêteurs, Servaz et son équipe, les gendarmes, leurs hiérarchies respectives, mais aussi le juge d’instruction, la procureur, et Gabriel Saint-Cyr, ancien juge du coin à la retraite, qui a gardé ses contacts,  ses dossiers bien archivés, et ses secrets... Il y en a autant chez les suspects, Lombard et ses employés, le personnel et les pensionnaires de l’institut. Et comme l’intrigue va prendre des tours imprévus, c’est autant de personnages de plus, sur lesquels Servaz devra enquêter.

Car l’enquête évolue vite. On trouve des éléments, on interroge, on recoupe, et Servaz se rend compte que l’affaire prend un tournant. On quitte le thriller type sérial killer classique pour une enquête dans le passé et les secrets de Saint Martin. Ce qui ressemble à plusieurs affaires sans point commun, sont-elles au contraire liées par de sombres histoires inavouables ?  

GLACÉ bénéficie d’une entrée en matière assez efficace. Bernard Minier brosse plutôt bien le déploiement de l’enquête, tout en s’attachant à ses personnages. Ils gagnent en épaisseur et en mystère au fur et à mesure puisqu’en parallèle de l’enquête policière, il est souvent question de leurs relations personnelles. La fin réserve d’ailleurs une belle surprise, plutôt cocasse. Mais c’est évidemment sur le rythme qu’on va juger ce livre, la manière dont est mené le récit. Il y a un petit temps de chauffe au début, notamment l’arrivée de Diane Berg, un peu longuette, et sans doute l’institut et ses mystères ne sont pas assez exploités, et plus tôt. Minier aime aussi à décrire la nature, les conditions climatiques, son décor. Ce qui rajoute parfois à la longueur.

Mais ça ne dure pas, et rapidement Minier déroule son récit et ses rebondissements, et le lecteur, qui n’en sait pas plus que Servaz, se prend au jeu, ne lâche plus le bouquin, se casse la tête pour démêler le vrai du faux. Et quand on pense avoir compris, Minier brouille les pistes et relance son intrigue, changeant encore le point de vue sur l’affaire. J’y ai retrouvé un peu l’ambiance de John Harvey (créateur du personnage de flic Resnick), avec aussi du Michael Connelly (LE POETE, LA DEFENSE LINCOLN) pour l’aspect judiciaire, technique, d’autant que Servaz tient parfois un peu de Harry Bosch, le tout saupoudré de Thomas Harris (DRAGON ROUGE, LE SILENCE DES AGNEAUX). Mais Bernard Minier ne parvient pas à faire de Julian Hirtmann le semblable d’Hannibal Lecter…  

Le style est tout de même mieux travaillé que chez Franck Thilliez (qui a dit : c’est pas bien compliqué ?!!) sans trop d'effet de manche, mais une propension parfois à se regarder écrire, là où on aurait pu resserrer les boulons. La lecture est agréable, l’histoire vraiment prenante, fouillée, dense, sans remplissage, y’a vraiment de la matière, on en a pour ses 720 pages !!  







PS : on vous a parlé trois fois des romans policier de Pierre Lemaître (voir la rubrique "livre"), ce même Lemaître qui vient de décrocher le Goncourt pour son dernier roman. On ne s'était pas trompé sur l'avenir littéraire de cet auteur...


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