mardi 3 décembre 2013

BERNARD LAVILLIERS "BARON SAMEDI"

Je suis gâté, c'est Noël avant l'heure! 15 jours après le dernier Eddy Mitchell, voila dans ma boite aux lettres le petit dernier d'un autre de mes héros de jeunesse, Nanard le Stéphanois, le baroudeur aux gros bras. Plus de 35 ans que je le suis -put***, ça me rajeunit pas!, et lui non plus d'ailleurs (67 ans)!)- depuis "15eme round" (1977). Lavilliers on accroche ou pas, on rentre dans son monde "j'ai connu l'amour dans un bordel de Caracas dans les bras d'une métisse sauvage après avoir chevauché dans le désert brulant aux cotés des guérilleros" ou on y est allergique. Ben moi j'suis client, même si parfois il en a fait un peu trop dans le bling bling, les gros bras et l'exotisme. Tout ce bazar, ce folklore de baroudeur, d'ancien boxeur, d'insoumis, de mauvais garçon a beau être enjolivé -on le sait maintenant, voir le livre de Michel Kemper "Les vies liées de Lavilliers"- j'ai  envie d'y croire, pour ne pas briser mes rêves adolescents; et puis au fond y'a pas mort d'homme et il n'en demeure pas moins une œuvre riche dans laquelle je me replonge régulièrement. Et puis "si la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende" ( "L’Homme qui tua Liberty Valance" de John Ford).

 Si je devais faire mon Top 5 parmi ses 20 albums studio (+ 6 live) mon choix serait 1 O'Gringo 2 13eme round 3 Les poètes 4 le Stephanois 5 Nuit d'amour ...Et même dans les albums plus moyens il y a toujours une ou deux perles de "Fortaleza" à "L'or des fous".
Oui, au fond une question? Pourquoi j'aime Lavilliers? Déjà le coté engagé, contestataire, anar, dans la tradition de son modèle Léo Ferré, ensuite des chansons qui font voyager, écouter Lavilliers c'est s'évader direction la Jamaique, le Brésil, l'Afrique, des bas fonds de New York aux ruelles sombres de Kingston en passant par les déserts du Sertao, par les textes mais aussi les musiques, reggae, samba, salsa, bossa nova, rythmes latino, africains etc, avec souvent des invités qu'il a contribué à faire connaitre en France comme les magnifiques chanteuses Cesaria Evora (Cap Vert) ou Nazaré Pereira (Brésil) ou encore le percussionniste portoricain Ray Barreto. J'aime aussi son coté rock, hé oui Lavilliers ça a parfois envoyé du lourd, le Lavilliers rock c'est même celui que je préfère (Les Poètes, Rock city, Traffic..) mais c'était le Lavilliers d'une autre époque.
Ensuite, son amour des poètes, -qui d'autres les a autant adapté? Aragon, Villon, Vian, Ferré, Cendrars, Apollinaire, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Prévert et j'en oublie- et la tendresse et la sensibilité qui perçent parfois sous la carapace de gros dur avec de magnifiques chansons à faire pleurer le plus endurci des crocodiles . Tout ce mélange unique c'est ça Nanard et je fais mon coming out, j'adore ce type. Voila, c'est dit, vous pouvez sourire je m'en fiche.

Ceci étant dit, il est temps de poser une oreille sur ce nouvel opus, inspiré en partie par un voyage à Haïti à la rencontre de ses amis artistes de là bas après le séisme de 2010.
"Scorpion" ("Tu es comme le scorpion mon frère") est une belle adaptation d'un poème de Nazim Hikmet (poète turc 1903-1963) "la plus drôle des créatures" , l'homme bien sur, c'est assez sombre et lancinant, beat minimaliste rythmé par le celesta (instru de percussions à clavier) , percé de quelques notes de guitare acoustique et banjo, soutenu d'arrangements de cordes.
Des cordes qui seront encore très présentes dans "Vivre encore", sombre aussi mais message d'espoir, "vivre ou survivre la bataille n'est jamais finie", du pur Nanard.
"Jack" nous fait voyager vers les bords de la Tamise, une inquiétante promenade sur White Chapel à la recherche de Jack L'éventreur, mais c'est aussi  une parabole plus actuelle ( "Quelque chose déconne, pas loin de la couronne, ça vient de la city, du palais aussi(..) il ne tue que des hommes, des banquiers qui bétonnent").
"Y'a pas qu'à New York" cosigné Marc Esteve et Teofilo Chantre (Cap vert) est plus léger, rythme chaloupé latino/ jazzy à la "Pierrot la lame" ou "La salsa", percus et cuivres en avant, musicalement un de mes titres préférés.
Après un hommage à sa mère récemment décédée à 94 ans ("Sans fleurs ni couronne") on retourne à Haïti où plane l'ombre inquiétante du "Baron samedi", figure de la mort dans la tradition vaudou de l'ile ("Baron Samedi noir et blanc me regarde en souriant- j'entends l'appel des tambours-suis je encore mort ou vivant- je n'en sais rien encore"), encore un morceau riche musicalement avec sax, cordes, tambours, percus, et l'occasion d'entendre des instruments peu usités par chez nous comme pandeiro (percussions) ou Berimbau (instrument à corde, ressemble à un arc, Brésil).
Direction La Réunion avec le coloré "Rest' là Maloya" , du poète et musicien réunionnais Alain Peters, (la maloya est une musique de l'ile, descendante des chants d'esclaves et hommage aux ancêtres), avec là encore des instrus inédits (kayanbe, cajon, cavaquinho, banjolin, je vous laisse chercher si vous êtes curieux, je vais pas tout vous mâcher à la fin!).
"Tête chargée"  pose cette question existentielle "Que peut l'art contre la misère noire" (z'avez 3 heures), inspirée par son ami le peintre haïtien Gregory Vorbe. On termine avec le mélancolique "Vague à l’âme" puis "Villa Noailles", cette demeure de Hyères devenue rendez vous des surréalistes (Dali Picasso Bunuel..) dans les années 30 qui voit Lavilliers à la guitare acoustique accompagné du Quatuor Ébène (2 violons 1 alto 1 violoncelle), une pause nostalgique et reposante.

En  bonus "La complainte de Mackie", adaptation de Boris Vian du "Die Moritat von Mackie Messer" (tiré de "l'Opéra de quat'sous"de Bertolt Brecht) ,  qui fut adaptée en anglais pour donner "Mack the knife", devenu le standard du jazz que l'on sait, sublime version d'Ella sur "Ella in Rome" (On en apprend des choses en lisant le Deblocnot, si après ça on n'a pas une subvention du ministère de la culture j'y comprends rien!).

Et en super bonus, un second CD, un seul titre, le poème "Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France"  de Blaise Cendrars, parlé et mis en musique, avec encore le Quatuor Ébène, c'est beau mais c'est long (26mn), franchement je ne l'écouterai pas tous les jours. C'est presque un peu sage, on se prend à rêver de ce qu'auraient pu délirer là dessus les timbrés du Gong par exemple.

Conclusion : Un bon cru,  qui n'entre toutefois pas dans le Top five dont je parlais ci dessus, manque un hit certes mais beaucoup de bonnes choses, de ce que l'on attend en écoutant du Lavilliers, de beaux textes, des poètes, des musiques des iles, des arrangements aux petits oignons (la plupart signées Romain Humeau de Eiffel- d'autres Fred Pallem). Ajoutons que les 2 CD sont présentés dans un mini livre avec photos et paroles, un bel objet ce qui ne gâte rien (ce qui me fait pousser encore une fois ce cri du coeur: "Fuck le téléchargement, légal ou illégal!").

ROCKIN'- JL



5 commentaires:

  1. Big Bad Pete3/12/13 14:40

    J'ai rencontré Lavilliers
    Un soir à Geoffroy Guichard
    Dans l'enfer vert immaculé
    J' lui ai raconté mon histoire
    La chanson s' passe à New York
    Y'a Jimmy qui s' fait flinguer
    Par un black au coin d'un bloc
    Par un flic très singulier
    Il était pas vraiment mort
    Il était blessé seulement
    Jimmy, il est vachement fort
    Il est dealer et on l' dit lent
    Voilà ma chanson mon pote
    Si t'en veux pas, pas d' problème
    Je la remet dans ma culotte
    Allez va dis-moi qu' tu l'aimes
    Ma chanson lui a pas plu
    N'en parlons plus...

    :oD

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  2. Oui mais ça c'est du Renaud BBP.
    On ne me la fait pas à moi... Non mais des fois.

    En Lavilliers j'ai des grandes lacunes, je dois le reconnaître. Mais deux de ses albums m'ont pourtant marqués très fortement. Tout d'abord "Nuit d'amour" (et quelle pochette géniale !). Puis plus tard, vers 1987/88, l'album "If" (si mes souvenirs sont bons) porté par son son tube "On the Road Again".

    Comme toi Rockin, Je l'aime bien aussi ce Stéphanois. Même dans son personnage de baroudeur. Et il a baroudé le coco quand même. C'est pas une invention.

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    1. Moi je dis, un gars qui va régulièrement à la fête de l' Huma, c'est foncièrement à 99, 9 % un bon gars...

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  4. Effectivement un bon album, mais bien loin des sommet de Nanard ("O gringo" "voleur de feu" "Champs du possible"...). Ok "y'a pas qu'à NY" est un très bon titre le meilleur de ce Baron Samedi. Et moi aussi cela plus de trente ans que les chansons du Stéphanois m'accompagne. VU!!

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