vendredi 13 décembre 2013

LES GARCONS ET GUILLAUME, A TABLE ! de Guillaume Gallienne (2013) par Luc B.


Voilà un film qui a bien fonctionné en salle, et c’est tant mieux. Déjà, le Dupontel avait fait son petit succès (relire l'article NEUF MOIS FERME) signe qu’on peut réaliser des comédies disons un peu plus exigeantes que la moyenne, et attirer du monde. Certes, la promo ça aide, et pour ces deux exemples, on a été plutôt bombardé ! On n’atteint pas les scores de INTOUCHABLE, qui dans son genre aussi était réussi. Mais qu’un type qui lit du Marguerite Duras sur France Inter fasse un succès populaire au cinéma, avec scène de doigté anal, ça réconcilie avec le genre humain !

Le type en question, c’est Guillaume Gallienne, de la Comédie Française, qu’on a découvert à la télé au travers de pastilles désopilantes, où il imaginait des bonus DVD de films célèbres, « Les bonus de Guillaume » sur Canal+. Il y faisait notamment une directrice de casting incroyablement vulgaire et détestable. Un régal. Au théâtre, il ne joue pas que le répertoire, il écrit aussi, et crée le spectacle « Les garçons et Guillaume, à table ! » en 2008. Il le jouera trois ans en tournée, et c’est l’adaptation cinéma de la pièce qui nous intéresse aujourd’hui…

Un film hautement autobiographique. Et un sujet pas franchement cadré comédie au premier regard. Le petit Guillaume a deux grands frères, virils et brutaux. Et il a une mère qu’il vénère, et à qui il rêve de ressembler. Le mimétisme est tel, que tout le monde dans la famille le prend pour une fille. Le père a un peu de mal, mais bon… Si c’est une fille, il doit être attiré par les garçons. Mais comme Guillaume est réellement un garçon, s’il aime les garçons, c’est qu’il est homo. Or, Guillaume est tout ce qu’il y a d’hétéro. Pas simple comme situation…

Cette histoire, Guillaume Galliene la traine depuis des lustres, il en fait le terreau de son film. Et a choisi d’en faire une comédie, grinçante et burlesque, lunaire aussi. On pense à Keaton, pour ce visage pâle, un personnage presque cartoonesque, qu’on pourrait voir chez un Black Edwards,(souvenez-vous de VICTOR VICTORIA) chez un Tati, et avec cette perruque frisée qui renvoie à Harpo Marx. Pour les ressorts psychanalytiques, c’est Woody Allen qui vient à l’esprit, ou Nanni Moretti

Le film est une suite de scénettes, davantage qu’un film-construit, où on suit l’évolution de Guillaume dans sa transformation, l’armée (enfin…) les études, les voyages à l’étranger, Angleterre, Espagne, où il apprend à danser en regardant une femme, donc danse comme une femme, ce qui fait rire tous les espagnols, et perpétue la confusion des genres.


Des scènes cocasses, tendres, franchement burlesques, un peu inégales, au ressort comique attendu (le masseur), parfois trash (le lavement avec Diane Kruger !), redondantes (le cheval au manège) mais le plus souvent très réussies (l’examen psy à l’armée). 

Le premier élément comique, c’est le personnage de la mère, évidemment jouée par Gallienne lui-même. Exubérante, irritante, snobinarde au possible, aimante aussi. Elle intervient souvent dans les mêmes scènes, et mêmes plans que son fils Guillaume, et là on tient une des clés de la réussite : l’interprétation de Guillaume Gallienne, absolument épatant dans ces deux rôles. Il est très drôle. La gestuelle est d’une précision diabolique.

On est inquiet juste au début, avec le classique départ de la mise en abîme. Gallienne au maquillage, entrée en scène, théâtralité ostentatoire vue mille fois. Ensuite, le rythme prend le bon tempo, la mise en scène se fait élégante, pincée, précieuse, pas un cheveu qui dépasse, une esthétique mise en avant. Ca peut agacer, mais le film a indéniablement une identité. Il fourmille de personnages, citons Françoise Fabian fabuleuse en grand-mère qui commence à virer dyslexique (la salle du repas est fameuse, ma petite pupute !), ou les deux tantes. Les acteurs sont tous impeccables.  

On rit beaucoup, c’est culotté, original, souvent brillant dans l’observation, la manière de filmer, totalement impudique, et pourtant. Il manque un truc, pour en faire un « vrai film ». Un liant, pour que l’addition de toutes ces qualités disparates forme vraiment un film. On sent un peu trop l'adaptation de la pièce, scènes parfois interchangeables, bref, c'est un premier film, et ça se voit !   








5 commentaires:

  1. En fait n'est pas Dupontel qui veut ...
    Pas vraiment le genre de films qui me branche ...

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  2. C'est pas franchement du Dupontel, mais une comédie drôle, ça ne court pas les rues...

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  3. Je l'ai personnellement adoré ce film.
    D'abord n'allez pas croire qu'il ne s'agisse que d'une simple pastille humoristique grinçante.
    Ce premier film (qui ne ressemble en rien a un premier film) de Guillaume Gallienne met surtout le doigt sur quelque chose de fondamentale dans notre construction personnelle: Ou comment le pouvoir d'un mot ou d'une phrase (en apparence anodine), l'attitude de nos proches, l'amour et le regard que l'on porte sur eux et qu'ils portent sur nous dans nos premières années, peuvent avoir un retentissement et des conséquences désastreuses sur certains de nos choix de vie. Que se soit sur les plans affectifs, sentimentaux et même professionnelles.

    Ce film est a découvrir absolument. A voir et a revoir. Rire en s'interrogeant en quelque sorte. César en vue !

    Parallèlement a celui de Dupontel (que j'ai aussi bien aimé), j'ai trouvé que justement ce dernier, sans tomber dans la parodie pour autant, jouait toujours sur le même registre. Même l'humour Trash a ses limites selon moi. Et puis Gallienne est un acteur au spectre bien plus étendu que celui de Dupontel. Vous l'aviez trouvé crédible, vous, Dupontel, dans son rôle de pianiste blasé dans "Fauteuil d'orchestre" ? Moi pas du tout.

    Dupontel joue a...
    Gallienne est.

    C'est là toute la différence je pense.

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  4. T'as pas tort Vincent, Dupontel à un univers bien à lui. Mais tu oublies un détail : pour Gallienne, c'est son premier film, donc on ne sait pas encore s'il gardera ce personnage, cet univers, pour les autres, s'il en fait d'autres.

    Dupontel n'était pas très crédible dans Fauteuil d'Orchestre, mais il faut dire aussi que c'est tout le film qui ne l'était pas !! J'irai même plus loin : Danielle Thompson n'est pas crédible en réalisatrice !!

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  5. Je n'ai rien omis du tout Luc. Notamment en disant que je ne trouvais rien au film qui puisse faire apparaître qu'il s'agisse là d'un "premier film".
    Mais tout ça n'est bien sûr pas très important. Je suis sans doute moins accro aux détails d'un film qu'un cinéphile aussi pointu (pointilleux ?) que toi.

    Quant à la réalisatrice D.Thompson, c'est a se demander quels enseignements elle aura tirée de son père, Gérard Oury, pour faire les films qu'elle fait ?

    PS: J'ai loupé le dernier de frères Cohen. Il paraît qu'il était particulièrement réussi (sans pour autant avoir trouvé preneur semble-t-il ?). M**de ! Même pas resté 15 jours à l'affiche chez moi.

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