vendredi 28 février 2014

MINUSCULE d'Hélène Giraud et Thomas Szabo (2014) par Luc B.



MINUSCULE, LA VALLÉE DES FOURMIS PERDUES (sic !) est un film d’animation, tiré d’une série télé créée par Hélène Giraud : Minuscule, la vie privée des insectes. Les aventures des petites bestioles de nos campagnes se retrouvent désormais au cinoche, sur un écran en scope ! A la fin de film, on lit une dédicace à Jean Giraud, alias Mobius… le père d’Hélène Giraud.

Film d’animation, c’est vite dit, puisqu’à y regarder de plus près, 95% de ce qu’on voit à l’image est filmé en prise réelle. C’est une des deux caractéristiques originales de ce film, on y reviendra. Mais au juste, ça raconte quoi ?

Une bande de fourmis noires fait une razzia sur une nappe de pique-nique laissée à l'abandon. Et notamment une boite de sucres en morceaux, qu’elles décident de rapporter à leur reine. Il n’y a pas que du sucre dans cette boite, aussi une petite coccinelle, égarée, qui y a trouvé refuge, une clandestine, qui sera malgré elle du voyage. Voyage plein d’embuches, puisque d’autres fourmis, rouges celles-ci, sont bien décidées à s’emparer du trésor…

Bon, disons-le, le scénario est relativement… mince. Désossé à l’extrême, parfois redondant. Équilibre toujours difficile de contenter de 7 à 77 ans. Mais c’est aussi ce qui fait le charme de l’aventure, modeste, petite, minuscule, à l’échelle des héros, qui ne sont pas des dragons monstrueux, mais une petite coccinelle et une 'tite froumis... Et à leur échelle, les péripéties vécues sont dignes de l'Odyssée d’Homère ! Déjà, donc, première différence avec les films américains aux scénars souvent tarabiscotés.

Autre grande différence, et originalité, le film est muet. Pas de dialogue. Ici, c’est cui cui, bzzzz bzzzz, et scrontch scrontch, ça repose. D’où est-ce que ça cause une fourni, hein ? Ca communique, en se frottant les antennes, et bien soit, dans le film, ce sera pareil. Il n’y a pas d’anthropomorphisme dans MINUSCULE. Les insectes restent des insectes, ils ne sont pas gentils ou méchants, amoureux ou jaloux, prétentieux ou timides. On ne leur prête pas d’autres caractéristiques que les leurs. Ce qui implique aussi l'absence de second degré, mais du comique de situation.

Ce qui signifie aussi que seules les images racontent l’histoire. Chacun, à n’importe quel bout de la planète, papou ou scandinave, peut comprendre le film, accessible aux très jeunes, comme aux vieux sourds. On retrouve l’essence même du cinéma, et on se repose de ne pas entendre Elie Semmoun au doublage pour la cent quatre-vingtième fois. Et cela signifie aussi que les bruitages (plic plic, prout prout, vroum vroum) participent pleinement à l'ambiance, comme la musique signée Hervé Lavandier, très réussie. Entendre des tonnerres de violons menaçant sur des images d’une poursuite entre p’tites mouches est vraiment tordant.

L’autre caractéristique, c’est la technique de tournage. Si les textures semblent si remarquablement rendues, c’est qu’elles sont réelles ! La poursuite sur la rivière (de la vraie flotte), la boite de sucre, la boite de soda rouillée, mais aussi les fleurs, la 2CV… Les prises de vue sont réelles, en extérieur ou en décor (la toile d’araignée, la fourmilière, la maison de poupée). Cette fameuse poursuite, par exemple, est d’abord dessinée, après repérage en extérieur, puis storybordée. Ensuite, on fait un brouillon en images de synthèse, pour estimer la longueur des plans, leur nombre, les axes de caméra, et surtout, les mouvements de caméra, car au moment où on tourne, les "acteurs" ne sont pas encore là ! Ensuite, l’équipe va réellement tourner en décor naturel, une vraie boite flottant sur une vraie rivière. Les images sont ensuite récupérées, on rajoute les bestioles numériques, on truque, on corrige, on accentue, on gomme...  et hop ! 


Le résultat est merveilleux. Les images sont superbes, le montage n’est pas hystérique, les réalisateurs font l’économie de gags éculés et d’une bande son tonitruante. La seconde partie est le théâtre d’une bataille à coup de cure-dents, qui pleuvent comme les flèches de BRAVEHEART ! On remarquera des clins d’œil à Tim Burton, Spielberg (le lézard filmé comme un T.Rex !), la première scène, lorsque la caméra plonge dans les herbes, et qu'on découvre cette faune effervescente, renvoie à BLADE RUNNER ! Et gros clin d'oeil à Hitchcock, avec une petite araignée qui vit dans la maison de PSYCHOSE, et un plan identique, la coccinelle montant les escaliers, filmée en plongée, comme le détective qui se fait trucider par Norman Bates !

MINUSCULE est un drôle de film, rafraîchissant et original, qui change des Pixar et DreamWorks. Ce mélange de prise de vue et d’animation est une grande réussite, technique et artistique. On aurait aimé un peu plus d’ambition sur le scénario… Peut-être une prochaine fois, parce qu’à mon avis, si c’est rentable, y’en aura d’autres…


1 commentaire:

  1. Comme tu l'as souligné Luc, le scénario est un peu mince. Mais la beauté de sa réalisation et les trombines hyper craquantes des bestioles m'ont fait passer un agréable moment.
    J'ai été surpris de ne pas voir plus d'enfants (de minots) que ça dans la salle. D'autant que ce film leur est plus destiné qu'à nous les adultes.

    J'aimerai vraiment qu'il y est une suite, avec un scénario un peu plus riche également. Qui vivra verra.

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