vendredi 18 avril 2014

OSCAR PETERSON "PARIS CONCERT" (1978) par FreddieJazz


Ressortir ces bonnes vieilles galettes dont on se délectait jadis ne saurait nuire à nos esgourdes toujours aussi voraces... Surtout quand ces mêmes galettes dorment depuis un bon bout de temps dans un coin à l’abri des regards indiscrets... Certaines, de par leur médiocrité ou leur aspect caricatural, préfèreraient peut-être ne jamais être repérées, pour mieux prolonger leur repos alangui, évitant ainsi le mange-disque jamais repu et toutes ces critiques ô combien faciles et désinvoltes... D’autres au contraire ne demandent qu’à être réécoutées, mâchées, assimilées, réévaluées...

Et justement, les disques d’Oscar Peterson (1925-2007) sont ainsi faits : la musique de ce géant du piano jazz ne demande qu'à être libérée et goutée à nouveau… Pourtant, à l’écoute des trios du pianiste virtuose, l'amateur remarque quelque chose d’assez étrange. Ses diverses formations en trio dénotent une évolution certaine en termes de jeu, le pianiste assumant au fil des années une toute autre sonorité collective. Comme disciple d’Art Tatum, Oscar était un champion du clavier, aucun doute là-dessus ! Mais là où les premiers trios d’Oscar avec Ray Brown et Herb Hellis (milieu des années 50) soutenaient une cohésion de groupe en servant le swing avant tout, les suivants notamment avec le contrebassiste Niels Henning Orsted Pedersen et le guitariste Joe Pass se distinguaient de par une musique certes toujours aussi jubilatoire, mais beaucoup plus performative, beaucoup plus démonstrative.

Ce PARIS CONCERT, double album publié par Pablo et que je m'étais procuré lors de sa sortie en 1995, illustre parfaitement cette nouvelle direction, laquelle est, disons-le tout net, totalement assumée par le pianiste. Faut dire qu'à la fin des années 70 (années marquées par la présidence de Jimmy Carter et le retour des vétérans de la guerre du Vietnam…), le public fuyait les revendications sociales et politiques longtemps propres au jazz (le free jazz ne faisait plus recette à cette époque et rentrait dans la catégorie « musique pour élitistes et intellectuels ». 

Avec Oscar Peterson, c’était tout autre chose. Un jazz joyeux et élégant à la fois, sans pour autant tomber dans la faribole. Aussi, ces gars-là avaient une telle technique que le public en redemandait toujours davantage, obnubilé qu'il était par toute cette démonstration technique, cette virtuosité inégalée. Bref, le point commun entre ces trois musiciens, c’est bien cela : un sacré niveau technique quitte à faire dans la caricature... Si Joe Pass est à la guitare ce que Peterson est au piano, N.H.O.P. est à la contrebasse ce que ses deux comparses sont sur leurs instruments respectifs : des virtuoses qui connaissent leurs instruments sur le bout des doigts et s'en amusent. Le résultat est à ce point vertigineux.

Cette captation publique du 5 octobre 1978 à la Salle Pleyel n'a bien sûr rien perdu de sa fraîcheur, ni de sa joie de vivre : le niveau des solistes est porté très haut (« Please Don’t Talk about Me When I’m Gone », « Benny’s Bugle » ou encore « Goodbye » dans le premier set). Et le niveau de musicalité de chacun d’eux est à chaque fois démontré dans ce répertoire alternant morceaux péchus issus du bop et balades savoureuses (la version de « Manha de Carnaval » est à tomber par terre, ne serait-ce que lors de cette introduction offerte par Peterson). Alors que la première partie de ce concert est plus ancrée dans le jeu à trois (relances, riffs, dialogues), la seconde est nettement plus individualiste, les musiciens n’hésitant pas à jouer seuls lors d'un morceau (ainsi en solo absolu le pianiste enchaînera « Lou » avec « How Long Has This Been Going On », et Joe Pass en fera de même avec « Gentle Tears » et « Lover Man »). Cela dit, on aura droit à deux duos de toute beauté entre le contrebassiste et le guitariste, d’abord dans « Samba De Orfeu » puis dans « Donna Lee ». Le dernier thème, « Sweet Georgia Brown », classique des classiques, sera une mise en bouche technique sans toutefois égaler les pièces précédentes. 

Un disque qui a marqué ma jeunesse avec l’autre grand disque d’Oscar de cette époque révolue (Nigerian Marketplace). Bien des années plus tard, le contrebassiste Ron Carter sera quasiment le seul à reprendre cette formule, notamment avec le guitariste Russell Malone et divers pianistes, comme Kenny Barron, Jacky Terrasson ou encore Mulgrew Miller.







Pas d'image de 1978, mais le "Sweet Giorgia Brown" avec ce même trio en 1985. Après les deux solos d'ouverture, le démarrage en trombe est à 3'50 !! 


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