mercredi 28 mai 2014

RIVhERSIDE "Something On My Mind" (2013), by Bruno



     Rivherside s'articule autour de Renaud Villet, compositeur, et...
de Renaud Villet, guitariste et batteur.

     En effet, Renaud n'a besoin de personne pour interpréter sa musique : un Blues roots, cru, franc et tribal. Un Blues qui sort des tripes. À l'écoute de certaines pièces, si ce n'est la voix, on s'imagine convié à un gig de Muddy Waters ou d'Howlin' Wolf lorsqu'ils se produisaient encore dans des jukes-joint, donnant tout ce qu'ils avaient, déclamant leurs
peines et leurs joies en plaquant leurs accords avec force. 


     Renaud se livre corps et âme, sans filet, seul avec ses guitares et sa batterie aux pieds. Un étonnant Deluxe Foot Drums de Farmer Musical Instrument (comme celui de J.J. Grey) permettant de prendre la place, de façon bluffante, d'un kit rudimentaire (rien à voir avec le malingre foot-stomp).
Toutefois, pour son disque, Renaud a préféré faire rejouer toutes ses parties par un batteur professionnel. Certainement pour retrouver le son naturel plein et boisé, et la réverbération d'une bonne grosse batterie. C'est juste une question de volume.

Quelquefois, des chœurs virils s'immiscent, tranchant avec la voix émotionnelle et fragile
de Renaud ; une voix se brisant lorsqu'elle s'élève (pas loin alors d'un Jack Whites), et
reprenant en force, transcendée, lorsque la musique s'intensifie. Néanmoins, même sans le soutien d'aucune percussions, Renaud arrive à canaliser l'émotion, comme avec « My Heart in Georgia » qui transpire les ballades tristes de John
Lee Hooker.
Fender Blues Deluxe, Godin 5th Avenue et le Deluxe Foot Drums

     La captation est limpide, comme prise sur le vif, ne faisant pas de cadeau, mais permettant aussi de révéler toute la texture de la moindre note. On entend d'ailleurs parfois les cordes claquer et résonner d'un écho naturel, restituant ainsi toute la vitalité de ces Blues qui possèdent cette force entraînante et irrésistible qui vous fait taper du pied, vous calant sur le tempo.

     Si l'inspiration semble venir principalement du Delta, voire des Appallaches, il y a
une petite incursion réussie dans le Pub-rock avec « I Wish I Could », et l'apparition d'un
harmonica vient donner plus d'ampleur et une facette Chicagoanne à l'ébouriffant « Open
Your Mind ». Un instrument qui sied fort bien et que l'on aurait aimé retrouver par la
suite.

     Est-ce par manque de confiance ou pour finir en beauté que Renaud clôture ce disque
avec sa plus belle pièce : la perle « I Never More Time ». Une pièce forte qui puise sa
source dans le Country-folk-blues, avec des effluves du "Led Zeppelin III" et "IV". Guitare folk, slide et mandoline s'entrechoquent, se répondent et s'harmonisent.
Une pièce que l'on ne peut s'empêcher d'écouter plusieurs fois de suite, tant le plaisir est
grand, et surtout tant le silence se fait pesant dès que les dernières notes se soient perdus
dans un néant d'un noir obscur et profond. Formidable titre qui laisse subodorer que
Renaud est loin d'avoir tout livré.



     Rivherside, c'est le retour du Country-Blues électrifié. On songe à la puissance d'un Muddy Waters, de Son House ou de Bukka White, à l'approche plus débridé de R.L. Burnside, voire de T.Model Fordparfois à John Lee Hooker, mais aussi à Seasick Steve, à Mountain Men, aux Black-Keys, à J.J. Grey et à White-Stripes, ainsi qu'au Electric Duo (lien) de Jack Bon.

     Le 5 mai 2014, Renaud a réalisé un Ep : "Electraw Blues". Son Country Blues s'est passablement électrifié et se pare désormais, et sans complexes, de divers effets et samples qui étoffe le tout. On est là encore plus proche de l'Electric Duo de Jack Bon. Quatre titres, plus aventureux, voire expérimentaux, en écoute gratuite sur son site et sur Deezer, qui laissent augurer une évolution. 
Quatre pièces qui abolit les frontières du Blues pour accueillir d'autres genres (dont le Rock et le Rap) et célébrer ensemble une musique hypnotique. Quatre pièces qui promettent un album fort. On languit.

     Parallèlement, Renaud Villet joue avec une formation plus traditionnelle, un quatuor : Bako &The Black and Blue Kings. Ce collectif, sous le patronyme de Black & Blue, puis de The Black & Blue King, a réalisé trois disques bien accueillis par la presse spécialisée.
Il y avait aussi le "Mellow Blues Duo", avec l'harmoniciste David Paquet, auteur de deux disques de reprises, qui est parvenu a effectuer une petite tournée aux USA.






Article paru initialement dans le n° 36 de la revue BCR.

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