vendredi 4 juillet 2014

LA MORT ENTRE AUTRES de Philip Kerr (2009) par Luc B.


 Ce n’est pas simple de suivre les aventures chronologiques de Bernie Gunther. Souvenez-vous de LA TRILOGIE BERLINOISE sortie entre 1993 et 1995, et dont l’action se déroule en 1936, puis 1938, puis 1947. Les deux bouquins dont il est question, la suite de la TRILOGIE, sont sortis en 2009 et 2010. Mais si on veut savoir à quoi Bernie Gunther passait ses journées en 1934, il faut attendre un roman HOTEL ADLON, qui sortira en 2012, alors que VERT DE GRIS se passe en 54, mais le suivant PRAGUE FATALE en 1941. Période qui nous manquait dans le puzzle de LA TROILOGIE BERLINOISE. Vous suivez ?

LA MORT ENTRE AUTRE (2009)

Freidrich Warzok (à gauche) et Himmler.
Où l’on retrouve Bernie Gunther, ex-flic de la criminelle sous le IIIè reich, détective privé, enrôlé dans la SS en 1941 sous les ordres d’Arthur Nebe, un des pires meurtriers de la Shoah par balle, dans l’Est. Mais après la guerre, Gunther gère un hôtel minable, à une encablure de l’ex camp de Dachau. Sa femme se meurt à l’hôpital. Redevenu détective pour pouvoir croûter, il reprend son créneau de recherche de personnes disparues. Y’a du boulot en 49, en Allemagne. Une cliente lui confie comme travail de prouver la mort de son mari, afin qu’elle puisse se remarier devant l’Eglise. L’ex, Friedrich Warzok, est criminel de guerre, qui a échappé aux poursuites, grâce aux réseaux de protection nazie. Gunther va évidemment mettre son nez où il ne fallait pas !

La trame du roman se focalise sur les organisations clandestines, comme ODESSA, qui ont exfiltré en douce des criminels nazis après la guerre. Ce qui les unit, et ce qui les oppose, c’est d’ailleurs ainsi que Gunther sauvera sa peau. En toile de fond, la culpabilité du peuple allemand, mais aussi le cynisme de certains, autant allemands qu’américains, russes, anglais, hommes d’affaires, politiques et services secrets, pour utiliser à bon escient les compétences des anciens nazis. Philip Kerr évoque les filières, les complices, les méthodes, pour faire sortir du pays ceux qui ne sont pas encore en tôle, en attente de jugement.

Comme d’habitude, on croise des personnages réels (Aldolf Eichmann [photo] Herbert Hagen, Warzok lui-même) mêlés à la fiction. Et là, Philip Kerr nous a gâtés avec une intrigue particulièrement retorse. Le pauvre Bernie va s’avérer être manipulé, comme bon privé qu’il est, à toujours vouloir foncer tête en première vers les emmerdes. Un premier récit qui conduira à un second, puis un troisième, à Vienne. Les reparties sont toujours nombreuses (un peu trop d’ailleurs, procédé un peu répétitif) et savoureuses, autant que les rebondissements et les femmes fatales qui peuplent les pages.

Le rythme faiblit par moment, d’autant qu’il a commencé lentement par un long prologue de 60 pages, pas forcément nécessaire, en tout cas, pas sous cette forme. L’épilogue est par contre haletante (dommage que Philip Kerr se sache pas élaguer ses romans) bien qu’on soit déçu que les méchants ne soient pas châtiés. Enfin, si… mais hors-champ, on sait ce que Bernie Gunther leur a préparé, mais le personnage est déjà parti quand cela se passera. On aurait voulu voir !!


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UNE DOUCE FLAMME (2010)

Car Bernie Gunther est maintenant sur un bateau, en route pour l’Argentine. UNE DOUCE FLAMME, la suite exacte, raconte comment pour sauver sa peau, il a dû changer d’identité (bien que tout le monde le connaisse sous son vrai nom, ça fait 20 ans qu’ils barbotent tous dans le même bain) et se joindre à deux autres clandestins sous le nouveau nom de Dr Carlos Hausner. Il sera présenté, comme chaque hôte du pays, au président Juan Peròn. Le chef de la police argentine, reconnait en Hausner le célèbre détective Gunther (qu’est-ce que je vous disais !). Celui qui en 1932 a mis fin au règne d’un étrangleur, et enquêté sur un meurtrier de jeunes filles à Berlin. Il se trouve que des meurtres semblables sont commis à Buenos Aires. Le Dr Hausner, alias Bernie Gunther, mène l’enquête, et infiltre les milieux nazis d’Argentine.

Juan et Evita Peròn
Pour ce roman, Philip Kerr choisit une construction qui rend son bouquin nettement plus intéressant que le précédent. A mesure que le détective replonge dans ses souvenirs, et dans dossiers de 1932, Philip Kerr nous éclaire un nouveau pan de vie de son héros. En parallèle, il narre l’enquête de 1950 à Buenos Aires, celle de 1932 à Berlin. Plus l’une avance, plus l’autre progresse aussi. Les liens se tissent, les indices se répondent. C’est vraiment quand Bernie Gunther fraye dans le Berlin de 1932, les nazis préparant leur arrivée au pouvoir, que le roman gagne en saveur.

Mais à Buenos Aires, d’autres enquêtes attendent Gunther, dont une qui touche directement Evita Peròn et son président de mari, amateur de très jeunes filles… Ainsi qu’une enquête qui mène le héros vers un secret d’état qu’on ne lui pardonnera pas d’avoir trop approché. Le roman montre bien la complicité « intellectuelle » qui unissait Peròn et l’ancien régime nazi, la fascination qu’il dégage encore, les réseaux financiers qui se sont tissés. Côté historique, Adolf Eichmann est encore de la partie, comme Joseph Mengele, l’ex médecin d’Auschwitz.

Il n’est sans doute pas nécessaire d’avoir lu LA TRILOGIE BERLINOISE pour entamer ceux-ci, mais pourquoi s’en priver, si le genre vous inspire, le héros de Philip Kerr est une brillante création. Enfin création… une habile adaptation. L’auteur devrait pourtant moins truffer ses histoires de trop de détails historiques (on se doute qu’il travaille une bande de documentaristes pointilleux), d’essayer de se tenir à une trame générale plus visible, en écrémant un peu les contenus. 550 pages pour un polar de détective, c’est 400 de plus que chez Hammett ou Chandler !   

       

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