vendredi 8 août 2014

McCoy TYNER "THE REAL MCCOY" (1967) par FreddieJazz

Quarante-cinq ans après les faits, ce disque de McCoy Tyner n'a pas pris une ride ! Tenez-vous bien : THE REAL MCCOY a été enregistré le 21 avril 1967 en une seule prise ! Le contexte : McCoy Tyner a 31 ans et possède déjà une belle expérience. Il fut durant six années le pianiste du légendaire John Coltrane (1960-1965). En 1967, il est néanmoins au creux de la vague, n'a pas enregistré depuis deux ans. Il vient de clore sa carrière solo chez Impulse! (que l'on se souvienne d'INCEPTION ou encore de REACHING FOURTH, autant d’albums redoutables mais de facture somme toute classique et disons assez conservateurs dans l'esprit. Il s'agissait de ne pas faire trop d’ombre au collectif de Coltrane et surtout de combler un créneau qui marchait bien à l’époque : le trio tout acoustique…). 

Ce THE REAL MCCOY marque donc les débuts du pianiste pour le label Blue Note ainsi qu’une rupture avec ses disques précédents (pour le label, il en gravera cinq autres dont EXTENSIONS avec Wayne Shorter). Au premier abord, l’on pourrait s'attendre à un disque très hard-bop (l’identité du label). Il n’en est rien. Au contraire, cet album s’inscrit foncièrement dans le jazz modal, et carrément dans l’esprit du quartette classique de Colrane (circa 1963-1964). C’est la première grande surprise.

Ainsi, cela ne fait pas deux ans que McCoy a quitté son mentor et la première chose qui va frapper l’auditeur à l’écoute de ce THE REAL MCCOY c’est bel et bien cette configuration. Comme pour dire le potentiel et la longévité que pouvait avoir le collectif de Coltrane (lequel allait nous quitter trois mois après cette session). Et on en arrive à la deuxième surprise : le line-up. Entouré de musiciens exceptionnels et impliqués jusqu’au bout (Joe Henderson est au sax ténor, Ron Carter à la contrebasse et l'immense Elvin Jones à la batterie), l’ivresse est palpable tout au long de ces cinq plages d'une durée de six à neuf minutes chacune environ. Quant au répertoire (troisième grande surprise), loin de reprendre des standards, il est axé sur des compositions originales du pianiste. Elles sont à ce point inspirées et pimentées (des compos inoubliables comme « Search For Peace » avec son mystère et son lyrisme marqué de tendresse, d’autres parfois troublantes comme ce « Contemplation » déchirant quand Joe Henderson enfourche le ténor…).

Le niveau d’improvisation y ainsi est très élevé, la rythmique possède une dynamique et une souplesse enivrantes. Jamais un album ne m'avait paru aussi fluide. L’ensemble est très structuré aussi, très homogène. Les variations à l’intérieur des thèmes sont étourdissants (« Passion Dance » et ses accélérations up-tempo comme à ce moment précis au cours duquel McCoy Tyner prend son solo après l’exposition du thème vers les 1’10, il faut entendre comment Ron Carter déboule derrière, et cette relance unique en mode ternaire d'Elvin Jones sur la ride qui accroît l’intensité du propos du pianiste vers les 1’50), le sens de l’espace, la tension contenue ou au bord de la rupture dans « Four By Five », le blues et le swing bien achalandé dans « Blues on the Corner », tout concourt à faire de cet album, somme toute assez court (37 minutes à peine…), l’une des pépites du jazz contemporain et une référence absolue du label Blue Note. Et dire que Joe Henderson retrouvait là, hors mis Ron Carter, les musiciens avec lesquels il avait gravé trois ans plus tôt l’admirable INNER URGE (Blue Note 1964). Il donne ici l’une de ses meilleures prestations discographiques (1). Encore aujourd’hui, THE REAL MCCOY figure comme le disque de quatre musiciens accomplis, réalisant un tour de force magistral, un disque marquant de la plus belle manière leur déjà riche discographie.


(1) INNER URGE enregistré à quelques semaines d’intervalles de A LOVE SUPREME présentait lui-aussi la configuration du quartette tout acoustique. Joe Henderson était alors entouré de Bob Cranshaw à la contrebasse, de McCoy Tyner au piano et d’Elvin Jones à la batterie. On se prend à rêver. Vous imaginez, si ce collectif avait duré plus longtemps, quelles autres pépites auraient-ils pu nous réserver ?



1. Passion Dance  8:46
2. Contemplation  9:12

3. Four By Five  6:37

4. Search For Peace  6:32

5. Blues On The Corner  6:00
 






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