mercredi 13 août 2014

RIP : LAUREN BACALL (1924-2014)



Je crois que le nom de Lauren Bacall est connu même de gens qui ignorent qui elle était ! Regard de biais (surnommée "the look", elle était grande et penchait la tête face à ses interlocuteurs), béret, trenchcoat, elle est indissociable de l'idée qu'on se fait du Film Noir. Son histoire est archi-connue, mais pour le plaisir, on va en remettre une couche. Le réalisateur Howard Hawks, qui prépare LE PORT DE L’ANGOISSE avec Humphrey Bogart, cherche une partenaire à la hauteur du tuff guy le plus bourru du moment. L’idée de génie est de ne pas avoir choisi une garce glaciale à la Barbara Stenwick, ni une poule pulpeuse à la Ava Gardner, mais une fille insolente, presque vulgaire dans sa démarche, sa voix, qui désarçonnerait Bogart par ses sous-entendus malicieux, mais qui présenterait comme une bonne fille de famille. Il trouve la perle rare en couverture du magazine Harper’s Bazaar, (photo ci-contre) une jeune mannequin de 19 ans.

La rencontre sur le plateau, avec Bogart, va être un peu difficile au début, le vétéran est peu sensible au charme de sa jeune partenaire, un peu gauche car morte de trouille. Ce qui amuse par contre beaucoup le metteur en scène. L’opposition des deux caractères donnera des scènes mémorables, dont le fameux « just whistle ». En fait, Howard Hawks fait de Bacall une Bogart en jupon, qui s'oppose au mâle en utilisant ses propres armes. A la surprise générale, Bogart tombera raide dingue de Lauren Bacall, qu’il épousera l'année suivante. Ils vivront ensemble jusqu’à la mort de l’acteur en 1957, seront ensemble de tous les combats contre le maccarthysme.

Le couple tournera quatre fois ensemble, LE PORT DE L’ANGOISSE (1944) puis LE GRAND SOMMEIL (1946) toujours d’Howard Hawks, et modèle absolu du film de détective, avec dialogues affûtés pince-sans-rire. LES PASSAGERS DE LA NUIT (1947) de Delmer Daves est célèbre pour toute sa première partie en caméra subjective (Bogart a le visage bandé), mais on retient surtout le superbe KEY LARGO (1948) de John Huston. Un début de carrière tonitruant. Lauren Bacall enchaine ensuite deux films de Michael Curtiz, et s’aventure dans la comédie avec COMMENT ÉPOUSER UN MILLIONNAIRE (1953)(chroniqué par Foxy Lady). Célèbre pour être un des premiers films en scope, et pour y voir aussi Marylin Monroe, on doit regretter que Jean Negulesco n’ait pas le talent d’un Vincente Minnelli… avec qui elle va justement tourner LA TOILE D’ARAIGNÉE (1955) et surtout LA FEMME MODÈLE (1957) avec Gregory Peck ( chroniqué par Rockin') .

Après la mort de Bogart, Lauren Bacall part vers New York et se tourne vers de théâtre. Sa carrière au cinéma devient secondaire. Elle apparait dans DETECTIVE PRIVE (1966) avec Paul Newman, hommage au genre dont Humphrey Bogart était le héros. Elle tourne LE CRIME DE L’ORIENT EXPRESS (1974) avec Sidney Lumet et plein d’autres stars qui s’y ennuient ferme, comme le spectateur. On la croise dans MISERY (1990), chez Robert Altman et son PRET A PORTER (1994). Elle accepte un rôle dans le seul film de Bernard Henri Lévy, avec Alain Delon, et fait des apparitions chez Lars Von Trier, DOGVILLE (2003) et MANDERLAY (2005).

Maniant très bien le français, Lauren Bacall jouissait d’un statut à part, je pense, par rapport à ses consœurs. Star, oui, mais finalement, sur une très courte période, et en l'espace de trois sublimes Films Noirs. Elle était surtout aux yeux des cinéphiles la femme d’Humphrey Bogart, celle qui avait (presque) dompté le vieil ours. C’était aussi une femme d’une grande beauté, d’une classe inimaginable jusqu’à un âge très avancé, ne s'étant pas fourvoyée dans ses choix professionnels, et dotée d’un humour ravageur. 
Elle est également l’auteur de 2 biographies  "Lauren Bacall : By Myself"  (1978) et "Now"  (1994).
Elle était sans doute LA dernière légende de l’Age d’Or Hollywoodien (Maureen O'Hara et Kirk Douglas sont toujours vaillants !)  "Le Regard" s'est refermé définitivement, mais n'est pas prêt d'être oublié. R.I.P.

Extrait de "le Grand Sommeil" de Howard Hawks, et le très célèbre échange tout en sous-entendus salaces...

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