mercredi 3 septembre 2014

HOLLYWOOD MONSTERS "Big Trouble" (Juillet 2014), By Bruno



     Hollywood Monsters ? Mais de quoi s'agit-il exactement ? D'une B.O pour le nouveau blockbuster érigé à l'aide de finances exorbitantes et un concours d'effets spéciaux hallucinants ? D'un film asiatique où se côtoient des monstres mutants géants ?
La pochette laisse présager le pire avec des monstres de fiction emblématiques du cinéma hollywoodien : King-Kong et le Tyrannosaures Rex (très certainement échappé d'un « Jurasic Park ») s'affrontant sur la célèbre tour de Capitol Records de Los-Angeles. Avec un pictural inspiré des affiches des années soixante-dix.
Le verso du CD crée la surprise : sur un artwork sorti de la Hammer Film Production, apparaîent les noms et les visages de Don Airey, Tim Bogert et de Vinny Appice, aux côté d'un certain Steph Honde.



     Tim Bogert ? L'ex-binôme de Carmine Appice,  celui de Vanilla Fudge, de Cactus, de Beck, Bogert & Appice, serait donc sorti de sa récente retraite ? 
Don Airey aurait donc un projet extra-Deep-Purple ? Quant à Vinny Appice, a-t'il déjà lâché son nouveau groupe, WAMI ?
La très racoleuse mention « Your favorite classic Hard Rock artists together ! », par contre, sent le rance. Et pour cause, Tim Bogert n'est présent que sur trois titres seulement. Pire, Don Airey ne l'est que sur un. 
Seul Vinny Appice mérite vraiment d'avoir son portrait en grand, à côté de Steph Honde, avec sa participation sur huit pièces sur onze.
Le label belge Mausoleum, fleuron de la scène Métal européenne des années 80, veut profiter des invités de marque pour attirer le chaland. Certes, la seule présence de Tim Bogert peut être en soi un gage de qualité. Toutefois, sa présence étant très limitée, on peut craindre le pire pour le reste.

     Alors, qu'en est-il réellement ? En fait, ce Hollywood Monsters est surtout le bébé de Stéphane Honde qui compose, oeuvre à la guitare, au chant et au piano, ainsi qu'à la basse.

- Vraiment ? Mais qui est-il ?

     C'est un français, né en 1984 à Manosque (1), et qui après avoir fait ses armes avec Moby Dick, rejoint le groupe « Café Bertrand », avec lequel il enregistre deux disques. C'est lors de sa période avec ce groupe qu'il fait la connaissance de Don Airey, lorsque Deep-Purple le prend pour les premières parties de leurs concerts français et belges. Plus tard, il rejoint le groupe de Paul Di'Anno, le premier chanteur d'Iron-Maiden.
Enfin, en 2012, il émigre à Los-Angeles, principalement pour commodités professionnelles.

Il fait la connaissance de Tim Bogert avec qui il sympathise et qui croit en son travail. Et ainsi, de fil en aiguille, l'expatrié Stéphane Honde parvient à réaliser son projet, avec l'aide d'un autre Manosquin, Denis Baruta, à la production et au mixage.
Denis apporte également sa touche à la gratte sur trois titres (2).


Ce « Big Trouble » évolue dans une sphère Heavy-rock millésimé 1978-1984, de facture assez classique, et qui réussit l'exploit de ne pas décevoir en dépit de la publicité mensongère. Néanmoins, on regrette que le grand Tim Bogert ne soit pas davantage présent. Dans une moindre mesure, un sentiment partagé pour Don Airey qui aurait pu apporter beaucoup sur deux ou trois pièces, qui aurait pu embellir quelques chansons, notamment les plus calmes. Ne serait-ce que « The Ocean » qui se retrouve noyé par une déferlante de violons.

     Cela démarre sous les meilleurs auspices. Après une courte intro, « Another Day in Grey – part 1 » (?), déboule « Move On ». Une déflagration de Heavy-rock où rugit l'orgue d'Airey.
On est de suite rassuré par la cohésion et le professionnalisme qui émane de cette pièce. Mieux, on consulte les notes pour connaître ce chanteur assurant comme une bête, qui est venu prêter main forte. Une voix de caractère, bien ancrée dans un classic-rock aux réminiscences bluesy qui n'est autre que celle d'Honde. Une voix que l'on pourrait considérer comme le croisement - à la louche - entre John Sykes, Paul Di'Anno et un David Coverdale pré-Vanderberg. Fichtre, de sérieuses références et pourtant en rien galvaudées, si ce n'est – on serait presque tenté de dire forcément, avec moins de coffre que Coverdale et Di'Anno. Question guitare, ça crache sans être tapageur, ni démonstratif et bavard. Elles sont lourdes mais non pachydermiques. On reconnaît le grain Gibson. Plus exactement Stéphane utilise une Les Paul Standard et une Gretsch branchées dans un Vox AC30 et un Hiwatt qu'il pousse dans leur retranchement. La saturation étant alors gérée au potentiomètre de volume. Quelques pédales Wampler (3), du matos « fait main », vient compléter l'attirail. Un son, principalement constitué sur un volume sonore de base conséquent, qu'il dit avoir été inspiré par Deep-Purple, lorsque, au sein de Café Bertrand, il les a suivis en faisant leur première parties.


Si tout n'est, hélas, pas du même tonneau, rien n'est à jeter – à l'exception, en étant pointilleux, de « The Ocean » -, mais quelques pièces se détachent.

« Move On » donc, qui envoie la purée ;
« The Only Way » qui démarre comme un ballade chargée de spleen moite et qui s'endurcit progressivement, se parant d'une colère sourde.
« The Cage », co-écrit avec Denis Baruta, où Honde est plus proche que jamais de Coverdale (époque Saints & sinners). Bluesy à la mode Whitesnake, avec une intro acoustique digne de Micky Moody.
« Oh Boy », ballade appuyée aux parfums « Bowie » ; une complainte heavy (« Oh boy ! Don't look at the dark side. Hey Man can't you see the light of the day leading your way. Oh Boy, walk the other side. Hey Man the child as grown up today, better the day »).
« Village of the Damned » emprunte beaucoup à Black-Sabbath, notamment celui de « Mob Rules » et de « Heaven & Hell » avant de s'emballer pour plonger dans une ambiance propre au premier Iron-Maiden. Denis Baruta vient choruser comme l'aurait fait Denis Stratton, et Stéphane fait claquer une basse alerte, renforcée de medium d'airain, comme un Steve Harris de vingt ans. Un des sommets de l'opus.
« Song for a Fool », surtout pour ne pas passer à côté de la prestation de Tim Bogert, immédiatement reconnaissable, où son talent culmine à travers un solo qui, à travers l'harmonie, filtre une douce folie sous-jacente, voire une humeur de caractériel bi-polaire. Pas de guitare ici ; juste une batterie, un piano et cette basse rebelle. Ainsi, en orchestration réduite, cela devrait sonner intimiste, jazzy ou Blues, mais la frappe de bûcheron de Vinny et la basse frondeuse de Tim projette cette chanson dans une sphère rock foutraque.

Et « last but not the least » : « Fuck You All ». Considéré comme un bonus track car totalement différent de ce qui le précède. Un heavy-cyber-punk qui rue dans les brancards avec Paul Di'Anno en pleine possession de ses moyens, déversant toute sa rancœur. Un glaviot corrosif envoyé à la face d'un certain système de la musique, et des escrocs-poseurs sans personnalité. En trois minutes, Di'Anno prouve qu'il aurait encore les moyens d'avoir du poids dans la balance, si, malheureusement, il n'était pas menotté par un management véreux qui l'oblige à se cantonner principalement à interpréter du Iron Maiden.

Au final, passée la déception due à une publicité plutôt exagérée, on se retrouve avec un très bon disque de Classic-Rock, qui non seulement ne devrait pas subir les affres du temps, mais qui en plus peut se présenter la tête haute face aux bonnes productions de l'année.


(1) Stéphane Honde lui-même a précisé qu'on l'avait rajeuni ici de quelques années.
(2) Tout comme Stéphane, Denis Baruta a joué avec Café Bertrand et Paul Di'Anno.
(3) Utilisé en autre par John Fogerty, Dweezil Zappa, Keith Urban, Adrian Legg et Guthrie Govan.




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