vendredi 16 janvier 2015

LES RESIDENTS de Maurice G. Dantec (2014) par Luc B.





Maurice Georges Dantec, encore un cas celui-là. Après un passage dans la musique avec son groupe Artefact, on le découvre écrivain de Série Noire avec LA SIRÈNE ROUGE (1992). Une cavale à travers l’Europe d’une gamine et d’un vétéran de Bosnie, poursuivis par une horde de tueurs, sur fond de trafic de snufs movies. Très bien foutu et haletant. Mais Dantec va frapper très fort en 1994 avec LES RACINES DU MAL, un pavé, polar à sauce cyber-monde, SF, surfant sur la paranoïa née du passage à l’an 2000, avec une fois de plus, des hordes de tueurs en série. Roman hallucinant, virtuose, versant aussi dans le délayage cyber-trucmuche cher à l’auteur. BABYLONE BABY (1999) appartient davantage au récit SF, on y retrouve le héros de LA SIRÈNE ROUGE, des sectes et des expériences génétiques, et toujours beaucoup d’aventures, d’action, et de drogues, la grande passion de Dantec aussi…

Ensuite, j’ai lâché l’affaire. Ça devenait un peu trop barré pour moi, les intrigues s’éparpillaient, diluées dans un discours sur le monde, la politique, le futur, le chaos des civilisations. Car en parallèle de ses romans, Maurice G. Dantec commence à faire paraître un journal, LE THÉÂTRE DES OPÉRATIONS, où il jetait ses réflexions sur le monde qui courait à sa perte, analyses géopolitiques et tartines de mystique catho, dont se réclame l'auteur. Entre George Bush et Zemmour... du genre à voir l’Islam partout.

J’ai replongé en 2009 avec COMME LE FANTÔME D’UN JAZZMAN DANS LA STATION MIR EN DÉROUTE, parce que j’adorais le titre ! Ça avait le mérite d’être court, une intrigue alléchante, du suspens, mais patatras, encore les délires à quatorze dimensions, moi je n’pige pas ces trucs-là ! J’ai rien compris à MATRIX… Et puis là, en 2014, promis juré, Dantec revenait au roman, au polar, du vrai, du grand Dantec. LES RESIDENTS. Allons-y.

Au Canada, Sharon Sinclair parcourt les routes à bord d’une voiture, accompagnée d’un jeune Serbe, Novak, et dézingue quiconque la regarde, l’admire, la désire. Y’en a pendant 150 pages, c’est brillamment écrit par moment, mais hélas, les tics reviennent au galop, des effets de styles lourdingues et rabâchés. Des trucs du genre, elle était le nom, elle était la vie, elle était la vie du nom, elle était le nom de la vie. Voyez le genre ? Ca marche avec plein de mots, essayez avec euh... tartine et Nutella : elle était la tartine, elle était le Nutella, elle était la tartine de Nutella. Ca marche ! Dantec peut vous torcher une page entière de visage-lumière, visage-mensonge, visage-simulacre, visage-vortex, visage-peur, visage-égo, visage-Nutella (j'déconne, la dernière est de moi !) Résultat, c’est longuet, jusqu’à ce que Sharon et Novak arrivent à Trinity Station, une base ultra-secrète planquée en forêt, avec des savants, des espions, on ne sait pas trop. Ils y rencontrent Vénus Vanderberg.

Vénus Vanderberg dont on va apprendre l’histoire. Une gamine enlevée par son père, séquestrée pendant 15 ans dans une cave, et violée quotidiennement, vendue, partagée, filmée, transformée en Stardoll, reine du porno, avant qu’elle ne bute tout le monde. Une centaine de pages insoutenables, dérangeantes. Là encore des fulgurances d’écriture, malgré l’horreur décrite. Mais bon sang que c’est long, répétitif, douloureux. Vénus, Novak et Sharon ont comme point commun d’être des tueurs de masse. Ils ont vengé un traumatisme. Novak, ado, a tué dans son lycée (j'ai pas bien compris pourquoi) et Sharon a été victime un viol collectif. Long, très long. Une horreur.

A Trinity Station, on y observe le monde, on y fume des sticks de cannabis thaï, y’a des écrans partout, un avion cyber-connecté, de nouveaux personnages, Flaubert et Montrose, des histoires de CIA. L’intrigue repart, on commence à mettre les pièces du puzzle en place, mais ça se complique vite. De la neuro-programmation, des secrets enfouis, des complots, l’homme de Roswell, les aliens, et des ordinateurs qui programment la mission Apollo en même temps qu’ils calculent l’assassinat de Kennedy

Trinity Station, le nec plus ultra de la sécurité est attaquée (par qui ? pourquoi ?), les tanks, les hélicos. Novak et les deux filles fuient en voiture (comment ?) et pendant encore 100 pages, on file vers le Mexique, on réécoute « Suffragette City » de David Bowie 10 000 fois, car la Vérité Vraie du Monde est dans ce morceau (si j’ai bien pigé…). L’ancien rocker Dantec convoque Dylan et la Route 66 au voyage, comme William S. Burroughs. On tourne les pages, mais elles se ressemblent toutes. Et j’ai cru comprendre, qu’il y a une bombe H à la fin qui mettait tout le monde d’accord, mais franchement, je n’en jugerais pas.

Quelle lecture éprouvante. Dantec a ses aficionados, qui trouveront ce roman-total, ce roman-monde, épique, grandiose et pertinent. Pour moi c’est une grosse déception, et une frustration. Ça pouvait être formidable en coupant la moitié. Tortueux, alambiqué, violent, mais lisible. Le style de Dantec est puissant, ce type sait admirablement écrire, bâtir des intrigues, il a un univers bien à lui. Mais là c'est indigeste, redondant, boursouflé. Dommage pour celui-ci. On essaiera peut-être le suivant.


On se console avec David Bowie... (ça dépote bien...) 

ooo

2 commentaires:

  1. Je n'ai lu que Les Racines du mal, en me forçant pour le finir. Je crois que ce type est fou.

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  2. Les Racines du Mal. Un départ et une fin assez extraordinaires dans mon souvenir. Une baisse de régime au milieu, avec ses délires.
    Oui, je pense qu'il est fou. Talentueux, mais fou !

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