vendredi 20 février 2015

LA RANCON DE LA GLOIRE de Xavier Beauvois (2015) par Luc B.



C’est à se demander pourquoi cette histoire n’avait jamais été portée au cinéma ! Rappel des faits, pour ceux qui ne connaitraient pas ce fait divers sordide… Trois mois après avoir été enterré au cimetière de Vevey en Suisse, le cercueil de Charlie Chaplin a été dérobé, en mars 1978. Les deux maitres-chanteurs ont demandé une rançon contre rétribution du corps (inspirés d’une affaire semblable, en Italie, avec la dépouille d’un riche industriel). Deux guignols, un bulgare et un polonais, au chomdu, qui voulaient un pécule pour monter un garage auto. La police les a coincés quelques semaines plus tard. 4 ans de taule pour l’un, 18 mois avec sursis pour l’autre.

Xavier Beauvois s’empare donc de cette histoire de dingue, relate les faits, mais en les remaniant (l'épilogue est heureuse...), dressant deux portraits de paumés sympathiques, une histoire d’amitié, et rend un hommage appuyé au créateur de Charlot. Xavier Beauvois, j’aime beaucoup. L’acteur, mais aussi le réalisateur. Il tourne peu, tous les 5 ans, N’OUBLIE PAS QUE TU VAS MOURIR (1995) SELON MATTHIEU (2000) et LE PETIT LIEUTENANT (2005) les deux avec Nathalie Baye, son gros succès en 2010, DES HOMMES ET DES DIEUX.

Beauvois choisit de faire des deux charlots, deux amis dans la dèche. Eddy sort de taule, et s’installe avec son pote Osman, un émigré algérien qui vit dans une bicoque délabrée avec sa fille de 10 ans. C’est la nuit de Noël 77, on annonce aux infos la mort de Charlie Chaplin. Eddy, Osman et Samira regardent ça sur le poste de télé qu’Eddy a rapporté, et ne lui demandez surtout pas où il l’a trouvé… La maman est à l’hosto pour un problème de hanche. L’opération va couter cher... Partant du principe que Chaplin était l’ami des sans grades, des émigrés, des hors la loi, que la famille ne verra donc aucun inconvénient à payer, Eddy et Osman se lancent dans une extorsion de fond...

C’est la très bonne idée de ce scénario, faire d’Eddy et Osman des personnages issus de l’univers social de Chaplin, des refoulés du système, qui tentent de rester dignes. Dignité ne rimant pas forcément avec moralité. Osman est pris dans l’engrenage administratif, dans celui du mensonge, comme Charlot était prisonnier des rouages des machines à l’usine. Les références aux films de Chaplin sont nombreuses (mais discrètes parfois), avec la bicoque d’Osman, sa cheminée de travers comme la cabane de LES TEMPS MODERNES, et le papa seul avec un enfant qui renvoie à THE KID, Samira en ballerine à LIMELIGHT, l'opération chirurgicale à CITY LIGHT... Les scènes avec la gamine sont très réussies,  attachantes sans être gluantes de sentiment, Beauvois sait éviter le pataud.

Le trio de comédiens y est pour beaucoup, Roschdy Zem et Benoit Poelvoorde sont impeccables, et Séli Gmach est épatante, toujours juste, enfin une gamine bien dirigée !

Mais, y’a un mais… LA RANCON DE LA GLOIRE nous est vendu comme la première comédie de Xavier Beauvois. Sauf qu’on ne rit pas. On sourit parfois, sur une réplique, une scène, mais le ton n’est pas à la comédie. Le rythme non plus. Beauvois est un excellent metteur en scène, mais la comédie n’est pas son affaire. C’est un métier ! Beaucoup de situations se prêtaient à un développement comique, un gag, mais Beauvois n’ose pas. Trop respectueux de son sujet. Chaplin qui dans ses films fustigeait les institutions, militaires, politiques, religieuses, est devenu lui-même une institution, et Beauvois se laisse écraser par la statue du Commandeur !   

Eddy rencontre une écuyère, qui l’embauche dans son cirque, où il fait le clown (si c’est pas référentiel, ça !). Mais là encore, si l’intention est belle, elle ne mène à rien, ni en termes d'action ni de gags. La base du comique de Chaplin, c'est une situation imprévue qui en amène une autre, plus perturbante encore. C'est l'enchainement, les rebondissements. Le film de Beauvois est trop linéaire, trop sage, et manque cruellement de matière. Les scènes dans la (vraie) maison de Charlie Chaplin à Vevey – où Dolores Chaplin, sa vraie petite fille joue ici sa fille - n’apportent pas grand-chose, on aurait pu sans passer, carrément. Comme du personnage du majordome de Chaplin, joué par Peter Coyote.

La musique n’arrange rien. Elle est signée – rien que ça – de Michel Legrand, et dégouline de partout ! Legrand qui inclut des thèmes de Chaplin dans ses compositions, reprenant notamment celui des FEUX DE LA RAMPE. Mais cette débauche de violons ne cadre pas avec les deux p'tits malfrats à deux francs suisses. Par contre, lorsque Eddy expose son plan à Osman, la musique envahit le dialogue, puis le couvre totalement. Ce qui nous empêche d’entendre. Belle idée de mise en scène, de mise en musique ! 

Cela se suit agréablement - en 1h40 ç’aurait été mieux – mais le film manque de développements, d'idées, de drôlerie, de méchanceté. Trop sage, trop respectueux. A l'image de l'épilogue : pas de poursuite de la part de la famille Chaplin, qui pardonne, et règle la note de l'hôpital. 

Couleurs  -  1h55  -  scope 2:35



ooo

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