lundi 9 mars 2015

L'HERITAGE OCCULTE de Steve BERRY (2014) – Par Claude Toon



Steve Berry
Occulte !
Depuis la déferlante Dan Brown et son Da Vinci code il y a une dizaine d'années, la littérature inspirée de l'occultisme fait les choux gras des auteurs, des éditeurs, des traducteurs en 53 langues… Le genre a même supplanté à mon sens la science-fiction classique du siècle passée, la bonne, celle des Philip K. Dick, John Brunner ou encore Franck Herbert… Le synopsis est un peu toujours le même : un récit aventureux à la James bond. Des "bons" partent à la recherche d'un manuscrit ou d'un  objet mythique : l'arche de Noé, le dernier mail des templiers, la lance de Longinus, le godemichet de la reine de Saba (quand le roi Salomon est parti guerroyer) retrouvé dans une annexe de l'Atlantide au pôle sud… Des méchants prêts à tout pour s'en emparer et mettre la planète en coupe réglée grâce aux pouvoir magique de la chose...
Plus sérieusement, les meilleurs auteurs s'inspirent de faits historiques réels, ajoute une pincée d'imagination et nous entraînent dans un thriller soit soft, soit survolté comme un épisode de Jason Bourne. Steve Berry, avocat et yankee de son état, concocte des romans à cheval entre les deux styles. La thématique repose toujours sur un fait historique à partir duquel l'auteur va élaborer un thème et des variations. Dans le secret des rois, son roman précédent, il posait l'hypothèse que la reine Elisabeth I d'Angleterre, qui avait suivi la route tracée par le sanguinaire Henri VIII, n'était en fait pas une femme, mais un fils caché et travesti, un comportement incompris à l'époque et qui expliquerait entre autres son surnom de reine vierge. Berry nous baladait dans le temps et imaginait un complot destinée à révéler cette supposée supercherie, ce qui invaliderait des siècles de textes législatifs de l'empire britannique et de l'actuel GB, bref une déstabilisation totale des institutions. Son thème favori !

Joseph Smith

L'héritage occulte repose sur une idée similaire et nous plonge dans l'histoire de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, mieux connue sous le nom de Mormons. Sur le plan historique, ce livre et solide et l'on apprend à mieux connaitre cette église typiquement américaine qui compte des millions de membres sur la planète. Comme beaucoup, j'imaginais que le très respecté président Lincoln avait cherché à supprimer le droit à l'esclavagisme en combattant les états du Sud lors de la guerre de sécession ! Erreur, les esclaves, Lincoln s'en fichait. Lors de la rédaction de la Constitution américaine sous l'égide de Georges Washington, un point avait été omis (volontairement ou pas, la réponse est dans des documents secrets objets de toutes les convoitises) : la possibilité ou pas à un état de quitter l'union. Lincoln, totalement opposé à cette idée avait déclenché une guerre faisant 600 000 victimes pour affirmer par la violence que la réponse était NON, impossible ! Un arrêt un peu bidon de la cour suprême confirmera cette impossibilité lors d'une tentative de séparatisme du Texas vers 1860. Bref, un vide juridique majeur…


Abraham Lincoln
WWWW
Pour en revenir au roman, des mormons renégats vont tenter d'exploiter les failles des textes pour que l'Utah (leur territoire gagné de haute lutte au XIXème siècle) puisse échapper à l'emprise de la fédération des États-Unis. Pour cela, un certain nombre de documents cachés, montrant les manipulations lors de la genèse de la constitution doivent être retrouvés à… n'importe quel prix.
Comme dans tous les livres de Berry, quelques personnages récurrents : Stéphanie Nell, directrice d'une agence secrète, répondant directement au Président US (Danny Daniels dans l'histoire). Une femme intrépide chargée de gérer les menaces contre l'Union, là où les gros sabots de la CIA, de la NSA et FBI ne sont pas les bienvenus. Cotton Malone, un de ses anciens agents, la cinquantaine, libraire (d'ouvrages rares) à Copenhague, sensée couler une retraite paisible mais souvent rappelé quand les meurtres d'agents ou les dangers se corsent… Sa petite amie Cassiopée qui ici joue un double jeu troublant. Une belle femme, agent freelance, qui a connu et aimé dans l'enfance l'un des mormons membres du complot et répondant au nom de Josepe Salazar… Elle agit à ses cotés. Salazar  ? Une crapule, une vraie, qui avec le sénateur mormon Thaddeus Rowan cherchent les textes qui permettrait à l'Utah et d'autres états de quitter l'Union. L'intérêt : le pouvoir et semer le bordel dans une Amérique ainsi affaiblie ; car les mormons sont bosseurs et une manne d'or cachée depuis l'époque 1840 faciliterait les choses. Pour préciser, la hiérarchie très pyramidale de l'église comprend : un prophète (héritier de Joseph Smith, mystique illuminé et père fondateur), une douzaine d'apôtres dont le plus âgé prend la place du prophète à sa mort, un certain Snow en l'occurrence qui a 90 ans… Rowan étant le plus âgé, vous avez déjà compris la manip… Bref un complot pour disloquer l'Union et profiter du chaos. Rowan représente la facette de l'ambition pure et dure. Salazar, victime d'hallucinations mystiques, est moins (pas du tout) un envoyé de Dieu qu'un soudard de second rang qui n'hésite pas à faire tuer tous ceux qui se mettent en travers de ses noirs desseins. Il a recréé la milice des danites qui dans les siècles passés avait le droit de tuer quand l'Église Mormon était pourchassée par d'autres fanatiques.
Mes propos sont des raccourcis. Si l'aspect historique du récit est assez passionnant et complet (dossier en fin de volume), on ne peut pas en dire autant de la trame aventureuse. Peu d'action, beaucoup de parlotte et trop de pages (550). Je ne suis pas un inconditionnel des jeux de poursuite épileptiques à la Jason Statham, mais là, hormis un règlement de compte général dans les dix dernières pages, le suspens fait cruellement défaut. Donc un assez bon livre pour les amateurs de l'histoire de la création des États-Unis depuis la guerre d'indépendance, mais en aucun cas un livre trépidant qui tient son lecteur en haleine. Dommage également que les auteurs de thrillers américains ne connaissent pas la formule 300-350 pages max !

A noter que le titre original est The Lincoln Myth ! (Le mythe Lincoln). Titre moins accrocheur que l'héritage occulte, qui ne veut rien dire mais est bigrement racoleur ! CQFD au début de ce com...

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