lundi 4 mai 2015

LA MALEDICTION D'EDGAR de Marc Dugain (2005) par Luc B.



Je vous avais parlé il y a quelques temps d’un formidable petit bouquin PESTE ET CHOLERA, ( *vous cliquez ici* ) une biographie romancée du docteur Alexandre Yersin. LA MALEDICTION D’EDGAR tient du même principe. L’auteur Marc Dugain, à qui on doit LA CHAMBRE DES OFFICIERS ou UNE EXECUTION ORDINAIRE tous deux adaptés à l’écran, retrace la carrière de John Edgar Hoover, le patron du FBI de 1924 à 1971. Un bouquin qui a fait aussi l’objet d’une adaptation télé, et en bande dessinée.

Clyde Tolson et Edgar Hoover
Le prologue met en scène un narrateur (Marc Dugain ?) et une éditrice, qui détient un exemplaire des mémoires de Clyde Tolson. Tolson était l’adjoint et l’amant de J. Edgar Hoover (photo ci-contre). L’homme vient acheter le manuscrit, pourtant controversé. Est-ce un vrai, est-il de la main de Tolson ? Quel crédit peut-on apporter à ce texte.

Ce texte, c’est le livre en question. Marc Dugain part de faits réels, d’une abondante documentation, et bouche les trous avec de la fiction, ou invente des dialogues pour coller aux scènes. On a donc un manuscrit fictif, qu’on fait passer pour vrai, les mémoires éminemment subjectives d’un homme, Tolson, lié professionnellement et sentimentalement au personnage le plus puissant des Etats Unis pendant 50 ans. Et le résultat est assez passionnant.

avec Marilyn
Le personnage de J. Edgar Hoover, on le connait au travers des livres de James Elroy, et le lecteur en connait déjà le contour. Hoover adorait l’ordre et le pouvoir. Et pour garder le pouvoir, il faut se rendre indispensable. Prouver aux hommes politiques, et aux différents présidents américains particulièrement, que le FBI est indispensable pour garder une Amérique propre. Lui seul connait les ennemis de l'Amérique. Hoover se méfie de tout le monde, les communistes, les juifs, les Noirs, les femmes, et tous les « déviants », ceux qui n’ont pas une morale irréprochable. A commencer par les homosexuels. L’ironie étant bien sûr que J. Edgar Hoover était lui-même homosexuel…

Hoover va compiler frénétiquement tous les renseignements possibles sur les hauts personnages du pays, à commencer par les présidents qu’il sert… C’est là la clé de sa longévité. Cher président, je suis votre humble employé, mais je vous tiens par les couilles, parce que je sais des choses. Comme les frasques de Madame Roosevelt, qui apparemment aimait bien fricoter avec des demoiselles de temps à autre, mais surtout suspecte d’amitié avec la communauté noire. Aucun président n’a pu virer Hoover, à cause de ce qu'il savait sur leurs comptes...

avec les frères Kennedy
Marc Dugain survole certaines périodes pour s’attacher aux mandats de Roosevelt, à la période de la seconde guerre, au maccarthysme, et bien sûr, aux Kennedy. Et d’abord Joe Kennedy, le père, homme d’affaire qui a fait fortune à la Prohibition, nommé plus tard ambassadeur de pacotille en Europe à la fin des années 30, alors qu’il voyait plutôt d’un bon œil l’accession d’Hitler au pouvoir. Kennedy père et Hoover se sont très bien connus, souvent fréquentés. Joe Kennedy qui rêvait de la Maison Blanche pour lui-même, l’obtiendra pour son fils John, avec le soutien d’Hoover.

avec Nixon
John F. Kennedy devait être un pantin, et voilà qu’il se pique de droits civiques, de négocier lui-même la crise de Cuba, de mettre des bâtons dans les roues de la mafia avec son frère Bobby, le vertueux ministre de la justice. Des dossiers sur John Kennedy, des écoutes, des enregistrements, les armoires d’Hoover en débordent. Kennedy le junkie (il souffrait du dos, était sous médocs), Kennedy le queutard, dont il faut sauver les fesses plus d’une fois. Kennedy le poil à gratter des hommes d’affaires véreux, qu’il va bien falloir éliminer s’il n’arrête pas son petit jeu progressiste.

L’attentat de Dallas en 1963 est bien sûr le cœur du livre. On n’y apprendra peu de chose qu’on ne connait déjà, mais l’analyse de Dugain / Tolson / Hoover est assez intéressante, sur le cloisonnement des taches, FBI, CIA, Mafia, chacun apportant sa pierre à l’édifice, sans jamais en connaître la globalité.

Autre thème, la Mafia. Hoover a toujours été dans le déni total. Pourquoi ? Parce que reconnaître l’existence du crime organisé signifiait qu’il avait échoué à le combattre. CQFD. Donc non, il n’y a pas de Mafia, des truands par-ci par-là, oui, sans doute, mais la Pieuvre, non. Je le saurais puisque je sais tout.

LA MALÉDICTION D’EDGAR c’est 50 ans de la vie politique des Etats Unis, de tractations, de complots, d’ascension, de déchéance, jeux de dupes, un grand bal des faux-culs. On voit défiler Dillinger, Martin Luther King, Oswald, Marylin Monroe, Sinatra, Fidel Castro, Nixon, Giancana, des personnages obnubilés par le succès et le pouvoir, prêts à tout pour rester au sommet, quitte à en piétiner quelques-uns, et si possible, dans son propre camp ! C’est une lecture très agréable, instructive, mais attention de toujours avoir à l’esprit qu’il s’agit d’un roman, et ne pas tout prendre comme argent comptant.   

Edition Poche Folio, 512 pages


  

2 commentaires:

  1. L'un des plus passionnants roman-historique-fiction (pas tant que ça) que j'ai jamais lu sur ce sujet... Ben il y a 10 ans, à sa parution... Déjà !
    Et puis j'aime bien le style direct et fluide de Dugain...
    Le film est une assez bonne adaptation mais n'a pas l'impact de l'écrit, comme souvent.

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  2. J'ai cherché une illustration vidéo, mais les extraits n'étaient qu'en anglais... Pas vu le film-TV.
    "Pas si fiction que ça"... Oh que oui !!

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