mercredi 29 juillet 2015

GRINDER BLUES (octobre 2014), by Bruno



     Lorsque l'on écoutait dUg Pinnick chanter au sein du trio Texan singulier King's X, à ses intonations, on savait que, d'une façon ou d'une autre, il avait été initié au Blues. Toutefois, plutôt celui des grands maîtres, on pouvait légitimement subodorer que c'était plutôt par celui qui avait subit une sévère mutation avec les manipulations (tantôt hasardeuses) de la jeunesse Anglo-saxonne.
     Ce n'est donc pas une totale surprise si l'on retrouve le Texan gaucher au sein d'un nouveau trio au patronyme sans équivoque de Grinder Blues.

Jabo, dUg et Little

     C'est un énième projet de cet échalas, et on se demande bien comment il parvient à gérer tout ça, sachant qu'en 2014, il a déjà réalisé un disque avec George Lynch (Dokken, Lynch Mob) et Ray Luzier,(Korn, Army of Anyone) : KXM (sorti en mars). Si George Lynch s'y montrait extraordinaire et inventif, le contraire aurait été étonnant, Luzier avait bien du mal à suivre. S'il demeure un cogneur infatigable à la frappe puissante, aux côtés de Pinnick et Lynch, il fait preuve d'une certaine déficience en souplesse, swing et vivacité. L'album aurait pu être une des révélations 2014, si Luzier ne l'avait pas miné par un jeu de batterie trop rigide, monolithique et quelque peu répétitif. Toutefois, l'album ne manque pas d'âpres défenseurs.
L'année précédente, c'était un autre trio, Pinnick Gales Pridgen, (avec deux tiers de gauchers), avec Eric Gales et Thomas Pridgen (ex-Mars Volta et Omar Rodriguez-Lopez, Foxy Shazam, The Memorials). Là encore, fort intéressant de prime abord. Cependant, cette fois-ci c'était Gales, pourtant si talentueux, qui grevait l'ensemble par son manque de contrôle, de retenue, en balançant tout azimut des solos dans tous les sens, étouffés par trop de notes. Du gâchis, car, indéniablement, il y a la matière pour en faire un très bon disque de Heavy-Fat-Blues-rock psyché.  Lâche l'accélérateur Eric ! Tu devrais être un des meilleurs ! Et tu gaspilles ton talent dans des soli surchargés par un fort débit de notes.
Et ce n'est certainement pas Mike Varney, ici à la production (et qui a même participé à quelques compositions), qui interférerait pour inciter Eric Gales à un peu de retenu. Cela a probablement dû être le contraire.
En juillet 2014, P.G.P. sort un second CD ! Dans la même lignée que le précédent.
Il dort pas le Doug ou quoi ? Trois disques avec trois groupes différents dans la même année !
Sans oublier "3rd Ear Experience" qui navigue dans le Space-Rock et qui a sorti deux CD en 2013.
Il a parfois été avancé que c'est un besoin urgent de liquidité pour une opération qui l'avait mis dans l'obligation d'attaquer de front plusieurs projets parallèles. Un appel lancé à ses fans, sur internet pour une aide financière, corroborerait cette version.

     Quoi qu'il en soit, avec Grinder Blues, dUg Pinnick pourrait très avoir trouvé chaussure à son pied. Un groupe qui aurait les qualités nécessaires pour faire quelque chose de consistant, qui se tient.

     Doug ne s'est pas foulé en s'alliant tout simplement à un binôme talentueux de frangins. Jeff "Jabo" Bihlman, guitariste et chanteur, et Scot "Little" Bihlman, batteur, percussionniste et chanteur. Deux musiciens émérites formant la base principale de The Bihlman Brothers. Un groupe très intéressant s'épanouissant tant dans le Heavy-rock que la ballade Southern-Rock, toujours avec touche Bluesy marquée et indélébile, et ayant déjà remporté un Emmy Awards.

     Résultat de la fusion ? C'est du lourd. Un authentique Power-trio ! Du genre a manipuler avec précaution. C'est chargé en divers produits instables et hautement inflammable. On y retrouve l'esprit du ZZ-Top des deux premiers opus (the First et "Rio Grand Mud"), de King's X (évidemment), de Cactus, de Hackensack, de Rufus Huff, de Truth & Janey, de Granicus, de Fanny Adams, et autres trucs relativement lourds affectionnant les rythmes en mid-tempo, adagio et lento, voire largo.


     Comme le patronyme le laisse entendre, le Blues a une bien large place dans la musique du trio. Cependant, il s'agit d'un Blues qui a été transmuté par une forte dose d'électricité. En opérant comme l'avait fait les groupes des années 70, pour le muer en Hard-blues, puis carrément en Hard-Rock.
Le tout en privilégiant un son low-fi pour retrouver un son analogique, mat, organique.

     Leur but avoué : reprendre des aspects du Chicago-Blues traditionnel des années 50 en lui donnant une tournure plus tordue ("...with a twisted"). - D'ailleurs certaines chansons ne sont rien d'autres qu'un hommage à leurs héros des douze mesures. -
Cela en essayant d'éviter les clichés du Rock (mais on en retrouve tout de même forcément quelques uns).
Un son lourd dispensé par un accordage en drop-C (soit Do Sol Do Fa La Ré ou C G C F A D) ; un accordage généralement utilisé par certains groupes de Métôl pour favoriser un son plus lourd. En plus, Jabo utilise des guitares Reverend (1) qui semblent privilégier les fréquences graves et aiment se rouler dans le grayou. Toutefois, on reste loin du Stoner, ou de Black Sabbath.
Quant à la basse de dUg, elle tutoie parfois celle de Jack Bruce à l'époque de West, Bruce & Laing (mais la comparaison s'arrête là, car les frères Bihlman sont moins vindicatifs, lourds et déjantés que Leslie et Ginger). On regrette alors qu'elle ne soit pas légèrement plus en avant.
Le tout sans perdre le côté simple et fun de la musique.

     Dans l'ensemble, rien de vraiment nouveau... si ce n'est un Hard-Blues sincère, à l'image de la photo du disque : sombre comme un ciel saturé de dioxyde de carbone, solide comme l'acier, encrassée par l'activité urbaine, et à la structure piquée de rouille (les émanations d'oxygène brassées par un Mississippi capricieux ?).  Une coloration urbaine revendiquée en dépit d'une batterie aux sonorités nettement boisées.

     A ce jour, il semblerait que Grinder Blues soit ce que dUg Pinnick ait fait de mieux depuis l'aventure King's X.

"Si nous sentions que nous nous dirigions dans des chansons qui ressemblaient à des standards du blues, lyriquement ou musicalement, nous avons aussi virer dans la direction opposée". "Les sessions d'enregistrement sont devenues comme une peinture de Jackson Pollock, en éclaboussant les idées musicales sur la toile" dixit dUg Pinnick
  1. Don't Go Home  -  4:14
  2. Wild One  -  4:21
  3. Burn the Bridge  -  4:20
  4. Grinder Blues  -  4:16
  5. Train  -  4:16
  6. Worried Mind  -  3:23
  7. It ain't Easy  -  4:08
  8. Woke up this Morning  -  5:45
  9. Chuck Berry  -  3:59
  10. Tx to Ca  -  3:36
(tous les titres sont signés Pinnick, Bihlman, Bihlman)






(1) Guitares américaines comptant parmi ses utilisateurs Billy Corgan, Dan Auerbach,Carl Verheyen, Kid Rock, Mark Knopfler, Bo Ramsey, Ian Moore, Zach Meyer, Kerry Livgren, Tim "Too Slim" Langford, Tito & Jermaine Jackson, Reeve Gabrels, Marc Ford, Ron Asheton. Pour n'énumérer que les plus connus.

"Burn the Bridge" dont l'intro, et le refrain, ne sont pas sans évoquer ceux de "Hangman Jury" d'Aerosmith. Qui, eux-même, sont inspiré d'un vieux Blues qui remonterait aux Works Songs.

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