samedi 5 septembre 2015

Frédéric DARD alias SAN-ANTONIO – San-Antonio chez les Mac – Par Claude Toon



Chronique dédiée à l'un de nos plus fidèles lecteurs qui se reconnaitra…

- B'jour M'sieur Claude… Tiens un San-Antonio sur vot' burlingue, ça fait drôle un roman populaire entre un coffret Chostakovitch et un opéra de Debussy !!!
- Héhé bibiche, z'ètes pas en cloque par hasard ? On dirait qu'il y a promo sur les melons vendus par deux, recto et verso quand je vous mate… haha !!
- OH !!! M'sieur Claude, avec tout mon respect, quelle grossièreté envers moi ! Vous avez fumé la moquette ou quoi ?
- Désolé mon petit, juste un essai pour savoir si je suis un poil crédible dans le rôle du commentateur de la fine prose de maître Frédéric Dard…
- C'est vrai, j'en ai lu deux ou trois, cet auteur n'a peur de rien, on ne comprend pas toujours tout, c'est la quintessence de l'art-gothique, de la figure de style délirante…
- Comme vous le dites. Aller, je me jette à l'eau (dirait la grenouille) comme gribouille pour rédiger le brouillon et ne pas passer pour un couillon aux yeux de mon commanditaire…


Frédéric Dard (1921-2000)
Eh merde, quel con !!!! (Pas le lecteur fidèle, moi)
Pour rédiger ma bafouille j'avais choisi, l'œil brillant, San-Antonio chez les Mac (1961), m'imaginant une histoire bien troussée (forcément) quelque part entre les rues Saint Denis et Barbès avec un commissaire San-Antonio pratiquant les fouilles au corps, et un Bérurier hyperactif dans les enquêtes de proximité auprès de ces dames. L'inspecteur ventripotent à la recherche des perles rares du plus vieux métier du monde (origine de l'expression "enfiler des perles"). Trahi par mes mirettes collector, mes lorgnons (-2.00 +2.00 75/85 2.75) et un popol complice, je n'ai point assez reluqué la typo du titre avec le M majuscule, ni la demoiselle en kilt et en couverture (deux accessoires qu'elle balancera promptement) sirotant un glass de… Whisky. Mac Hache pour la fesse et son p'ti commerce, et direction les Aïe landes et les trafics de Whisky Mac Machin assaisonné à la came comme on va le zyeuter plus avant. Pas trop en carafe du coup votre Toon car il aime le single malt (à boire modérément Philou) et, par ailleurs, la galipette fait toujours partie intime de la narration chez l'auteur. Sniff, de la neige diluée dans du bon scotch, l'Apocalypse !
Dans la rédac, on s'interroge sévère sur le Toon plongé dans la gauloiserie entre la mets-ta-physique mortifère du Gustav et le contrepoint du père Bach (un point à l'endroit, un point à l'envers). Ben, comme avec Paul Sacher et ses commandes aux musiciens majeurs souvent mis à l'index au XXème siècle, je réponds à une commande d'un lecteur fidèle avec qui nous nous frittâmes comme des barbares il y a deux trois ans par commentaires venimeux interposés. Avec le temps, pax domine (comme dit sa sainteté le Pape) et enterrement en grandes pompes (48) de la hache de guerre. Et voilà comment en ce matin frisquet, je tartine un commentaire de texte à propos de la grivoiserie dans la littérature policière.

Ahhh mes chers lecteurs, pas trop déçu par cette tentative hépatique (comme dirait Pat) d'introduire le sujet (pas Sonia) à "la manière de". Foxy avait déjà abordé et encensé Frédéric Dard par le biais de coms sur ses romans noirs écrits d'une manière plus classique (Clic). Une autre facette de l'écrivain, comme Simenon alignant les Maigret d'un côté et, d'un autre, nous bouleversant avec des drames de mœurs comme le chat (Ah… Gabin et Signoret dans l'adaptation ciné !). Continuons : il y a ceusses qui ont déjà bouquiné les délires san-antoniesques et les autres à affranchir.
Les personnages récurrents :
Commissaire San-Antonio : Bellâtre inépuisable, ingérable, au bourre-pif facile, qui a oublié ou n'a jamais appris le code de procédure pénal. Atteint du syndrome de Priape, il conquiert toute personne ayant un génome XX, avec une aisance à démoraliser tous les mâles standards. Se fout toujours dans le pétrin en menant des enquêtes emberlificotées aux suspects surabondants, mais les résout en deux pages à la fin de l'intrigue. La méthode de Hercule Poirot dans Agatha Sacristie, mais avec les baffes, les hématomes et les coïts improvisés en plus. Vit chez maman (rarement) nommée Félicie.
Inspecteur Bérurier : Obèse, cradingue, mal rasé, bouffe comme un boa (un plat ou un casse-dalle = 1 bouchée), marié à Berthe, une monstruosité anatomique dénichée au muséum, galerie tératologie. Plus malin qu'il n'y parait, débrouillard et risquetout. La torgnole tarée à 120 kg pour les interrogatoires. Cause pire qu'un charretier. "Foutre-fichtre, je m'a fadé the last papelard du Toon sur le sé-ria-lisme. Un truc de dingos : se farcir une douzaine de thons à la suite. Une idée de deux boches dont les blazes chutent en berg…. Et blablabla". Vous voyez le genre du discours et de la culture (on peut enlever le "ture"). Lui aussi, la testostérone au taux plafond et le braquemard plus actif que le Vésuve. Complice favori des aventures du commissaire.
Sans oublier Le Directeur, alias Le Vieux, Peau de Fesse, etc. Procédurier, pinailleur, mais bon prince avec S.A. qu'il a "démissionné" x fois et réintégré dès que les malfaisants sont coincés. Pinaud, un inspecteur qui seconde le commissaire quand il a le temps, le fonctionnaire de police passant son temps à préparer des fils de pèche et des mouches ! Pas celles satellisées autour de la tignasse graisseuse de Berurier. Dommage, il y aurait de l'économie dans le principe. Bon je vous narre l'intrique de ce polar :
San-Antonio a pris un p'ti congé chez un tonton qui lui casse les esgourdes et les noix avec ses exploits à Verdun. Faux coup de fil, S.A. fuit les tranchées par le train et lève une rouquine motivée dans l'accordéon séparant deux wagons. Roucoulade puis roulage de patin (pas d'essieux) dans un tunnel. Essayez ça, vous, et direct les assises pour harcèlement… Hélas pour S.A., pas de phase post préliminaire, car Le Vieux bigorne à pas d'heure et l'envoie dans le monde chic où un troupeau de notables réuni par le sieur Léon Petit-Littré déglingue ferme après un symposium au Whisky à gogo. S.A. - il assure ce flic - déniche un blended Mac Gregor à l'arrière-goût de narcotique !! Deux problèmes sinon rien. On ne trouve ce millésime distillé par Miss Daphné Mac Gregor qu'en Écosse et Le Vieux ne veut pas d'enquête officielle éclaboussant la haute société. Et c'est ainsi que S.A. et Le Béru s'envolent taquiner Nessie (car il y en aura un) et démêler l'embrouille. Quelques cadavres, Béru noyé dans une barrique de single malt (pas de bobo, il est mithridatisé le gros), Béru engagé chez les Mac Gregor comme Maître d'hôtel… Bref la loufoquerie d'une enquête qui n'avance guère Dard-Dard (je ne pouvais pas la louper) mais disperse à gogo les pépites-du-récit et nous ballade vers une chute renversante. La rigolade surgit du style de l'auteur…

J'attaque l'analyse logique et grammaticale encadré par les deux petits roberts de Sonia (noms communs et noms propres… heuu vous pensiez à quoi ?). Frédéric Dard dynamite la langue française comme un certain Rabelais. La collection San-Antonio représente la méthode Assimil ultime de l'argot. Historiquement, l'argot permettait aux malandrins et brigands de communiquer secrètement en un temps ou le portable jetable n'existait pas !! (Le Deblocnot : un puits de culture). L'astuce de l'écrivain consiste à les saupoudrer dans le flot des phrases en langage humain de base, de façon à nous faciliter la transposition en mots usuels. Question figures de style, voilà le tsunami : les métaphores de quelques mots à une page. Parfois longuettes mais d'une imagination folle. Les noms des personnages regorgent de calembours rigolos ou vaseux. Le récit butine de la blague carambar à la vanne de collégien en passant par la diatribe philosophique maltraitée. Comme Ferré, Frédéric Dard (ils se connaissaient) honnit la prose qui rampe vers le rince-doigt. Dernier détail, les péripéties prennent la forme d'un récit sous la plume du commissaire himself. De fait, toutes les répliques sont suivies d'une apposition comme "ajoutais-je", "précisais-je", ou encore "demandé-je" : un artifice et même une faute d'accord volontaire qui exige un accent pour satisfaire la liaison. On ne trouve cette formulation que chez S.A. pour épicer les dialogues et faire précieux…
On pourra détester ce style parfois grivois, on adorera ou, le plus souvent, on lira une de ces histoires sans queue ni tête mais avec beaucoup de tétons. 175 volumes à la suite peuvent saouler la tête par les redites à l'instar de l'écoute en continue des 555 sonates de Scarlatti pour lorgner vers mes chroniques habituelles. Une dizaine, c'est cool, mais plus, on coule dans la pioncette…
Une seconde lecture avec le titre "Tout le plaisir est pour moi" : S.A. a une nuit pour prouver qu'un gars devant être raccourci à l'aube est innocent. Problème le condamné s'accroche à sa culpabilité… Bizarre et toujours rigolo.
S.A. systématiquement drôle ? À voir. Dans un style sarcastique et cynique inénarrable, Sans-Antonio met en scène des pantins monstrueux qui s'agitent dans leur merdier. Derrière la farce, l'auteur théâtralise des vraies brutes qui portent chic mais assassinent et fricotent des coups tordus dans la plus pure immoralité. Assassins bourgeois ou ratés ambitieux, bien sapés, le petit doigt en l'air pour prédater en beauté. Des guignols détestables une fois la dernière page tournée. Les moches, crasseux et gouailleurs, qui baisent comme des gallinacés, on les aime mieux, jusqu'à souhaiter descendre un petit ballon de rouge avec eux (après avoir essuyé le verre), ne serait-ce que pour participer au concours de vannes et de calembours… Une comédie humaine goguenarde, déjantée, poilante mais un rien misanthrope. Frédéric Dard se foutait d'occuper une place quelconque dans  le best of de la littérature. Il avait raison, c'est à cela que l'on reconnait les écrivains sincères face aux bobos littérateurs du tout Paris. Dans le reportage ajouté à la fin, l'auteur témoigne "en avoir chié" à écrire ses calembredaines. Je veux bien le croire à la fin de ce billet…

Henri Calvin
S.A. au cinoche : Attention, il est illusoire de tenter une approche de la douce folie rédactionnelle de la saga San-Antonio à travers le visionnage des quatre nanars (plutôt navets) tournés pour la toile. Impossible de transposer le feu de Bengale verbal des romans.
Quant aux personnages aux faciès caricaturaux, leur attribuer la tronche d'un acteur connu sera toujours vain. Si pour le sémillant et sexy commissaire, un Gérard Lanvin peut donner illusion, que dire de Depardieu qui reste Depardieu et n'a en rien la bouille de Berurier…
Un seul acteur aurait pu nous y faire croire, le comique américain Henry Calvin devenu le sergent Garcia pour l'éternité dans la série TV Zorro de Disney. Une dégaine pareille, ça ne court pas les rues.  
Bon, pour l'exhaustivité de l'article, la liste :
Commissaire san antonio "sale temps pour les mouches" de Guy Lefranc (1966) avec Jean Richard dans le rôle de Berurier et Gérard Barray dans celui de M'sieur le commissaire, des dialogues de Michel Audiard (!). Oublié, oubliable et inexistant en DVD. Trois autres films ont été adaptés de l'œuvre de Frédéric Dard : Béru et ces dames en 1968, avec les mêmes réalisateur et comédiens. A suivi San-Antonio ne pense qu'à ça en 1981 de Joël Séria avec Pierre Doris et Philippe Gasté. Bref une série de navets hors sujet. Et pour finir San-Antonio en 2004 avec le duo Lanvin-Depardieu, bof.

Deux vidéos : 1 - Frédéric Dard évoque ses amis, la littérature moderne, son œuvre. Passionnant. 2 - L'auteur dans l'intimité en Suisse avec ses enfants, sa machine à écrire et ses "poulets", un ami des animaux...


2 commentaires:

  1. Hé les aminches ! Il a pas eu le traczire de baragouiner l'argomuche le père Claude ! Seulement, il faut y traver quelques chose a la langue d'auguste le breton. A quand une chronique en largonji des louchébems ?

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  2. Il y a tous ces calembours et expressions d'argot, mais aussi, cette manie de s'adresser directement au lecteur. Par exemple, c'est Dard qui va dire que pour finir son chapitre, il lui reste deux paragraphes, contractuellement, mais il a la flemme, décide de ne pas écrire la fin du chapitre, et que de toutes façons, il se démène pour rien parce que le lecteur est un con qui ne mérite pas de lire une aussi belle prose... etc... Dard se flatte lui même et insulte son lecteur !!

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