vendredi 4 septembre 2015

GET ON UP de Tate Taylor (2014) par Luc B.



C’est toujours le même problème avec ce genre de film. Qu’est ce qu’on choisit de raconter ? L’ascension fulgurante, l’artiste légendaire, le musicien génial, la vie privée, la face sombre du personnage. Parce qu’avec James Brown, on est servi ! Pas besoin d’en rajouter dans le mélo ! Entre le gamin pauvre, battu, puis abandonné (aux bons soins d'une mère maquerelle), les passages en maison de correction, en taule, qui sera repêché par la Grâce de Dieu et du Gospel, mais titillé par les démons du Rhythm’n’blues, sa révolution Funk, le leader de la cause Noire, le hardest working man in the show business, l’accro à la coke armé jusqu’aux dents qui tire sur tout ce qui bouge… Y’a de quoi remplir un sacré scénario. Et forcément, en 2h15, on ne peut pas tout raconter…

Tate Taylor opte pour le puzzle, moins que pour la chronologie. Et choisit de débuter son film par le James Brown cocaïné et paranoïaque, qui débarque dans ses bureaux un fusil à la main, bien décidé à identifier celle ou celui qui a osé se servir de ses chiottes. Avant de revenir à la prime enfance en Caroline du Sud (mère prostituée et père violent) puis repartir au TAMI Show, où Brown, déjà vedette, doit céder la place à de jeunes blancs-becs : The Rolling Stones

Pour jongler entre les époques, j’ai aimé le principe du regard caméra, James Brown s’adresse directement au spectateur, le sourire en coin, ce qui dynamise le récit et nous fait apparaitre le personnage très lucide de son talent et de sa place dans l’Histoire ! 

Mike Jagger est co-producteur du film. Ce qui devrait en asseoir la crédibilité. Les reconstitutions musicales sont effectivement bluffantes, la musique tient une large place. Mais je reproche de ne jamais voir et entendre James Brown dans l’environnement de l’époque. Avec ses Famous Flame, il tombe sur une prestation d’un jeune pianiste hurleur natif du même coin : Little Richard. Mais quid des autres ? Sinatra, Presley, Ray Charles, BB King, Stevie Wonder ?... Le film donne trop souvent l’impression que James Brown était le seul musicien des Etats Unis, et qu’il a créé le Funk en 10 secondes ! Où est le sous texte musical ?

Ce qui intéresse Tate Taylor, c’est l’aspect business plus que l’artistique. La manière dont James Brown gère ses affaires, devient producteur, éditeur de ses chansons, se sort des griffes des maisons de disques pour être son patron (le financement du fameux « Live at Appolo » en 1963), comment il gère les ressources humaines (musiciens salariés, on s'appelle Monsieur... et amendes de 50 dollars pour retard, impertinence, fausse note). 

Si le film s'attarde sur l’entrepreneur James Brown (la success story…), c'est parce que c'est plus simple ! C'est concret, informatif. Mais filmer le talent, la création, est moins aisé (ce que Milos Forman réussissait dans AMADEUS, ou Clint Eastwood dans BIRD). Quid de la composition des titres, des enregistrements, du rôle de Bobby Byrd, de Macéo Parker, des mises en place des show ? Comment passe-ton du R'n'B "Night Train" ou "Kansas City", au radical et funky "Cold Sweat" ?
  
Une seule courte scène donne une clé, lorsque James Brown demande à son guitariste : - tu joues de quoi ? - de la guitare… - non ! tu joues de la batterie !! Et au saxophoniste : - tu joues de quoi ? - euh, du sax… - non, de la batterie aussi !! La mélodie, les harmonies, les enchainements d'accords importent désormais moins que la seule pulsion rythmique. Mais ça, dans le film, c'est pas franchement expliqué ! 

La seconde partie passionne moins, on reste informatif, plus en surface (assassinat de Martin Luther King, les Droits Civiques). Si les aspects sombres du personnages ne sont pas éludés (égo, violence, drogue) on survole plus qu'on cherche à analyser, comprendre. Le format cinéma est-il adapté à ce type de personnage ? Les documentaires comme ceux de Martin Scorsese sur Dylan ou George Harrison, en disent dix fois plus, et mieux.

L’acteur Chadwick Boseman se démène, hurle, sue, danse, sa prestation est brillante. Dans le film, avec sa coupe afro, je lui trouve des faux-airs de Jimi Hendrix, dont on attend aussi le biopic. Et on est toujours content de revoir Dan Aykryod.

GET ON UP a fait un flop retentissant (alors que RAY, WALK THE LINE, TINA ont bien fonctionné). La caution Jagger n’a pas suffi. Non pas que le film soit mauvais. Il démarre très bien, reste honorable, mais finalement assez sage, propre (que pouvait-on attendre du réalisateur de LA COULEUR DES SENTIMENTS ?...), loin du bouillonnement funky que Mr. Dynamite aurait mérité !    

Couleur  -  2h20  -  scope 2:35    

ooo

2 commentaires:

  1. Je dois avouer que personnellement, je n'ai pas pu le regarder jusqu'au bout. Ce film m'a gonflé, je l'ai trouvé pénible, le scénario simpliste au possible, du style "il faut que le public américain comprenne et il est un peu con". L'histoire des chiottes au début, ce n'est pas l'anecdote la plus drôle ou la plus folle de Brown parano, et effectivement, toute la partie création, qui est énorme pour un musicien qui va produire entre un et deux disques majeurs par an pendant 15 ans, est totalement éludée. Non franchement, quitte à s'intéresser à l'histoire de James Brown, autant lire l'excellent livre de Philippe Manoeuvre sur le sujet, très bien écrit.

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  2. J'ai moi aussi été assez déçu par ce biopic. Pour toutes les raisons évoquées justement ici. Par Luc et Budgie.

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