jeudi 10 septembre 2015

UN PASTICHE SINON RIEN ! Par Pat Slade



                                          
"Je ris car j’aime le pastiche" Henri-Louis Pernod (1776-1851)




De la Satire au Délire




Un pastiche n’est pas un apéritif anisé prononcé avec un fort accent Auvergnat. Prenons la définition : «Oeuvre artistique ou littéraire dans laquelle l’auteur imite en partie ou totalement l’œuvre d’un maître ou d’un artiste en renom par exercice, par jeu ou dans une intention parodique». On trouve le pastiche dans tous les domaines de l’art, de la littérature (Rabelais, Proust…), la peinture (Bourdon, Giordano…), le cinéma (Mel Brooks et la plupart de ses films : «Frankenstein junior», «La folle histoire de l’espace», etc.), la presse (Le Gorafi) et la bande dessinée qui, dans son domaine, a été pastichée quelque soit l’école, Belge, Française ou Américaine et les auteurs s’en sont donnés à cœur joie.

Le père du genre pourrait être le portugais Rafael Pinheiro (1846-1905) qui édita plusieurs journaux misant sur le style - le dernier s’appelait « A Paródia » (La Parodie). Mais à l’époque, c’était plus un journal satirique qu’autre chose, un prototype d’« Assiette au beurre » portugais ou le « O Pato Encadeado » (En français : « Le Canard Enchaîné ») avant l’heure. Mais nous sommes dans le genre satirique qui plus tard nous donnera « Hara-Kiri » et « Charlie-Hebdo ».

Le pastiche dans la bande dessinée a pour vocation première de plonger des personnages dans des situations où l’on ne les aurait jamais vu auparavant dans les albums originaux. Le premier du genre restera l’héroïne d’Emile-Joseph-Porphyre Pinchon : Bécassine. Quelques esprits mal pensants vont vite se demander que cache la bretonne sous sa robe verte et iront jusqu’à imaginer sous la plume ou le crayon une Bécassine sexy en guêpière avec des bas de laine rouge et blanc. D’autres dessins ou montages photo mettront la bretonne dans des tenues plus dénudées comme une couverture de « Bécassine aux bains de mer » ou l’héroïne arbore un monokini.







L’école Américaine





Au pays des Marvel comics et de Batman, les pastiches vont aussi faire des ravages parmi les rangs des supers héros. Dans ce pays où, à une époque, le puritanisme et la pudibonderie étaient pourtant de mise, les états Unis vont se lâcher très tôt dans la satire et le pastiche de leurs héros de bandes dessinées. Dès 1940, des fanzines comme «Exciting Comics» créeront des aventures de héros de pacotille accompagnés de pulpeuses demoiselles au formes généreuses, un journal sans prétention dont les G.I américains s’abreuvaient pendant la seconde guerre mondiale. Bien plus tard, un journal appelé «Action Camus» reprendra le style d’après guerre où l’on peut voir un Superman appelé l’étranger un peu looser. 

Mais la grande évolution, pour ne pas dire révolution arrivera en 1952 avec Harvey Kurtzman et le journal «Mad» et sa belle brochette de cinglés du pinceau comme Mort Drucker (Non ! Rien à voir avec Michel !), Don Martin, Angelo Torres et le grand Wallace Wood qui ne donnera pas sa part aux lions pour traficoter les histoires dans son album »fées en folie» en 1977 au Editions du Fromage (L’Echo des Savanes). «Alice au pays des merveilles», «Hansel et Gretel», «La belle au bois dormant» et autres personnages de contes célèbres en prendront pour leurs grades.     


Qui n’a jamais rêvé de voir Wonder Woman nue ? De voir Spiderman gros (Voir la vignette en début du chapitre) ? De voir Batman rouler une pelle à Robin ? De voir tous les personnages comme Tom et Jerry, la Panthère Rose, Bugs Bunny dans des positions plus que scabreuses ? Et bien avec le pastiche, tous les fruits de votre imagination vous seront offerts, le crayon du dessinateur les réalisera. En France, le dessinateur Roger Brunel a sorti dans les années 80 plusieurs albums de pastiches (Non ! Pas 51 !!) Un sur l’école américaine où tous les personnages comme Pim Pam Poum ou Félix le chat sont présents et plusieurs albums sur l’école Franco-Belge.




L’École Franco-Belge





La France sera plus frileuse pour pasticher les personnages les plus emblématiques de sa culture du neuvième art, mais nul ne peut échapper aux coups de crayons de ces dessinateurs de l’imaginaire. Astérix le premier, qui sous la plume d’une cohorte de gribouilleurs, va être mis à sac dans «Les Invraisemblables Aventures d’Istérix» Parmi les dessinateurs, on pourra trouver Coyote, le créateur de «Litteul Kevin» (qui vient de décéder au moment même ou j'écris ces mots et auquel Bruno a rendu un vibrant hommage). Le dessinateur Belge Jens Jeddeloh va pondre un «Alcolix» en 1989 où l'on peut y voir des apparitions de Gaston, Lucky Luke et Mike Blueberry, mais il va surtout aussi faire dans les pages de l’album un «Zinzin au Moyen Orient» ou l’on retrouve Tintin à Beyrouth : un truc complètement réactionnaire où Tintin travaille main dans la main avec Georges Bush. L'histoire se terminera par l'explosion nucléaire sur la capitale du Liban. Roger Brunel, encore lui, fera «Aspénix le Grivois»... sans commentaire...! Surtout quand Obélix devient Obsédix et que ses menhirs ont une forme très «érectile». Tout le gratin de la BD y passe, Tanguy et Laverdure (Tandur et Laverguy), Michel Vaillant (Michel Braillant), Iznogoud (Ziznogod), Les Pieds Nickelés (Les Pieds Nickés et Les Pieds Niqueurs), Rahan (Haran) et plein d’autres encore. 

L’école Belge reste et restera à ce jour la plus prolifique en termes de personnages et d’artistes dans le domaine B.D. et, évidemment, les pasticheurs ont généreusement pioché dans les éditions Dupuis. Natacha, l’hôtesse de l’air de Walthéry et Yoko Tsuno de Leloup ont perdu leurs tenues d’héroïnes pour se retrouver dans le plus simple appareil !!! Des schtroumpfs un tantinet pervers essayent de coincer une schtroumpfette nymphomane et finiront à la queue leu leu, emboîtés comme des legos. Un album venant des Pays Bas intitulé «Sex in Smurfenland» (Smurf en anglais comme en néerlandais est la traduction de Schtroumpf) représente un schtroumpf derrière la schtroumpfette, à croire que les dessinateurs ont une préférence pour la petite lèvre (La Levrette)


Avec Lucky luke, il n’y aura aucune surprise, ce sera «L’homme qui «tire» deux fois plus vite que son ombre». Il existe aussi un pastiche hollandais «De Sex Avonturen Van Lucky Luke», je ne peux pas traduire le titre ne comprenant pas le néerlandais (mais vous voyez l'idée). Un album entier lui sera consacré où son nom deviendra Rocky luke. «Banlieue West» paru aux éditions Vent d’Ouest regroupe toute une flopée de dessinateurs haut de gamme comme Krebs, Mulatier, Roba, Tillieux, Solé, Margerin, etc... Pas loin d’une trentaine d’artistes et même son papa Morris apparait en auteur de la préface. 


Gaston aussi aura droit à des aventures détournées de son quotidien de gaffeur. Depuis le nombre d’albums que ‘Moiselle Jeanne lui tourne autour... il fallait quand même conclure, comme dirait Jean-Claude Dus. Même si cette dernière se laissera aussi aller à un petit plaisir manuel avec Mr Demesmaeker qui devient pour la circonstance Mr Defesmaker. Tout comme Lucky Luke, paraîtra un album de cover «Baston : La Ballade des Baffes».     
 

Tintin au Pays des Pasticheurs



J’ai longtemps été un tintinologue et un tintinophile. Je collectionnais tout ce qui avait un rapport avec le personnage d’Hergé, et celui qui va payer le plus cher tribut parmi les héros de bandes dessinées reste le reporter en pantalon de golf flanqué de son clébard blanc. Ce sont surtout des couvertures fictives, des affiches et des cartes postales, plus rarement des récits complets. Les détournements aux titres les plus désopilants et aux dessins les plus audacieux apparaîtront sous la plume de dessinateurs connus ou pas qui se lâcheront en imaginant Tintin dans les bras d’une Castafiore au décolleté affriolant ou dans des pays et des endroits les plus improbables où même Hergé n’aurait jamais imaginé l’envoyer. Voici quelques titres sortie de la tête de ces grands malades que sont les pasticheurs : «L’orteil cassé», «L’affaire Tourne au Sale», «On a Marché dans la Merde», «Les Ringards du Fanpharaon», «Les Poils Mystérieux», «Objectif Foune» et un «Stock de Coke» qui aurait pus très bien marché en Colombie. 


De plus, Tintin va parcourir la planète au delà des frontières que nous lui connaissons au sein de ses albums. Le reporter ira en Thaïlande, à Beyrouth, au Salvador, en Palombie (Pays imaginaire que l’on trouve dans les aventures de Spirou et écosystème du marsupilami), en Angleterre, en Irlande, au Vietnam, à Istanbul, en Nouvelle Calédonie, au Québec, en Suisse (Même si le petit reporter y a trainé ces guêtres dans «L’Affaire Tournesol») et il visitera le pays puisque qu’on le retrouvera à Fribourg et à Genève. On continue avec le Sri Lanka, l’Irak, à Saïgon, à Londres, New York, Bruxelles, à Djibouti, en France, à Paris, à Biarritz, en Normandie, au Luxembourg, au Gabon, à Mururoa, à Grenoble, en Euskadi (Pays Basque) et on le retrouvera même sur Mars. Tintin, Haddock, Tournesol et tous les autres personnages vont êtres mis dans des situations dans lesquelles on aura du mal à les imaginer : le professeur Tournesol épousant une Castafiore adipeuse et nue, un Haddock en tenue gay cuir enlaçant un Tintin souriant, une Castafiore les seins à l’air prenant un bain de mer dans «La Castafiore à Saint-Tropez» et ne parlons pas des amours zoophile de Tintin (Qui la plus part du temps est renommé Zinzin) avec Milou quand ce n’est pas avec le yéti dans un «Tintin entubé». Donc pas toujours très subtil...




On trouvera quand même quelques histoires très courtes de trois ou quatre pages comme «Tientien en Bordélie» dans l’album de Roger Leloup «Pastiches l’école Franco-Belge», « Tintin au Congo à Poil» ou le reporter est mis à égalité avec Milou et sexué, ce qui le rend ridicule face aux autres personnages qui restent habillés. Le colonialisme et le racisme de l’album passe complètement à la trappe. Il est impossible de parler de tous les détournements sur le héros belge sinon la chronique prendrait au moins deux parties. Pour vous faire une petite idée des albums détournés vous pouvez cliquer sur ce lien : http://nikosolo.voila.net/Pastiches_Tintin.htm

Je tenais a faire un lien avec Facebook, il existe une page qui s’appelle «Un faux Graphiste» (https://www.facebook.com/unfographiste?fref=ts) ou les dialogues des dessins de Tintin sont détournés, ce qui donne des situations hilarantes à souhait.

Quand le politiquement correct peut vite devenir incorrect, avec le pastiche, l’imagination prend le pouvoir !! 

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