lundi 12 octobre 2015

Harlan COBEN – Six ans déjà (2013) – Par Claude Toon




Il y a quelques semaines j'écrivais qu'après avoir boudé pour cause de rabâchage les romans récents de Harlan Coben, je m'étais réconcilié avec cet auteur avec TU ME MANQUES, une histoire de criminel en série originale et très noire (Clic). Du coup j'ai voulu poursuive ce retour en lisant SIX ANS DEJA, un ouvrage écrit en 2013. J'aurais dû me méfier rien qu'à la lecture du titre, connaissant le goût compulsif de l'auteur pour les histoires de fugues d'ado, de disparitions, d'enlèvements, de séquestrations, de personnages qui ont trafiqués leur CV ou leur bulletin de naissance. Dans tous les cas, un héros devra retrouver l'innocent disparu et châtier le méchant ! La quintessence du roman de gare dont on oublie absolument tout après avoir refermé le bouquin.

Jake désespéré ??? Non ! Courbet, mais il y a de ça...
Alors là mes amis, c'est gratiné ! Je résume l'intrigue : Six ans en arrière (d'où le titre) Jake Fisher assiste déconfit au mariage de la belle Nathalie dont il est éperdument amoureux et qui, au dernier moment, a rompu pour épouser Todd, un type rencontré on ne sait pas où, un peu vieux pour elle (c'est Jake qui le dit, forcément). Jake est quand même venu assister à la noce… Il y a des mecs un peu sadomasochistes. Moi j'aurais lâché l'affaire, mais je ne suis dans le bouquin et je ne m'en plains pas ! Bizarrerie : Nathalie le remarque et lui demande (exige) de promettre de ne plus jamais essayer de la rechercher ni même la contacter… Un peu chienne, vous avouerez…
Bref six ans passent. Le Jake ne s'est jamais vraiment remis de ce qu'il croit être une trahison. Il exerce son job de professeur de lettres dans une petite faculté US. Il n'a jamais tenté de se refaire une vie. Ô ce n'est pas la déchéance, mais la routine, juste un pote, Benedict, pour mater la télé et boire des bières (Philou sort de ces corps). Super coup de théâtre dans cette morosité déjà entrevue dans des milliers de romans, le syndrome du vieux garçon qui n'a pu concrétiser avec l'amour de sa vie : le pavillon, le 4x4, 3-4 mômes, un fils qui joue au base-ball pendant que l'adolescente investit sa blondeur comme pom-pom girl et sans oublier le labrador. Bon je m’égare, je vanne. Coup de théâtre disais-je : dans la nécro de la feuille de choux de la faculté, un scoop : Todd est mort ! (il a même été torturé puis assassiné apprendra-t-on plus tard). Cool, la place est de nouveau libre… Si Flaubert ou Maupassant avait lu cette intro, ils auraient changé de métier. Jake se rend aux obsèques pour tâter le terrain… Bordel ! La veuve  n'est pas la bonne Nathalie et en plus elle se traîne un ado de 17 ans ! On m'aurait menti pense Jake à l'esprit alerte ?

Où est passée Nathalie, c'est un peu flou
Jake avait promis et tenu promesse à Nathalie, mais du coup l'engagement est caduque, comme la résiliation de fait d'une assurance, article 23-4 alinéa b. Jake part à la recherche de Nathalie (Pardon ? vous vous y attendiez ? désolé). Bon alors mes chers lecteurs, vous connaissez déjà la suite : Nathalie n'a jamais existé, aucune trace… Même une copine de Jake (copine de boulot, holà, pas de méprise…) qui a bossé au FBI ne trouve rien. Nathalie a disparu, a été effacée de la carte des 50 états américains. On ne la trouve même pas zone 51…
C'est un gars têtu le Jake… Il retourne dans le petit bled ou il avait rencontré plus de six ans auparavant Nathalie dans un refuge pour artistes qui cherchaient à percer. Il pose des questions et les réponses on les devine aussi facilement que lors d'un combat intellectuel avec un puzzle Mickey de quatre pièces : "Pardon, quoi ? Non, il n'y a jamais eu de centre pour artistes ici" ou encore "non mon fils, je n'ai jamais marié ces personnes, il n'y a rien dans le registre d'ailleurs". C'est un sanguin Jake, il n'aime pas que l'on se foute de sa gueule surtout quand on lui fait comprendre qu'il vaut mieux qu'il lâche l'affaire… Si le grand psy Coben voulait nous démontrer par sa prose que l'amour absolu rend con, c'est gagné !!!
Il va s'obstiner pour démêler ce sac de nœuds, car ce roman correspond bien à cette expression : sac de nœuds. Des dizaines de personnages s'agitent dans une histoire confuse et invraisemblable (Pourtant la base de l'intrigue est sympa). Rapidement, Jake va s'apercevoir qu'il a tenté le diable, il maque de se faire buter par des tueurs nommés Otto Devereaux (ça sonne mi nazi mi truand des bayous) et Danny Zucker… Il va même en tuer un. C'est un balaise Jake. Coben croit bon de préciser qu'il a été videur de boite de nuit pour payer ses études… Ça a suffi comme entraînement pour en faire un Rambo. L'une des grosses ficelles rencontrées à la pelle dans ce thriller mal tricoté.

On s'y perd dans le pourquoi du comment entre les faux profs, les vrais gangsters, les chausse-trappes, la vielle mère de Nathalie qui joue les gâteuses. On rencontre plus de protagonistes que dans les Misérables de Hugo. Toute comparaison s'arrête là. C'est mal écrit et répétitif. Malgré les cadavres qui s'accumulent, Jake balance des blagues comme un John Wayne réinventé par les Monty Python. Un seul point positif, enfin pas vraiment, c'est court ! Pas vraiment positif, tant cette concision conduit à accumuler les transitions confuses.

Bon je n'ai pas trop aimé, ça se voit à mon propos… Cela dit, pendant une grève SNCF ou un retard de train (le résultat est le même), ça peut occuper… Lire plutôt le punchy TU ME MANQUES (Clic). Question : et si Harlan Coben, ne s'était pas pastiché lui-même ?

Ah, pour conclure dans l'ironie : Coben bouscule avec brio les conventions des chutes traditionnelles de thrillers ; Jake et Nathalie vivent sous des faux noms au Nouveau-Mexique, grâce à Schwarzi l'effaceur (pas loin de la zone 51). Nathalie a une alliance au doigt ("Arrêtez de chialer Sonia")… Pour le clébard, le chiard et la tondeuse à gazon, attendre la suite : SIX ANS PLUS TARD.


2 commentaires:

  1. le livre devrait être vendu avec deux doliprane 1000

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  2. Il m'est arrivé la même chose il y a peu de temps, dans une librairie, je cherchais la suite de "Ne le dis à personne" :
    - Comment monsieur, un livre de qui ? Harlan Coben ? Je suis désolé, ce nom n'existe pas, aucun écrivain s'appelle comme ça, je suis dans le métier depuis 30 ans, je le saurais... N'insistez pas, et laissez mes clients tranquilles, ne les embêtez pas avec vos questions... Sortez, monsieur, c'est une petite ville ici, vous n'êtes pas le bien venu...

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