mercredi 7 octobre 2015

"PRISONNIER DU CIEL" de James Lee Burke (1988) par Luc B.




James Lee Burke ressemble à l’acteur Tommy Lee Jones, le visage ridé comme une vielle pomme… Sans doute pas un hasard si, en adaptant DANS LA BRUME ELECTRIQUE (2008) Bertrand Tavernier avait justement choisi le comédien pour endosser les frusques de Dave Robicheaux, le héros récurrent de Burke.

Burke est né au Texas, en 1936, diplômé en art, littérature, journalisme, il fait mille petits boulots avant de commencer à écrire au milieu des années 60. Et entame la série des Dave Robicheaux en 1987. PRISONNIER DU CIEL est le deuxième roman de la série. Dave Robicheaux est un ex-flic de la Nouvelle Orléans, ex-alcoolique, qui se shoote maintenant au Dr Pepper. Il a refait sa vie dans la cambrousse, à New Ibéria, en Louisiane. Avec sa femme Annie, il gère un magasin de pêche, de location de bateaux. Quand un avion lui tombe sur la gueule. Il plonge à la flotte, ressort avec une fillette, mais les autres passagers sont morts. Y’a un curé, mais surtout un type aux tatouages louches, qui jure dans le tableau. Quand Dave essaie d'en savoir plus sur les quatre cadavres, les autorités lui répondent : y'en avait que trois. Ah non, quatre, j'y étais... Non mon pote, officiellement, c'est trois... Et là, on commence à lui chercher les noises. Les flics, le FBI, l’Immigration, les barbouzes, les caïds du coin. Dave Robicheaux n’est pas du genre à se laisser marcher sur la gueule, il ressort son vieux colt.45, le graisse, le charge, et part enquêter de son côté…   

Dave Robicheaux peut rappeler pas mal de flics bâtis sur le même modèle, comme l’inspecteur Bosch, de Michael Connelly. Un type usé, tourmenté, flirtant avec la loi, traumatisé par son passé de soldat au Vietnam. Les souvenirs violents remontent à la surface, que l’ex-flic n’arrive plus à exorciser. Il vit avec ce passé, et s’interroge sur le sens de sa vie. James Lee Burke place des détails autobiographiques, liés à son père notamment. Et la fillette sauvée des eaux, qui deviendra sa fille adoptive, s’appelle Alafair, comme la grand-mère de l’auteur.

Mais rassurez-vous, on ne disserte pas à longueur de pages, on se castagne allègrement à coup de barre à mine, on se flingue avec bonheur. Car l’intrigue est riche, dense, fouillée, retorse, comme les romans de Chandler, peuplés de personnages admirablement brossés en trois lignes, et des coups-fourrés en veux-tu, en voilà. Car pour avancer, Robicheaux va devoir réactiver ses réseaux. A commencer par Robin, une pute junkie de ses amies. Et va rapidement comprendre que chaque personne contactée, devient une cible potentielle pour ceux qui n’apprécient pas qu’on remue la merde, comme Bubba Rocque, ami d’enfance, et gangsters notoire…

James Lee Burke est un as du stylo. Son écriture peut être sèche comme un coup de trique dans le menton, mais aussi lyrique et flamboyante, quand il s’agit de célébrer la nature. Les histoires se déroulent en Louisiane, et à la troisième ligne, on y est. Les sons, les odeurs, les couleurs, le croustillant des beignets de crevettes. Des bas-fonds de la Nouvelle Orléans, et ses bouges infâmes, aux rives luxuriantes du Mississippi, le bayou, les chemins de coquilles d'huitres. Une plongée dans la culture cajun, la cuisine, la langue que parlent les vieux noirs, comme son pote Batist qui tient la boutique avec lui. Toutes les scènes de ballades, de repas, de partie de pêche, respirent la vie, l'attachement aux lieux. Robicheaux a reconstruit sa vie, s'est fait une nouvelle famille, et on le sait prêt à toutes les extrémités pour la sauvegarder. 

C’est du très bon roman, du très bon polar, violent et désenchanté, presque envoutant par moment (les cauchemars, le passé qui ressurgit, le vaudou pas loin...). James Lee Burke est certainement un des maîtres du genre.  

Ce livre a été adapté par Phil Joanou en 1996, avec Alec Baldwin, sous le titre VENGEANCE FROIDE. Me souviens pas avoir vu ça…    

4 commentaires:

  1. lu le livre et vu l'adaptation en film : pas mal, Alec Baldwin est plutôt convaincant en Dave Robicheaux, mails le film ne restitue pas totalement l'ambiance du bouquin (comme souvent)...

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  2. Je viens de lire le tout premier livre de Burke, "Le boogie des rêves perdus", c'est pas encore du polar mais c'est vraiment excellent. Cordialement JP

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  4. Connais pas, mais ça mériterait de s'y pencher. J'en suis à mon troisième de la série des Robicheaux, on ne s'en lasse pas !

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